Take me to church [MxM]

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Les bulles d’air roulèrent mollement jusqu’à la surface, et l’écran d'eau se troubla un instant. Faisant glisser un rayon de soleil dans les yeux d'Hadrian.
Ses paupières trésaillirent, mais il garda les yeux ouverts sur le bleu infini et les nuages qui y flottaient paresseusement.

Le ciel est plus beau depuis le fond d’une piscine. Il suffit de tendre la main pour le faire vivre sous les doigts.

Hadrian creva la surface de l'eau et gonfla sa poitrine d'une brassée d'air.
Son cœur tapait furieusement contre ses côtes, alors que l'oxygène reprenait le chemin vers son cerveau et ses membres engourdis.
Une main bronzée écarta les cheveux de son visage, et il plaqua les boucles lourdes d'humidité contre son crâne.

Hadrian se rapprocha du bord de la piscine, croisant les bras sur le contour en pierre chauffé par le soleil, pour y enterrer son visage.
Il entendait, tout près, la voix de Lottan, le bras droit de son père. Il venait sans doute tout juste d'arriver, mais discutait déjà vivement affaires avec le père d'Hadrian.

À travers ses yeux plissés par le soleil, Hadrian les vit passer en trombe devant la baie vitrée du salon. Lottan déblatérant nerveusement dans de grands gestes frénétiques.

Lottan était un petit homme grassouillet, avec des sourcils broussailleux et un crâne brillant. Il avait souvent à la main un mouchoir, pour essuyer la transpiration à son front, et saluait d'habitude Hadrian avec de grands sourires et petites tapes sur l'épaule. Le traitant comme l'un de ses nombreux fils.
Mais aujourd’hui, il n’avisa même pas la présence d’Hadrian. Presque courant derrière la figure imposante du Maître. Arthur Pronovost, le géniteur d’Hadrian, dont les yeux bleus glacés, semblables à ceux de son fils, lançaient presque des éclairs alors qu’il se dirigeait à grands pas vers son bureau. 

Une silhouette inconnue, derrière les deux hommes, attira l'œil vif d'Hadrian.
Il n’avait pas remarqué tout de suite l'entrée d'une troisième personne, qui avait soudain arrêté de suivre les deux autres, et, immobile en plein milieu du salon, le fixait à travers la vitre.

Hadrian tomba dans ses yeux.
Deux orbes noires et sans lueurs, qui le sondèrent en retour.

Le garçon de l’autre côté de la vitre, n'était pas plus vieux que lui.
Sa figure noircie par l'ombre de l'auvent extérieur, on pouvait difficilement apercevoir le blanc de ses yeux, derrière d'épais éventails de cils qui étiraient les ombres jusqu'à ses joues.
Son visage jusqu’à son cou étaient rouges, et ses vêtements trempés de sueur, comme s'il avait couru un marathon.
Pourtant, il s’assurait de ne laisser entrevoir aucun signe de fatigue ou d'agitation dans sa posture droite, presque prédatrice, et son torse qui se soulevait au rythme d'une respiration contrôlée.
Hadrian ne se rappelait pas l’avoir déjà vu dans l'entourage de son père.

Le bas du visage niché dans ses bras, Hadrian goûtait le chlore sur la peau qu'il pinçait entre ses lèvres.
L'eau tombait encore de ses cils au compte-gouttes. S'évaporant sur le contour de pierre brûlant, ou se perdant dans ses yeux irrités, qui soutinrent néanmoins sans tressaillir le regard de l'inconnu.

Le jeune homme rompit d'un coup leur échange visuel, pour rejoindre les autres, qui s'étaient enfermés dans le bureau de son père.
Aux yeux d'Hadrian, il avait l'air d'un simple coureur des rues. L'ado typique qui distribuait la drogue sur les plages touristiques et les piscines d'hôtels.
Normalement pas le genre de sous-fifre qui pouvait rencontrer son père.

Hadrian attrapa un quartier d'orange, sur le plateau de fruit près de la piscine.
La saveur de l'agrume couvrit le goût du chlore sur sa langue, et il replongea la tête sous l'eau.

Il trouvait dommage que le petit curieux n'est pas tenté de lui adresser la parole, après l'avoir dévisagé comme il l'avait fait.
Même si Hadrian doutais être de bonne compagnie de toute façon. Son ennui se lisait facilement sur son visage, et on lui avait déjà reproché de regarder les gens de haut pour cette raison. Et considérant l'influence de son père dans le monde du crime, il n'était pas rare que l'on préfère éviter de regarder ne serait-ce que dans sa direction.

Une série de bulles remontèrent à la surface, quand Hadrian souffla un petit rire depuis les profondeurs ;
Ce nouveau spécimen avait pourtant tenu ses yeux dans les siens plus longtemps qu'aucun autre ne l'avait fait.
Le garçon était amusant.
Il espérait secrètement le revoir souvent dans les parages à l'avenir.

Et quand son père et les deux invités revinrent dans le salon, un peu plus tard, Hadrian s'appuya encore sur le bord de la piscine en chassant l'eau de son visage.

Lottan parlait rapidement, agitant ses bras dans tous les sens en suivant Arthur hors du bureau.
Le garçon inconnu sorti derrière eux. Hadrian le voyait qui restait à l’écart. Attendant que les deux hommes finissent leur discussion.
Encore, son attention se porta directement vers la baie vitrée, sur Hadrian. Ou peut-être, vu son état et la chaleur qu'il faisait aujourd'hui, lorgnait-il la piscine et ses promesses de fraîcheur ?

Hadrian s’empara d’une orange et l’envoya rouler en direction de la baie vitrée.
L’orange s’arrêta contre la vitre, et Hadrian savait que l’autre l’avait vu.
Après un instant d’hésitation, le garçon s’approcha et ouvrit doucement la porte coulissante. Il s’accroupit, et Hadrian étudia de plus près ses cheveux sombres coupé court et un peu n’importe comment, les petites boucles collées à la transpiration sur son front, et l’ombre du Yucca en pot à côté, qui zébrait son visage blanc.
Il ramassa l’orange offerte et leva les yeux, donnant à Hadrian un nouvel aperçu des profondeurs noir de ses iris.
Assez profondes pour vous y faire tomber sans moyen de remonter.

La gêne, et sûrement aussi le soleil, commencèrent à picoter les joues d’Hadrian. Immobile devant l’intensité avec laquelle l’autre le considérait en silence.

Finalement, Lottan, prêt à partir, rappela le jeune homme, qui se redressa sur ses longues jambes avec la souplesse d’un chat, et s’éloigna sans se retourner, glissant l'orange d’Hadrian dans sa poche.
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Lottan l’avait appelé Darius.
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ᴜɴ. 
❝Au final, ils ne se sont jamais lâché les yeux.❞
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