Chapitre 45

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Daryl

Je ne sais pas ce qui se passe. Dorian n'a pas encore recommencé à courir. Cela fait bien assez longtemps qu'il a arrêté. On a annoncé son retour en piste pour aujourd'hui et pourtant, les tableaux indicateurs qui défilent en haut de l'écran n'ont pas encore inscrit son temps de qualification. Il ne reste plus que quelques minutes avant que le deuxième tour ne commence.

Pour une très rare fois, je suis assis au salon. Jenny a décrété que ma chambre était une zone sinistrée et que je n'y remettrais pas les pieds tant que je ne me serai pas douché et rasé la barbe. Elle peut vraiment me rendre dingue parfois !

Tout juste avant que je ne quitte la pièce, elle a jeté aux ordures le livre de NASCAR que j'ai commandé par Internet au début de ma convalescence. J'ai voulu protester, mais ses yeux de mère de famille qui en a ras-le-bol des crises de bacon de ses enfants m'ont littéralement cloué le bec. Cette femme peut vraiment faire peur quand on lui sert du n'importe quoi.

Ne trouvant aucun argument assez important pour justifier que je conserve ce livre, j'ai jeté l'éponge. Pourtant, j'aurais voulu le garder. Je ne le regarde plus depuis quelques semaines puisque chaque fois que je croise les yeux de mon beau brun, j'ai le goût de tout déchirer. Par contre, sachant que ce bouquin était là, cela me donnait un sentiment de sécurité. À la moindre peur d'oublier le visage de Dorian, il me suffisait d'y jeter un œil. Frustré que Jenny ne prenne pas en compte mon besoin de le savoir proche, j'ai perdu tous mes repères.

Les garçons, que je n'avais pas vu depuis quelques jours, m'accaparent beaucoup trop. Je tente de les repousser pour ne pas leur faire peur avec ma cicatrice. Ils sont trop jeunes pour comprendre que je ne serai plus jamais l'oncle qui les poussait dans les caisses à savon ou qui tentait de les faire voler toujours plus haut sur les balançoires.

Mon bras est douloureux aujourd'hui, bien plus que de coutume. Je me demande même s'il n'y a pas un problème plus grave. Comme si elle entendait mes pensées, Jenny ouvre la porte et me lance mes petits appareils de musculation qu'elle m'a achetés pour compenser les séances de réhabilitation auxquelles je ne vais pas. À quoi ça me servirait ? La moto, c'est terminé pour moi. Chaque fois que je mettrais une bécane entre mes cuisses, je me remémorerais ma dernière course, celle qui m'a estropié et qui m'a fait perdre Dorian.

Je ne tente même pas de ramasser les instruments, car ma sœur me rend dingue à force de sortir des ordures de ma chambre. Elle pense que ranger la pagaille que j'y ai mise au cours des dernières semaines changera quelque chose.

Moi qui croyais qu'elle ne pouvait pas être plus énervante, la voilà qui actionne l'aspirateur. Il n'y a plus moyen d'entendre les commentateurs à la télévision, alors je me lève, plus furieux encore que ce matin.

Pour cette fois, elle a gagné. J'éteins le téléviseur et me dirige d'un pas enragé vers la salle de bain. Un des jumeaux est justement en train de s'y amuser avec une petite moto qu'il roule autour du bain, comme si c'était une piste de course. Quand il me voit, ses yeux s'illuminent, croyant que je viens pour lui tenir compagnie. Il n'est pas question que je touche à l'une de ses figurines.

— Dégage ! Je dois me laver.

Surpris, le gamin me fait de grands yeux perplexes.

— Ta mère est une vraie casse-couille quand elle veut.

Sa bouche forme un grand « O », puis il semble comprendre ce que je lui dis.

— Maman t'a puni parce que tu ne te laves pas ? Elle fait pareil avec Thomas.

Son ton est compréhensif. Il grimpe donc sur le bord du bain afin de me laisser seul, quand, au lieu de redescendre et quitter la pièce, il allonge sa petite main jusqu'à mon épaule qu'il tapote.

Burn outOù les histoires vivent. Découvrez maintenant