Chapitre 4

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Gabrielle se mit à sourire malgré elle suite à la remémoration de ce souvenir. 

Elle se sentait nostalgique à la pensée de cette journée, lorsqu'Ether l'eut convaincue de rester avec lui. Il avait été le seul à autant vouloir prendre soin d'elle, sans rien attendre ou demander en retour. Mais c'était sans compter sur la maladie qui l'eut frappé seulement trois ans après cela, le rendant bien vite inapte à s'en occuper. Il transmit alors sa tutelle à son frère, qu'il considérait comme un homme de confiance.


Le sourire de Gabrielle s'effaça finalement. 

Même les hommes comme Ether pouvaient se faire berner. Son frère, Helios, n'avait rien à voir avec lui. Ce fut un homme cruel, vouant à la femme une haine profonde sans même qu'elle n'en sache la raison. Les quatre années qui suivirent furent un véritable enfer comme Gabrielle l'avait prédit, réduite à faire les tâches les plus ingrates sous le regard antipathique de son nouveau tuteur. Elle avait bien tenté d'entrer en contact avec son père adoptif, mais son diabolique frère lui en empêchait toujours.


Le souvenir de s'être tant faite écrasée durant cette période de sa vie lui arracha un air de dégoût. Elle avait gardé son sang-froid rien que pour Ether. Elle avait tout encaissé pour lui, et sa bonté lui avait été récompensée lorsque des messagers du roi toquèrent un beau jour à sa porte pour lui proposer une surprenante perspective d'avenir. Elle se souvint que convaincre son nouveau tuteur de la laisser partir ne fut pas une mince affaire, mais passer l'accord selon lequel elle ne dirait rien à Ether des traitements les plus infects qu'elle avait reçu de sa part en échange de sa bénédiction avait facilité les choses, puisqu'Hélios avait presque immédiatement accepté. 

Ce ne fut pas une décision difficile pour elle que de prendre le peu de choses qu'elle possédait et de s'installer au sein du palais royal. Sa beauté hors du commun lui avait apporté une opportunité des plus incroyables dont elle n'allait certainement pas se priver.


Pouvait-elle donc dire que Vicente était son nouvel héros ? Elle ne le pensait pas. Elle voyait en lui qu'un simple homme qui avait eu la chance d'être bien né. Lui, qui avait été servi sur un plateau d'argent et ce, depuis sa naissance, ne pouvait pas vraiment la comprendre. 

Il avait l'air d'un homme bon et respectueux, mais Gabrielle se méfiait. Il n'était pas du même monde qu'elle, et cet écart rendait leur entente impossible. Tout ce qu'elle avait à faire était de jouer la comédie, comme par simple habitude. Tromper les autres était un art qu'elle maîtrisait à la perfection. 

Il était, comme tout membre de la famille royale, le fruit de gènes s'accordant magnifiquement bien afin d'en faire une pure beauté charnelle, mais elle savait que la perfection du corps ne s'accordait que très rarement à celle de l'esprit, à contrario de la croyance populaire. Comme elle, il devait être mauvais de l'intérieur et le cachait tout aussi bien.


Elle se sentait prête pour obtenir le titre de reine. Plus que jamais. Désormais, plus aucun autre ne pourrait lui manquer de respect jusqu'à ce qu'elle s'en aille. Ce grisant sentiment de supériorité lui était précieux en sachant que tout n'était que superficiel et qu'il s'en irait dès lors que la vérité éclaterait.


Elle savait que le moment fatidique approchait dangereusement et se faisait une joie de faire tomber les masques. Son envie d'aventure et de liberté l'avaient menées jusqu'ici, mais construire sa vie dans le luxe n'était pas les ambitions qu'elle portait, en sachant que ce titre ne lui apporterait pas la totale liberté qu'elle recherchait. Son souhait le plus profond était d'enfin faire parler sa véritable nature en découvrant le monde tout entier, et cela lui serait impossible si elle ne passait pas un jour ou l'autre aux choses sérieuses. Elle devait s'échapper, urgemment.

L'Agneau et le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant