C'etait un jour d'automne

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Les feuilles tombaient, toutes d'une nuance différente, d'un panel chaleureux. Autant de couleurs pour un temps qui me paraissait alors aussi fade. J'avais les mains gelées. Le nez et les joues rosé(e)s par le froid. Mon sac sur le dos et mes doigts serrant très fort l'une des lanières. Au fond de la rue se trouvait ma destination. Mon cauchemar. Ma hantise. Un endroit que j'avais trop souvent évité. Où j'avais trop baissé la tête. Un lieu qui me tabassais de mille coups rien qu'à l'idée de le traverser. J'avais les jambes tremblantes, figées. Encore une fois. Comme pour me dire que je n'y arriverais pas non plus cette fois.
Puis, comme une bénédiction, comme un dernier espoir..

..Une main s'était déposée alors sur la mienne. Elle était chaude, réconfortante, comme si elle l'avait toujours été.

Dans cette rue maudite que j'avais esquivée tant de fois. Tant de fois mais plus à ce moment là , plus ce jour-ci.
Je me souviens m'être légèrement retournée, nos regards se sont croisées brièvement. Elle était belle.

" Aimée. "
- Allons-y. "

Sa main s'est resserrée un peu plus puis a emmenée la mienne au loin. Ses cheveux cuivrés flottaient dans l'air et dégageaient une légère odeur de lavande.

" Aimée " je pouvais répéter son prénom à l'infini. Tant qu'elle le souhaiterait, autant qu'elle le voudrait. Elle paraissait mienne mais semblait si loin. Pourtant, à cet instant, c'était bien elle qui enlaçait délicatement mes doigts . " Aimée " ce temps d'automne n'étais plus aussi fade que je ne le pensais. Toutes ces couleurs, ça ne me parait plus si ridicule que ça.

" Lyne, tu sais. Avec toi j'ai l'impression que le printemps ne meurt jamais vraiment "

Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi Aimée me disait ça à chaque automne. J'acquiesçais juste. Sans rien dire, bien que je n'en pensais pas moins.
Avec Aimée devant moi, cette rue me paraissait plus agréable. Je savais que je pouvais lever la tête quand elle m'accompagnait. J'en avais la force. Alors tout ce qui me paraissait effrayant avant, ne l'était plus vraiment à ce moment. Et il ne l'avait sans doute jamais été.

Nous marchions dehors depuis un moment. Mais je n'avais pas envie de m'arrêter pour autant. Notre destination n'était plus que dans quelques mètres et pourtant, la main d'Aimée restait collée à la mienne. Elle tremblait. Mais elle me souriait, elle se retournait de temps en temps pour me rassurer, pour me dire que ça allait aller. Qu'elle était là. Et qu'elle ne me lâcherait pas. Enfin du moins c'est ce que j'arrivais à lire dans son regard.

Nous partagions les mêmes peurs. Mais Aimée les a toujours affrontées pour nous deux. Elle les rendait ridicules.

C'est dans cette rue terrifiante qu'Aimée m'est apparu pour la première fois, c'est ici qu'elle m'a attrapée le bout des doigts en courant un matin d'automne. Exactement comme celui-ci.

" " Aimée " je t'en pris retiens mon prénom, j'y tiens.
- " Lyne " peu importe si tu oublies le mien "

Aimée & LyneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant