In extremis

219 43 2
                                    

Je décide de nager tout droit. Il me semble que c'est la seule solution viable. Nager tout droit en espérant qu'il n'y ait rien de dangereux dans cette eau glacée et faire une pause en planche quand je fatigue. Je n'ai aucune connaissance en spéléologie et aucune idée de la configuration habituelle des lacs souterrains. Je sais que mes vêtements peuvent me ralentir et augmenter les risques d'hypothermie donc je défais mon jeans et ma chemise que je laisse couler sous moi.

Je ne peux pas m'empêcher de penser que, dans un roman, je serais courageuse et forte et affronterais cette situation avec ténacité, mais en réalité, je suis terrorisée et de petits sanglots m'échappent régulièrement, résonnant partout autour de moi, comme si les lieux se moquaient de moi.

Entre la température de l'eau et mon angoisse, je respire mal et ne peux même pas être certaine que je nage droit. Le temps passe et je ne trouve rien ressemblant de près ou de loin à la terre ferme ou même à un rocher émergé. Si ça se trouve, je dessine des ronds dans l'eau. Je sens que je m'épuise et me laisse flotter quelques instants. Cependant, le froid m'envahit encore plus dès que j'arrête de bouger et mes dents commencent à claquer alors je tente d'avancer encore. Je sens que mes mouvements sont de plus en plus petits et inefficaces. Je dois être ici depuis plus d'une demi-heure et l'eau froide m'assoupit lentement.

Je fatigue. Le clapotis de l'eau autour de moi diminue au fur et à mesure où je ralentis.

Je coule un peu et quand l'eau me rentre dans le nez, je réalise que j'étais en train de sombrer et je reprends ma nage. Mais ça ne dure pas.

Je vais mourir ici, sous la terre, dans le noir, noyée. Je me demande si, en me mettant sur le dos, je flotterai longtemps une fois que j'aurai perdu connaissance. Combien de temps peut-on survivre en flottant dans une eau trop froide ? C'est la dernière pensée que j'arrive à formuler distinctement avant de tout oublier...

Une voix me parvient dans la brume de mon crâne engourdi.

- Nina, ouvre les yeux...

La voix d'Ellie me parvient de très très loin dans un brouillard.

Je sens des bras me tirer, puis qu'on me soulève. J'ai si froid. Mes dents claquent violemment. Je ne sens plus mon corps.

- Nina, je suis là. Ça va aller, ok ?

La voix d'Ellie dans mon oreille. Elle résonne contre les parois de la grotte.

Je flotte encore, je ne sais plus. J'ai froid, je suis fatiguée... Un air encore plus froid passe sur mon corps et je gémis.

Des sons me parviennent mais je suis incapable d'ouvrir les yeux. Je crois qu'on me remonte mais je ne suis sûre de rien, il est possible que je rêve.

On me pose une couverture, ça me fait tellement de bien. Mais j'entends la voix d'Ellie qui s'y oppose et la couverture m'est arrachée.

- Sa température doit revenir à la normale lentement, dit-il. Sinon elle risque un arrêt cardiaque.

- Mais elle est glacée...

- Fais ce que je te dis, Tim. Je n'ai aucune envie de la voir mourir. On la ramène à l'hôtel.

- Mais... monsieur... l'hôpital me semble être...

- Ce ne sera pas nécessaire, je sais ce qu'il faut faire. On la ramène. Tu préviendras les autres qu'elle est malade et que nous ne participerons pas aux travaux demain. Fais fermer l'entrée de la seconde chambre.

Je sombre de nouveau.

Quand je reviens à moi, je suis dans mon lit, à l'hôtel, un masque à oxygène sur le visage.

Les cendres de NînlìnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant