« Vas te doucher, tout de suite. Et après, au lit. »
Aurélien le regarda d'un air surpris quand il s'adressa à lui de cette manière en rentrant chez lui près de vingt minutes plus tard. Surpris, blessé même, mais pas étonné. Comme s'il s'y attendait, comme s'il était habitué. Il le vit hocher la tête et enlever le pull qu'il lui avait passé pour le couvrir sur le chemin retour de ses épaules pour le lui tendre sans un mot. Il attrapa ce dernier brusquement et tourna les talons, une colère sourde montant en lui. Aurélien lui avait menti. C'était un Jug, pas un Haut Placé comme il l'avait d'abord cru. Et dire qu'il lui avait dit pouvoir venir en aide à sa mère. Lui ?! Putain... Il s'était bien fichu de lui. Il l'avait manipulé. Aurélien l'avait pressé de retrouver Julien – son maître sans aucun doute – afin de se faire la malle, sûrement n'avait-il jamais eu l'intention de leur venir en aide pour de vrai. Ce n'était qu'une manipulation pour obtenir la sienne car s'il avait été au courant de son statut dès le premier jour... jamais il ne l'aurait aidé. Comment se faisait-il d'ailleurs qu'il ait une conscience ? Qu'il soit doué de raison ? Les Jug n'étaient pas censé pouvoir réfléchir, parler, ressentir... Alors pourquoi lui si ? C'était interdit par la loi de la Citadelle, ça il en était sûr. C'était passible de la peine de mort. Pour le Jug, mais aussi pour le détenteur du Jug. Pour son maître. Et maintenant, à cause de lui, il risquait la prison. Car oui, Aurélien était à présent en sa possession, c'était un fait.
« Qu'est-ce qu'il se passe, Guillaume ? Pourquoi tu as levé la voix comme ça ? lui demanda sa mère quand il entra dans sa chambre et il s'approcha de son lit, la mâchoire serré de colère.
— C'est Aurélien. C'est un Jug. Il s'est bien foutu de moi.
— Un Jug ? Mais...
— Je sais. Il est doué de raison. Ne me demande pas pourquoi, j'en sais rien. Mais je sais que c'est interdit par la loi, et à cause de lui on risque tous les deux la prison. Imagine que la Citadelle l'apprenne. Qu'il est avec nous. Demain, je l'y ramènerai. Peut-être qu'ils pourront nous pardonner de l'avoir caché jusque là ainsi.
— Guillaume... Pourquoi tu es si dur avec lui ?
— Il m'a menti. Je l'ai cru quand il m'a dit qu'il pourrait nous aider. Te sortir de là, pour de vrai, dit-il en sentant sa mâchoire se serrer de plus belle tant il était en colère. Faire quelque chose pour ta situation. Mais c'est un Jug, il ne nous servira à rien.
— Guillaume, est-ce que je dois te rappeler qu'il n'y est pour rien, lui, s'il a une conscience ? C'est son maître le fautif, pas lui. Et puis, Aurélien... c'est grâce à lui que l'électricité remarche, n'est-ce pas ? Il m'a sauvé la vie. Il n'a pas hésité une seconde à aller donner son sang à Élias quand ils lui ont dit que c'était la seule condition qu'il posait.
— Mais c'est un Jug... » marmonna-t-il dans sa barbe et juste au moment où il se passait une main devant le visage, il entendit un gros boum, suivit d'un gémissement de douleur.
Il se leva en un bond et jeta un regard inquiet à sa mère avant de se précipiter hors de la chambre. Il s'élança vers le salon et chercha Aurélien du regard avant de l'apercevoir recroquevillé par terre, une main sur le ventre et un couteau à côté de lui sur le sol. Le plus jeune avait un air de douleur sur le visage, les yeux fermés fortement, et alors qu'il s'apercevait que du sang coulait de sous la main qu'il tenait contre son ventre, il le vit chercher à tâtons le couteau à ses côtés et s'en emparer quand il le trouva.
« Non ! Qu'est-ce que tu fais, arrête ! »
Il s'élança sur lui et quand il attrapa fortement ses poignets, Aurélien lâcha le couteau en pleurant :
« Arrête, Guillaume... Laisse-moi... Tu l'as dit toi-même, je suis inutile, je ne sers à rien. Mon maître est mort, je n'ai donc plus de raison de vivre... Et même vivant je ne te servirai à rien à toi, à part te causer des ennuis. Si tu me ramènes là-bas... Ils ne te feront pas de fleurs, ils te tueront, c'est tout ce qu'ils feront... Alors arrête, s'il te plaît... Laisse-moi mourir... Laisse-moi me tuer...
— Non...! Plutôt crever, ça va pas ! s'exclama-t-il, le cœur battant à cent à l'heure dans sa cage thoracique alors que le plus jeune se débattait toujours sous lui. J'ai été con... Aurél, écoute-moi...! Je m'excuse, tu m'entends ? Je m'excuse, vraiment.
— Non... Tu ne le penses pas réellement...
— Si. Je te promets que si. Éloigne-toi de ça, dit-il en attrapant les poignets d'Aurélien d'une main pour pouvoir pousser le plus loin possible le couteau en le faisant glisser sur le sol de l'autre. Je suis tellement désolé, putain... Tu as déjà fait tellement pour moi... Pour ma mère... Et je t'ai traité comme la dernière des merdes. Viens-là... Relève-toi... Viens avec moi. »
Aurélien se laissa faire quand il le força à se redresser et il entoura sa taille de son bras pour l'empêcher de s'écrouler au sol. Il baissa ensuite les yeux sur son ventre et vit qu'il s'était loupé, et que c'était pour ça qu'il était encore en vie. Il s'était ouvert à quelques millimètres seulement de l'ouverture déjà présente sur son ventre. L'ouverture donnait l'impression d'essayer de s'élargir, comme pour toucher cette autre blessure, peut-être fusionner avec elle, et il releva la tête pour regarder Aurélien d'un air soucieux. Celui-ci semblait sur le point de tomber dans les vapes, un air fiévreux sur le visage et les yeux se fermant peu à peu, et il le lâcha pour prendre son visage dans ses mains :
« Aurél... Eh, tu m'entends...? Tout va bien se passer, ok ? Tu ne vas pas mourir. Il en faudrait bien plus pour cela, hein ? lui dit-il d'un faux air assuré et Aurélien l'observa en silence sans rien dire. Allez... Viens avec moi, je te promets que tu vas t'en sortir. »
Il l'entraîna vers la salle de bain en disant ça et se retint de justesse de pousser un juron dans sa barbe en le sentant se laisser faire tout à fait. Il devait le rassurer sur ses intentions à son égard au plus vite. Mais avant, il devait s'assurer qu'il allait bien.
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Fiction OrelxGringe - Le garçon venu d'ailleurs.
FanficAnnée 3000, après la Guerre Civile. En rentrant chez lui après être allé chercher des ressources dans la nature pour se nourrir, Guillaume voit un vaisseau s'écraser et en suivant sa chute, trouve un garçon blessé et inconscient.