Fiction OrelxGringe - Le garçon venu d'ailleurs.

Partie 7 - Julien.

Qu'est-ce que tu as fait là-bas ?

Il se perdit dans ses pensées en repensant à la question du garçon lorsqu'ils étaient revenus chez lui. Qu'est-ce que cet homme t'a fait ? Il lui avait dit la vérité, lui disant qu'il lui avait donné son sang en échange de piles pour relancer l'électricité dont il avait besoin pour sa mère et que ce dernier avait refusé après s'être servi copieusement. Aurélien lui avait alors lancé un regard effaré et il s'était senti mal de lui avoir dit la vérité. Peut-être n'avait-il pas besoin de tout savoir ? Mais c'était son monde qui se servait du sang des siens après tout, non ? Il devait bien être au courant que ça se passait ce genre de choses. Il n'était pas allé plus loin, évitant de lui dire qu'Élias avait demandé son sang à lui en échange de l'électricité, et lui avait dit qu'il devait aller chercher des ressources s'ils voulaient manger quelque chose ce soir, ne laissant pas le temps à Aurélien de le suivre. Il fallait qu'il reste en sécurité lui, pas qu'il risque sa vie en l'accompagnant dehors, à l'extérieur. Il y avait tant de choses qu'il ne connaissait pas encore. À commencer par les plantes qui essayaient de vous attaquer quand vous les frôliez, pensa-t-il en grognant de frustration lorsque l'une d'elle chercha à le mordre. Il découpa la tige avec son couteau et continua son chemin, observant avec attention son environnement. Il n'avait pas totalement dit la vérité à Aurélien en lui disant qu'il sortait chercher des ressources. Il cherchait aussi Julien, le garçon qui était avec lui dans le vaisseau. Alors il essayait de remonter la trace de ce dernier et de le retrouver, mais il se demandait s'il ne tournait pas plutôt en rond depuis tout à l'heure. Juste à ce moment-là, alors qu'il se disait ça, il entendit des bruits de voix et en se tournant vers celles-ci, il aperçut des personnes à travers les branchages des arbres. Élias. Il s'approcha prudemment de ce dernier, le reconnaissant aussitôt, et se cacha derrière un des arbres pour écouter ce qu'il disait. Il semblait parler à un autre homme, caché à lui, et il vit qu'il était accompagné de trois autres personnes.

« Julien. Ingénieur, entendit-il Élias dire alors qu'il semblait lire quelque chose sur une carte, appartenant sûrement à l'homme. C'est toi ? Tu es un Haut Placé ? Qu'est-ce que tu fous là, bordel ? Non, tu sais quoi... J'en ai rien à foutre. »

Il vit Élias se redresser, ce dernier étant jusqu'à présent accroupi à côté de Julien qui, étonnamment, était encore en vie, puis sortir une arme de sa poche. Il n'eut pas le temps de réagir assez vite que Élias avait déjà tiré. Il écarquilla les yeux sous le choc, abasourdi par la violence dont faisait preuve ce dernier. Il savait qu'il détestait – non, haïssait – les Hauts Placés mais de là à tuer un homme de sang froid sans même attendre de savoir qui il était plus en détails ? Il était en état de choc. Aurélien n'allait jamais le supporter. Et il n'avait rien fait pour l'empêcher de le tuer. Il se mit à trembler et quand Elias se tourna soudain dans sa direction, un air suspicieux sur le visage, il eut peur qu'il l'ait entendu tant il lui semblait respirer fort. Mais non, ce dernier jeta seulement un regard suspicieux aux alentours avant de se tourner vers les hommes qui l'accompagnaient et de leur faire un signe de tête en direction de Julien, qu'il n'avait pas encore vu. Ces derniers hochèrent la tête et il les vit s'approcher de ce dernier derrière Julien avant de le soulever. Julien se mit à marcher dans une direction et ceux-ci le suivirent, portant le cadavre de l'ingénieur qui, il pouvait le voir à présent, avait le visage en sang à cause de l'impact de la balle. Il pouvait à peine voir les traits de son visage, c'était affreux. Il laissa les hommes partir devant un petit peu avant de se diriger vers l'endroit où ils se tenaient précédemment et il se pencha pour attraper la carte qu'il avait vu Élias jeter au sol en partant. Julien. Ingénieur. 32 ans. District A. 32 ans ? pensa-t-il, un petit peu surpris. Il ne donnait pas plus de dix-huit ans à Aurélien, ayant lui-même dix-neuf ans. Alors qui était ce Julien pour lui ? Son frère ? Son collègue de travail ? Un ami ? Et pourquoi étaient-ils partis du district d'ailleurs ? N'était-ce pas que les militaires, la milice, qui en avaient le droit ? De sortir en utilisant ces vaisseaux. Il ne connaissait pas vraiment ce monde et ne s'en préoccuperait pas réellement, mais c'est ce qu'il avait cru comprendre avec le temps. Est-ce qu'il avait mal compris ? Il se reprit en se rappelant des hommes d'Élias qui transportaient le corps de Julien et se dépêcha de retrouver leurs traces, pour les suivre. Il fallait qu'il sache où c'est qu'ils allaient mettre le corps. Au cas-où.

***

« Il faut... que je retrouve Julien, Guillaume. C'est important.

— C'est important ? Ça l'est ou bien c'est lui qu'il l'est ? »

Il reposa sa cuillère dans son potage quand il répondit ça, surpris d'à quel point les mots  étaient sortis beaucoup plus sèchement qu'il ne l'avait tout d'abord voulu. Aurélien lui lança un regard étonné mais ne parut pas blessé pour autant et ce dernier baissa la tête en direction de sa soupe, observant cette dernière comme si elle détenait la réponse à sa question.

« C'est... important. Ça l'est... pour moi. Il l'est. »

Il sentit son cœur se serrer à ça et observa Aurélien tristement. Il ne savait pas qui était cet homme par rapport à lui, mais il n'avait pas le courage de le lui demander. Ni de lui avouer qu'il était mort. Aujourd'hui même, sous ses yeux. Pas tout de suite en tout cas.

« D'accord... Je partirai à sa recherche alors. Je tenterai de le trouver. »

Aurélien releva la tête quand il dit ça et il le vit lui jeter un regard surpris. Sa surprise se changea en expression inquiète, hésitante, puis un petit sourire s'inscrivit sur ses lèvres, le transperçant de part en part à cette vision.

« Merci, Guillaume. Tu es quelqu'un de bon. »

Non, vraiment pas... Si seulement il savait, se dit-il, se sentant aussitôt coupable de lui mentir ainsi, mais est-ce qu'il ne valait pas mieux qu'il puisse se raccrocher à un espoir de le retrouver un jour au lieu de perdre toute confiance en l'avenir ? Il ne savait pas ce qui était le mieux dans ce cas précis mais son mensonge suivi du remerciement si sincère du plus jeune lui retourna l'estomac. Il n'aimait vraiment pas ça. Alors il hocha la tête et se remit à boire son potage, afin de clore le sujet. Aurélien l'imita. Il se sentait honteux.