Partie 11 - La Citadelle.

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« Je... ne sais pas... Il a dit... qu'il avait réussi à me réveiller. Je ne sais pas ce que ça veut dire. » répondit Aurélien quand il lui demanda près de quinze minutes plus tard s'il savait comment son maître avait fait pour le fabriquer avec une conscience.

Il baissa légèrement la tête pour observer le pansement translucide qu'il lui avait appliqué sur le bas-ventre. Avec un peu de chance, demain déjà il serait guéri. C'était généralement rapide, comme pour sa jambe.

« Et quand... tu parlais d'enfants... tu ne mentais pas ? Ce n'était pas une façon de me manipuler ? dit-il d'un air incertain, n'étant pas sûr s'il pouvait le croire.

— Je te jure que non. C'est la vérité. Les enfants là-bas... Dans la Citadelle... ils n'ont pas de... je ne sais pas... de système immunitaire ? Alors très peu d'entre eux réussissent à survivre après les dix ans. D'après Julien, de ce qu'il me disait, c'est un vrai fléau, une véritable hécatombe qui devient de pire en pire chaque année. Les taux de natalité ne vont qu'en augmentant pour essayer de lutter contre ça, mais ça ne suffit pas. Si ça continue comme ça... il n'y aura bientôt plus un seul Haut Placé.

— C'est Julien qui t'a raconté ça ? demanda-t-il et Aurélien hocha la tête doucement. Combien ils sont aujourd'hui ? Par rapport à... quand il était enfant...? »

Aurélien resta un moment silencieux, paraissant se perdre dans ses pensées pour réfléchir à sa question et il se perdit dans sa contemplation. Il était tellement beau. Il avait la peau claire, presque pâle, et ses cheveux mi-longs et noir détonaient avec celle-ci. Ses yeux marron foncé l'attirait en permanence, son regard venant alors se perdre dans le sien sans pouvoir s'en empêcher. Il se rappela l'avoir lavé dans la salle de bain un peu plus tôt, le plus jeune semblant à peine tenir sur ses jambes, et ce souvenir fit apparaître une chaleur dans son bas-ventre.

« Quand il était petit, ils étaient à peu près 150 000. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 75 000, dit Aurélien en le sortant de ses réflexions et il écarquilla les yeux devant cette information. Apparemment, dans le district Z, il y a un grand écran avec toutes sortes de chiffres, c'est de là qu'il tient son information. Ça l'a marqué quand il était petit et qu'il y était allé avec son père. Et maintenant, en tant que... Je veux dire, avant qu'il meure... balbutia Aurélien, semblant se rappeler que Julien n'était plus de ce monde, et il hocha la tête pour lui dire qu'il avait compris. En tant qu'ingénieur, il avait le droit de s'y rendre et ça l'avait catastrophé de voir la chute aussi rapide du nombre qu'ils étaient.

— Combien... Combien nous sommes nous ? On devrait être moins, non ? Vu qu'on doit littéralement survivre pour rester en vie ? »

Aurélien lui jeta un petit regard hésitant avant de baisser la tête et il attrapa sa main avec délicatesse.

« Aurél ?

— Non, Guillaume... Tu te trompes... Vous êtes... Les Bannis... vous êtes 5 millions, vous. Peut-être que la vie est dure mais... pour la plupart, vous arrivez à vous en sortir. Vous vous êtes approprié votre environnement, vous l'avez étudié, compris, apprivoisé... Et puis... vous faites... beaucoup d'enfants... Tes parents... n'ont peut-être eu que toi, mais c'est loin d'être le cas pour la majeure partie des Bannis. Quand Julien était petit, vous n'étiez que 4 millions. En moins de 30 ans, vous avez gagné un million. »

Il resta bouche-bée devant l'annonce du plus jeune. 4 millions ? Et pourtant, c'était toujours les mêmes qu'il rencontrait.

« Tu parles toujours de Julien... Mais toi, Aurél ? Ces chiffres ne t'ont pas marqués ? Tu n'as pas vu leur évolution ?

— Non... Ça fait même pas un an que je suis réveillé, comme disait Julien. Je ne sais pas pourquoi il utilisait ce terme. Je sais juste... que dès le départ, il a commencé à faire des expériences sur moi. Il disait que la réponse à toutes leurs questions était dans mon ADN. Il me faisait des prises de sang, quasiment toutes les semaines, et étudiait celui-ci. Il était persuadé de trouver quelque chose dedans et... je crois qu'il a trouvé quoi. Mais il n'a pas voulu me dire ce que c'était alors je ne peux pas t'éclairer dessus. Mais je pense... que si tu m'amenais au District Z, ils pourraient m'étudier comme il l'a fait lui et trouver ce qu'il a fini par trouver en moi.

— Ou bien c'est un piège. »

Il vit Aurélien lui lancer un regard blessé quand il dit ça et celui-ci se recula sur le canapé, s'éloignant de lui, et sa main glissa de la sienne.

« Tu ne me crois pas ? Tu ne me fais toujours pas confiance ?

— Non, c'est pas ce que j'ai voulu dire, se rattrapa-t-il aussitôt. Je voulais plutôt dire... un piège de la Citadelle. Pas de toi. Je te fais confiance, Aurél, vraiment. Je sais que tu ne me manipules pas pour que je t'amène là-bas. N'est-ce pas ? dit-il et Aurélien secoua la tête doucement. Qu'est-ce que Julien te demandait d'autre ? À part... les prises de sang...?

— Pas grand chose... Juste... d'être une présence. De rester à ses côtés, lui parler, le... réconforter quand il allait mal, le rassurer... dormir avec lui... Je ne sais pas trop quoi te dire de plus.

— Dormir avec lui ? répéta-t-il en haussant un sourcil d'un air suspicieux et il vit Aurélien rougir à ça.

— Euh, oui... Dormir avec lui.

— Dans quel sens ? Est-ce que vous ne faisiez que dormir ? demanda-t-il et alors qu'il se disait que c'était quand même vachement déplacé comme question de sa part, il vit Aurélien rougir de plus belle et il eut sa réponse. Je vois... Mais... Quel âge tu as, Aurél ? T'as l'air d'avoir quinze ans, seize ans grand max.

— Je... Je sais pas... Il a dit m'avoir réveillé, alors je ne sais pas si j'ai l'âge... de mon physique. Pour de vrai... Puis c'était mon maître, je devais obéir à tous ses ordres sans réfléchir.

— Peu importe... Il devait avoir le double de ton âge. Je ne sais pas comment se comportent les Hauts Placés avec leur Jug dans la vie de tous les jours mais... Tu as une conscience toi, merde, dit-il en se rapprochant doucement d'Aurélien et il porta une main à ses cheveux alors que ce dernier le regardait d'un air inquiet. Tu as des sentiments, des pensées... Tu es un être à part, un être à protéger. Pas à martyriser ou à soumettre... »

Aurélien lui lança un petit regard hésitant et il sourit tristement alors qu'il dégageait sa frange noire de devant ses yeux afin de pouvoir voir ces derniers.

« Tu me laisserais dormir avec toi ? Juste dormir, moi, je te promets, dit-il en lui souriant doucement. J'en ai marre de dormir sur une chaise dans la chambre de ma mère. C'est pas confortable, encore moins que ce vieux canapé.

— Bien... Bien sûr, balbutia Aurélien en haussant les sourcils d'un air étonné. Tu aurais dû me le dire plus tôt, Guillaume. Je serais allé dormir sur la chaise, moi.

— Non, pas la peine. Tu te décales ? »

Aurélien acquiesça et il le vit se reculer au fond du canapé, venant s'y allonger. Il vint s'allonger près de lui à son tour et lui sourit quand il vit le petit regard inquiet que lui adressait le plus jeune. Tout allait bien, il n'allait rien lui faire lui. Il était en sécurité à ses côtés, il retirait tout ce qu'il avait dit auparavant. Il avait envie de le protéger à présent. Comme avant cette crise, qui était entièrement de sa faute d'ailleurs à cause de sa réaction.

Fiction OrelxGringe - Le garçon venu d'ailleurs. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant