Ab 1.

20 1 0
                                    

Je ne sais pas dans quelle situation je me suis encore retrouvé. Devant moi, un homme vient de se faire tuer à l'arme blanche. L'agresseur me regarde dès à présent droit dans les yeux. Mes jambes ne veulent pas bouger d'un millimètre. Je reste là, planté devant cette scène sanglante. Je ne peux pas partir. Non, en réalité je me rend compte que je veux rester. Je souhaite que ce meurtrier s'avance vers moi, sa nouvelle proie, et qu'il décide de me trancher la gorge, d'un coup net et sans hésitation. Je désire le même châtiment que ce pauvre corps sans vie qui gît à ses pieds. Le moment est enfin venu. Mais il ne bouge pas. Il se contente simplement de me fixer. A cet instant, je ne ressens rien. Je savais que cela allait m'arriver un jour ou l'autre, comme eux... Ma famille. Cette scène m'ai tellement familière. Mes cauchemars m'ont montré d'innombrable façon de mourir, parfois de manière digne, puis d'autre plus humiliante que jamais. Ce soir, je dirais que cela serai d'une manière assez banale, un mec qui sorte de nul part et met fin à mes souffrances. Une victime qui n'a pas eu de bol et qui s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, un dommage collatéral, c'est ce que se diront sûrement les gens.

Des bruits de sang qui jaillit de l'entaille que cette malheureuse personne a au niveau du cou me fait reporter mon attention sur elle. Je sens quelque chose de froid collé à ma tempe, me forçant à regarder ce spectacle ensanglanté, comme Il l'avait fait. Ma gorge s'assèche aussitôt. J'en fais tomber mon sac de course. La sensation de l'arme contre ma tempe se dissipe en même temps que le bruit des bouteilles en verre qui se brisent lors de l'impact contre le sol. Cela me ramène à la réalité et je dévie mon regard vers l'assassin. Avec la lumière de la Lune, je distingue vaguement sa silhouette. Je suppose qu'il atteint facilement les deux mètres. Une capuche lui couvre la tête, et il porte un masque sombre, comme tout ce qui le recouvre. Seuls ses yeux ne sont pas dissimulés. Je le vois prendre quelque chose dans sa poche. Je comprends ensuite que c'est un tissu, ou quelque chose dans ce style, et qu'il est en train d'essuyer son arme avec. Je sens qu'il ne me lâche pas du regard. Un courant d'air froid vient me glacer la peau. Cependant, je reste parfaitement immobile.

Après avoir terminé son nettoyage, je l'entends soupirer. Contre toute attente, l'inconnu jette son couteau à mes pieds. Je baisse mon regard vers l'arme. Que fait-il ? Veut-il que je la prenne ? Je ne le ferai pas. Je ne pourrai rien en faire. Je relève les yeux et les écarquille quand je m'aperçois qu'il est maintenant à quelques centimètres de moi. Mais qui est assez con pour se laisser distraire comme ça ! Son regard transperce le mien. Ses yeux sont si clairs. Des yeux bleus qui me glace le sang. Nous sommes de la même taille. D'ordinaire, je n'aime pas les gens, mais c'est pire avec ceux qui font la même taille que moi. C'est moi qui impressionne les autres, sans pour autant le vouloir. J'en deviens leur pire cauchemar car ils ont peur de moi, l'homme qui ne sourit pas, l'homme qui ne parle pas, l'homme qui reste à l'écart de tout, pensant que je suis un monstre alors que je ne suis qu'un homme traumatisé par la mort de sa famille qu'il aimait tant. C'est moi qui ai peur d'eux...

Je l'entends de nouveau un soupir. Il semble exaspéré tandis que moi je suis tétaniser. C'est la première fois depuis des lustres que personne ne s'est approché de moi d'aussi près. Il dégage une aura effrayante.

- Qu'est-ce que tu attends pour fuir, crier au meurtre, ou juste au secours comme tous les autres abrutis ?

Ma gorge est tellement nouée par la peur que j'en oublie comment on s'y prend pour parler. Mes yeux restent scotché aux siens.

- T'es fêlé mec. Tu en as conscience ? Peut-être que tu sais pas parler. Toi me comprendre ? Tu te pisses dessus ou quoi ? Ah oui, excuse-moi, t'as peut-être peur. Les mecs sont que des chochottes de nos jours... C'est fou.

Il attend quelques secondes puis, comme pris d'un doute, il regarde mon pantalon. Non, ce n'est pas le cas, c'est sec. Mais s'il continue à être insistant avec ses yeux-là, c'est sûr que ma vessie ne tiendra pas longtemps ! Il soupire pour la troisième fois. Sûr de lui, il s'abaisse pour récupérer le couteau d'une rapidité à en couper le souffle. Il le pointe sous ma gorge. Je serre les dents. Serait-ce lui qui me délivrera de cette vie pourri ?

- Si tu me comprends, ouvre la bouche. Et t'as plutôt intérêt à te magner, sinon... couic ! assomme-t-il en mimant avec son doigt en guise de couteau qui tranche sa gorge.

Je ne veux pas déglutir de peur que ma paume d'Adam frôle la lame. Je m'exécute sans qu'il est à dire quoique ce soit d'autre. Je ferme les yeux en attendant la suite. Je n'arrive plus à le regarder. Ses yeux me donne le tournis.

Je l'imagine en train de pincer ma langue en me la forçant à la sortir de ma bouche puis de la trancher, comme Il avait procédé avec ma sœur pour ne plus l'entendre l'insulter de tous les noms.

- Donc, tu peux me comprendre et tu as une langue. Dis quelque chose. Mais je te préviens ! Tu gueules, je te tranche la gorge, lentement. Crois-moi que tu vas douiller.

Je referme ma bouche et ne peux m'empêcher d'ouvrir les yeux. Qu'est-ce qu'il veut que je lui dise... Je vois qu'il commence à perdre patience en plus. Pourquoi il ne me tue pas pour être débarrasser de moi plus facilement et rapidement ? Que tout cela s'arrête... Je commence à vraiment avoir envie d'uriner.

- Donnes-moi ton putain de prénom, gronde-t-il en fronçant les sourcils.

- Lukas...réponds-je sans assurance, en baissant les yeux.

- Tu sais parler. Eh beh, faut pas être presser. Regarde les gens quand tu t'adresses à eux. Recommence, dit-il d'un ton autoritaire.

Je m'exécute

- Lukas.

- Pourquoi tu t'es pas barré ?

Son regard se balade sur moi avant de revenir à mes yeux.

- Réponds.

Ses yeux me dissuadent de le contrarier encore plus.

- Vous m'aurez rattrapé, alors...

Je laisse ma phrase en suspens. Il m'invite à finir ma phrase en posant le tranchant de la lame sur mon cou.

- Alors je vous ai épargné la peine de me courir après...

Il me regarde puis explose de rire. Il met un peu de temps avant de pouvoir reprendre sa contenance. Il essuie le coin de ses yeux.

- Putain, je suis tombé sur une pépite moi ce soir. Bon, parlons sérieusement, affirme-t-il en reprenant son souffle. Qu'est-ce que je vais bien faire de toi... Dis-moi, le mariole, tu fais quoi dans la vie. T'as de la famille ?

- Rien. Non.

Il a l'air surpris.

- Tu ne sais pas faire de phrase ?

- Si, réponds-je d'une toute petite voix.

- Alors parle-moi mieux.

Ses yeux me presse de lui obéir.

- Oui, je le peux.

- Tu sais quoi, tu vas faire dodo. On discutera là-bas.

Sans avoir le temps de comprendre davantage, il empoigne fortement le manche de son arme et me donne un coup sur la tête. J'ai la sensation de tomber et plus rien. Je perds connaissance.

---*---

AbondanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant