21. L'attente

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Finalement, les jours finirent par passer, il y avait à présent sept petites traces bien alignées incrustées dans le bois de la porte. Chaque nouvelle journée avait été quasi semblable aux précédentes. Sept jours qui m'avaient paru en durer le triple, sans doute dû au fait que je ne pouvais pas me réfugier dans le sommeil pour que les heures passent plus vite. Je commençais à m'habituer malgré moi à ma solitude et me familiariser avec mon environnement, je n'étais plus autant sur le qui-vive que lors de mon arrivée.

Certains jours, mon moral avait été au beau fixe, je m'étais sentie sûre de l'avenir et sûre de pouvoir retrouver Noah. D'autres par contre où j'avais été plus désespérée que jamais, abattue par la situation dans laquelle je me trouvais, persuadée que jamais je ne le reverrais et que jamais plus je ne pourrais quitter cet endroit ! La seule chose qui avait évolué était la nature qui de jour en jour était devenue de plus en plus verte, luxuriante, magnifique. Jamais de toute ma vie je n'avais eu autant de temps pour la contempler; restant durant des heures allongées dans l'herbe à regarder les nuages défiler au-dessus de moi, les oiseaux bâtir leurs nids, des nuits entières passées assise devant la porte à écouter les bruits de la forêt. J'avais beaucoup pensé durant toutes ces heures, à mon père bien sûr, m'imaginant ce qu'il était en train de faire, me remémorant d'innombrables souvenirs d'enfance, pleurant aussi parfois sur la vie que j'avais perdue ; et à Noah...

Afin de garder un semblant de lien avec la civilisation et aussi de me couper de mon isolement, je m'étais autorisée quelquefois à allumer le poste de radio qui se trouvait dans la voiture. Cela m'avait permis durant ces instants d'entendre des voix, quelques notes de musique. Mais comme je n'avais jamais osé mettre la voiture en marche de peur d'être repérée, la crainte d'user la batterie avait été telle que je ne l'avais fait que rarement, quand vraiment le vide et l'immensité infinie de cette forêt avaient été à deux doigts de me rendre dingue.

Seul le temps qu'il faisait m'apportait un peu de changement dans la monotonie de mes journées, comme la pluie de cette soirée qui tambourinait de manière soutenue sur le toit en tôle de la cabane, faisant un vacarme d'enfer. Dieu merci, le toit avait résisté à toutes ces années et pas une seule goutte d'eau ne transperçait de celui-ci, à part celles qui arrivaient du carreau cassé, mais ce n'était pas grand-chose. J'avais allumé un feu, habitude que j'avais gardée depuis mon premier jour, comme une sorte de rituel apaisant, qui me permettait de faire passer le temps, mais pas que, il était devenu comme un compagnon d'infortune. Mais le cours de cette soirée prit une tournure très différente des précédentes quand je sentis tout à coup cette présence ! Alors que ma main s'apprêtait à mettre un énième morceau de bois dans le foyer, elle se figea dans sa course. Ma respiration s'arrêta également un instant. J'avais dû finir par m'imaginer malgré moi que je finirais seule dans cette forêt, car j'avais beaucoup de mal à croire en la sensation que je ressentais. Cela me semblait même faire une éternité que je n'avais pas éprouvé ce genre de sensation, j'allais même jusqu'à me demander si cette dernière était bel et bien réelle ou si mon imagination me jouait des tours. Pourtant elle était bien présente, j'en étais suffisamment convaincue à présent qu'elle s'intensifiait. J'avais reconnu immédiatement et distinctement la présence du dissocié du motel ! Mon dieu, pour quelle raison venait-il ici ? Se pouvait-il qu'il vienne me faire du mal ? Est-ce que le Conseil avait fini par découvrir qu'il m'avait laissé fuir et lui avait ordonné de venir terminer "le travail" ?

Je sentais ma respiration s'accélérer en même temps que mon stress augmentait. Si ses intentions étaient mauvaises, fuir ne servait à rien, il sentait ma présence aussi bien que je sentais la sienne et il pourrait me suivre sans grandes difficultés. Je m'assis donc en attendant inquiète son arrivée comme la première fois, me remettant à alimenter le feu histoire de tromper mon angoisse d'une main tremblante.

Tout a changé ce jour là!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant