Chapitre 33

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Mes amis tombent les uns après les autres, ça a commencé par Franziska, pour continuer avec Isadora et Louise.

Quand le hurlement de Franziska a retenti, tous mes os ont tremblé de peur. Pour l'avoir et pour professeur et vu s'entraîner, je n'aurais jamais pensé qu'elle serait vaincue. Mais celle qui me surprend le plus c'est Isadora, ma belle-sœur a eu le dessus sur pas moins de six adversaires sans utiliser ses pouvoirs. Enfin jusqu'à ce qu'elle soit face à l'un des frères de Lorenzo et malgré sa force, elle lui a tranché la tête. L'épée sur laquelle elle trône et à quelques mètres de moi, l'odeur de fer et de mort sont intenables, à tel point qu'elles me piquent les yeux. Le ploc ploc des gouttes n'arrange en rien la nausée qui me menace. C'est comme si chacune d'elles rythmait les combats autour de moi, plus sanglants et meurtriers au fil des minutes, des heures qui passent.

Quand Lorenzo a compris à qui appartenait la tête, il est devenu fou, encore plus lorsqu'il a vu l'immense joie qui se peignait sur le visage d'Isadora.

Je pensais avoir entendu l'un des plus horribles hurlements lorsque Franzi a été touchée, mais celui que m'offre l'Italien le dépasse largement. Il résonne dans mes oreilles depuis cinq bonnes minutes et avec lui un affreux sifflement aigu. Ses iris sombres m'ont parcouru de haut en bas, sans un bruit, il arrache ce qu'il restait de son frère et les balances vingt mètres plus loin, pour saisir la garde de l'arme.

Je tourne le visage sur ma droite et plonge mes yeux dans ceux d'Isa. Je sais que si je n'ai pas la possibilité de me venger, ils le feront. Je ne lui en veux pas pour ça, car si elle ne l'avait pas tué, ça aurait été sa tête sur cette garde. Je lui souris dans l'espoir qu'elle comprenne que je lui suis redevable de nous avoir protégés.

Je me concentre sur L'Alpha et son geste me pétrifie sur place. J'ai toujours su qu'il était imprévisible, je l'ai bien vu lors de mon accident, mais je ne l'aurais jamais cru capable de m'asséner un coup d'épée en plein ventre.

Le cri qui s'échappe de mes lèvres n'a rien de mélodieux, mes cordes vocales me brûlent et mes larmes baignent mon visage. Dès l'instant où le fer s'enfonce dans la chair tendre de mon abdomen, l'effluve du sang emplit mes narines. Une douleur me tord en deux quand je me rends compte que je ne sens plus celle de mon enfant.

Josepha m'a dit un jour que les barrières entre la tristesse, la peine, la colère et la folie sont fines. J'ignore pourquoi elle me l'avait dit ce jour-là, mais à cet instant, le cœur en miette et la haine pour seule arme j'en saisis tout le sens.

Trop impuissante pour attraper ma dague à ma cuisse, je fixe une nouvelle fois Isadora et un mince sourire habille mes lèvres.

— Merci...

J'espère de tout cœur qu'elle comprend le faible mot que je lui adresse, je ne peux pas parler plus fort à cause de la douleur de chacun de mes membres. Les yeux sombres de Lorenzo au dessus de moi me pétrifient, l'arme au-dessus de mon cœur n'arrange en rien mon angoisse. En songeant à ma vie, je me sens sereine. J'ai eu une enfance heureuse jusqu'à mes dix-huit ans, une mère affectueuse, un beau-père attentionné et un bébé joufflu que j'ai aimé au premier regard en dépit du peu de temps passer ensemble. J'ai rencontré des personnes formidables qui m'ont permis de me relever et d'affronter l'avenir plus forte que je ne l'ai été et malgré ma facilité à m'excuser je me rends compte que je ne le ferais pas pour mes choix. La seule chose que je changerais serait de m'affirmer plus et de m'entraîner à être si redoutable que Lorenzo n'aurait jamais tenté une seconde attaque après Lieuisolée. Simplement parce que je l'aurais tué ce jour-là au lieu de m'enfuir.

J'inspire profondément, l'épée de L'Alpha écorchant ma peau et je sais que je suis prête à mourir. De grosses gouttes de sueur perlent sur mon front et l'hémoglobine qui se déverse en grande quantité de mon ventre, m'inquièterais presque si mon agonie ne touchait pas à sa fin d'ici quelques secondes. Les paroles de Zofia me reviennent en tête « plus tu perds du sang et plus tu mets de temps à récupérer, alors trouve un moyen de cautérisé tes plais ». Habituellement, je poserais ma main sur l'entaille et je ferais appel à mon feu, mais à quoi bon user de mon pouvoir si mon dénouement est proche ?

Je le défie du regard, lui qui me voulais en vie pour enfanté des hérités, le voilà dans une bien délicate posture. Je m'apprête à lui demander ce qu'il attend pour enfin terminer ce qu'il a commencé quand une chevelure blonde le pousse et se place entre lui et moi. Prise de surprise, je relève mon buste, mais m'effondre aussi tôt après que le rappel foudroyant de mon entaille. Je ne peux ni bouger ni aider Céleste qui lui fait face, une dague à la garde noire incrustée d'améthystes et un chat sur ses talons. Le rapide regard qu'elle me lance est apeuré, mais je comprends qu'elle va me défendre. Ma sœur va risquer sa vie pour ce lien que les Abramo ont essayé de détruire depuis plusieurs années.

La fillette saute sur le vampire et hurle de rage. Elle ne pourra jamais venir à bout d'un surnaturel du haut de son jeune âge sans pouvoir. Je jette un coup d'œil du côté d'Isadora, mais je ne vois que son corps inerte sur un énorme loup. Pas elle, par pitié.

Le tambourinement de mon cœur me coupe presque la respiration. Je plonge dans mes dernières forces et pivote là où se déroule le combat de Ian. Je le découvre au sol, le cadavre de Finn entre ses mains et je constate qu'il est dans un piteux état lui aussi.

Lorsque nos regards se croisent, je pointe la jeune fille devant moi sans le quitter des yeux.

— Protège Céleste... je balbutie. Sauver... ma... sœur...

Un énorme halo de lumière m'envahit sans que je ne puisse entendre la réponse de Ian et sans attendre je porte ma paume à ma plaie. Il ne me reste plus beaucoup de temps avant d'être vidé de mon sang, j'inspire et serre les dents. Ce qui va suivre ne va pas être dans le top 3 de ce que je pensais faire le soir de ma cérémonie. Pourtant, j'appelle le pouvoir transmis par Ianatan et carbonise ma blessure. L'odeur de chair brûler et la douleur me ferais presque tomber des les pommes, mais les lames s'entrechoquant et les hurlements de tous les côtés me garde éveillée.

Tandis que je termine de cautériser ma plaie, je me fais la promesse silencieuse que si je sors de cette boucherie indemne, je ne serais plus cette femme fragile et pleurnicheuse. Je tuerais Lorenzo Abramo si personne ne l'a fait avant moi. De lui broyer le cœur, de lui arracher la tête ou de l'immoler vivant.

Je me mets à genou, le ventre encore sensible et tourne le dos à la lumière qui menace de me rendre aveugle. Quand enfin le voile blanc tombe, je m'empare de ma dague à ma cuisse et avant de rejoindre ma sœur je lance un dernier regard sur le cimetière qui m'entoure.

Une multitude de corps gisent au sol, la couleur rouge du sang à remplacer le vert que nos amis avaient fait apparaître pour la cérémonie et la clarté de la lune donne à l'ensemble un air incroyablement funeste. J'inspire l'odeur de terre, d'hémoglobine, de sueur et de fer et un frisson couvre mes avant-bras. Je suis tout aussi prête à mourir que je l'étais lorsque Lorenzo se trouvait au-dessus de moi, sauf que cette fois je l'emmènerais dans ma tombe s'il le faut.

Valentina Tome 1 : un monde nouveauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant