Partie 19 - L'histoire part II.

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« Ce scientifique qu'il a tué dans la vidéo, c'était mon ancêtre, dit l'homme en plissant les yeux, essayant de voir le plus jeune derrière lui. Il s'appelait Guillaume. J'ai passé ma vie accroché à ses souvenirs, aux carnets que mes ancêtres ont pu sauver de lui. Car oui, il avait un fils, et ce fils a survécu à cette explosion. La Guerre Mondiale Civile, c'est ça. Les Progressistes contre les Conservateurs. Ceux qui voulaient évoluer contre ceux qui ne le voulaient pas. Ceux qui voulaient nous empêcher d'avancer vers un avenir meilleur. Alors mon ancêtre a créé ce Jug, qui était censé nous aider à gagner la guerre. Il a fait des expériences sur lui, essayant de créer une bombe humaine destinée seulement pour le camp adverse, sauf qu'elle lui a échappé. Le laboratoire est tombé en lambeaux, plus des trois-quarts de la population mondiale est décédée, Progressistes comme Conservateurs, et sa descendance a été excommunié par les survivants du camp Progressiste. Celle-ci a vécu dans l'ombre dans les Terres Désolées, siècle après siècle, à essayer de reconstruire le laboratoire, à rassembler des objets du monde d'avant pour ne pas oublier le but ultime de la famille : réparer leur faute afin de pouvoir revenir dans ce camp. Le Jug a été pour sa part placé en sécurité, dans les tréfonds des tunnels créés par les premiers Progressistes, et une loi a été instaurée dès la reconstruction : ne jamais plus créer un être pareil, au risque que les erreurs du passé se répètent. Sauf qu'avec le temps, les Progressistes ont perdu trace de ma lignée. Et j'ai réussi à infiltrer leur camp lorsqu'ils m'ont proposé du travail en apprenant à quel point j'étais bon dans mon domaine, tout comme mon ancêtre. Cela fait des années maintenant que je suis enfin l'un des leurs, j'ai abandonné femme et enfant dans les Terres Désolées pour reprendre le titre de ma famille, et quand j'ai appris par hasard qu'un banal ingénieur avait trouvé le Jug caché de tous... que tout le monde avait oublié depuis, et qu'il l'avait réveillé, j'ai tout de suite pensé à un plan. Je suis entré en contact avec l'ingénieur qui l'avait réveillé et tous les deux, on a travaillé à distance sur la manière de faire marcher au mieux ce Jug. Je lui ai expliqué que la solution à la dénatalité de notre peuple devait se trouver en lui et quand enfin, il a compris où je voulais en venir grâce à ses recherches, je l'ai dénoncé à la milice, le forçant ainsi à fuir et à me l'amener de son plein gré. Je ne voulais plus réparer ma faute, je voulais faire payer les Hauts Placés pour ce qu'ils avaient fait à ma famille. À comment ils avaient traité mon ancêtre après sa mort. Je voulais recommencer. Je veux recommencer. Tout ce monde ignoble doit disparaître, pour qu'enfin le monde recommence, plus beau que le précédent.

— Vous... êtes fou, dit-il lentement en regardant d'un air effaré l'homme devant lui qui, il avait à présent peur de comprendre, avait bien plus en commun avec lui que ce qu'il laissait penser. Patrick, n'est-ce pas ? C'est à vous cette carte ? »

L'homme l'observa calmement sortir la carte trouvée l'avant-veille près du pull du plus jeune et il le vit exhaler un petit rire désabusé.

« En effet. Où est-ce que tu l'as trouvée ? C'est comme ça que tu es entré ?

— Elle était chez moi. Dans les ruines de ma maison, dit-il en observant attentivement les réactions de l'homme et sans surprise, celui-ci serra aussitôt la mâchoire à ça. Oui, je ne viens pas de la Citadelle. Et je pense que vous connaissez très bien cette maison, n'est-ce pas ? »

L'homme plissa les yeux pour l'observer attentivement et alors il le vit jeter un coup d'œil à Aurélien dans son dos :

« Oui. Et dans ce cas tu es...

— Gui... llaume... »

Il tressaillit en entendant Aurélien l'appeler dans son dos dans un gémissement de douleur et il vit la mâchoire de l'homme se contracter de plus belle à ça :

« Guillaume ?

— Salut, papa. Ça fait longtemps, hein ? dit-il dans un rire sans joie avant de se tourner brièvement vers Aurélien pour s'assurer qu'il ne s'était pas réveillé. Tu vois, tu m'avais pas manqué. Et je vois que le sentiment est réciproque. Tant mieux, ce sera moins dur de t'empêcher de t'approcher de lui si tu insistes dans ton plan.

— Qu'est-ce que t'en as à foutre de lui ? C'est une anomalie de la nature, cracha son père à peine retrouvé et il frissonna en se rappelant que c'était comme ça que s'était appelé Aurélien un peu plus tôt. C'est de sa faute que notre famille s'est vue être exilée de la Citadelle. Du camp des Progressistes.

— Et ? Il y est absolument pour rien. Si j'ai bien compris ton charabia, c'est ton ancêtre qui s'est servi de lui et qui l'a mené à tuer le monde entier en le poussant à bout. À éradiquer l'humanité, dit-il en se rappelant du mot que lui avait appris Aurélien plusieurs jours plus tôt, quand il l'avait rencontré. Un Jug obéit à son maître.

— Tu as bien vu qu'il l'a tué ! Il n'obéit à personne et c'est bien pour ça qu'il faut le garder sous contrôle en prenant de son sang, comme je l'avais expliqué à l'ingénieur déjà à l'époque. Il faut le garder faible. Pour pas qu'il puisse se retourner contre nous.

— Je croyais que tu voulais que ça recommence ? L'explosion et la destruction de toute vie ?

— Oui, mais pas avant que j'arrive à avoir assez de sang pour renforcer mon système immunitaire. Pour que je puisse survivre à l'explosion. Ainsi je pourrai reconstruire le monde à ma façon.

— Tu es fou, dit-il en faisant une grimace de dégoût en l'entendant dire ça. Je ne te laisserais pas l'approcher. Reste loin ! s'écria-t-il en le voyant avancer, une lueur de folie dans le regard.

— Oh, Guillaume... Je suis ton père. Je t'ai appelé ainsi par rapport à mon ancêtre. Tous les deux, on pourra faire de grandes choses grâce au sacrifice de ce garçon. Notre passé te suit à la trace.

— Tu ne l'a... pprocheras pas... répéta-t-il en plongeant le canon de son arme dans la blouse tachée de son père. Est-ce que je dois encore me répéter ?

— Tu tuerais ton propre père ? Vraiment ?

— Tu n'es pas mon père. Tu es un monstre. Tu nous as abandonné ma mère et moi, tu n'as rien fait pour empêcher la destruction de notre maison vu que tu sembles avoir tout vu de tes propres yeux, tu as renié ton existence et tes valeurs pour un passé qui est déjà loin, nous laissant derrière, et maintenant tu veux me prendre la seule personne qui me reste au monde ? Si au moins c'était pour une pensée altruiste, mais même pas...! C'est seulement pour te venger et prendre le pouvoir !

— Tu n'oseras jamais.

— Vraiment ? Tu veux parier ? »

Son père lui lança un regard de défi et sans aucune hésitation, il appuya sur la détente. Un coup de feu retentit alors dans la pièce, à peine étouffée par le vêtement de l'homme devant lui. Il le vit écarquiller les yeux, semblant réellement surpris, puis il baissa la tête en le voyant en faire de même pour observer son torse. Une énorme tâche de sang apparut sur ce dernier, au niveau du cœur, et celle-ci s'élargit jusqu'à ce qu'il le voie chanceler sur ses jambes. Son père lui jeta un regard blessé, puis s'écroula à ses pieds. Il le regarda un long moment, aucune émotion visible sur son visage et le cœur vide. Il venait de tuer son père. Et il ne ressentait absolument rien. Ni culpabilité, ni douleur, ni joie. Cet homme, il ne le connaissait pas. C'était l'homme qui lui avait enlevé son père quinze ans plus tôt, l'abandonnant derrière. Et en le tuant, il avait pu protéger la personne qui comptait le plus à ses yeux. Aurélien. Il se tourna alors vers ce dernier, toujours évanoui sur son lit, et il rangea son arme dans la poche arrière de son pantalon pour pouvoir libérer ses mains. Alors, avec énormément de douceur, il le prit dans ses bras et le porta afin de le sortir de ce district de l'horreur. Tout allait bien aller à partir de maintenant et plus personne ne lui ferait de mal. Il s'en portait garant.

Fiction OrelxGringe - Le garçon venu d'ailleurs. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant