CHAPITRE 4 (Réécris et corrigé)

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Je l'ai vu quitter la résidence dans un vieux sweat informe, le regard fou, comme une biche apeurée après avoir entendu le coup de feu d'un fusil.

Ça m'a plu, de l'effrayer. La mettre en position de faiblesse lorsqu'elle se pensait intouchable derrière la forteresse de sa résidence étudiante.

Mais, pour une raison qui m'échappe, la culpabilité m'a pris à la gorge à la seconde où j'ai entendu sa voix apeurée me demander de me présenter. Ma faute me comprime encore la poitrine alors que j'attends patiemment que sonne la fin de son cours.

Le parking Lexington se vide à mesure que les heures défilent et que la nuit tombe. Je quitte du regard l'ombre menaçante de la façade gothico-baroque de la Chapelle Rockefeller et, pour la énième fois, vérifie l'heure sur l'écran de mon téléphone.

18h59.

19h00.

Je relève la tête en entendant les portes grinçantes de Green Hall s'ouvrirent pour laisser s'échapper une foule d'étudiants qui ne tardent pas à s'éparpiller.

Mais une seule rejoint le parking Lexington.

C'est elle.

Tête baissée, elle fouille dans son sac en pressant le pas en direction de sa voiture.

Devant la portière côté conducteur, ses clefs lui échappent et s'écrasent lamentablement au sol dans un cliquetis sourd. Lorsqu'elle s'abaisse pour les ramasser, j'en profite pour me décoller de ma moto, et m'approcher d'elle.

Une brise légère couvre à peine le son de mes pas quand je m'arrête à hauteur de sa voiture. Lorsqu'elle se relève, elle me remarque, et se fige, surprise. Je lève les mains, en signe d'apaisement.

Je ne te veux pas de mal.

Elle me détaille, de la tête aux pieds, les yeux ronds, à la fois curieuse et apeurée. Elle semble retenir son souffle à mesure qu'elle me scrute, et plusieurs secondes s'écoulent dans lesquelles nous restons immobiles et silencieux, à nous jauger.

J'écarte davantage les mains.

Simplement m'excuser.

Mais elle bondit et détale à m'aveuglette, en direction de la chapelle.

Bordel.

Je me mets à la pourchasser. Il ne me faudrait pas plus de deux ou trois pas pour la rattraper à travers la pelouse, mais lorsqu'elle réussit à pousser les lourdes portes et s'infiltrer dans l'obscurité de la chapelle, je la perds de vue.

Je m'y précipite à la hâte avant qu'elle ne m'échappe pour de bon et fait claquer le bois contre la pierre dense de la bâtisse. Un écho tonitruant s' élève et ricoche entre les murs et les arches silencieuses de la chapelle au point d'en faire trembler les vitraux.

Un couinement, discret, tout juste retenu, s'échappe d'entre les rangs de bancs en bois sombre où je devine qu'elle se cache.

Elle me fait penser à une petite souris, et je l'imagine ; la poitrine montante et descendante tant son cœur pompe à mesure que le gros chat approche, le regard fou et hagard, ses petites mains jointes devant le visage.

Moi qui pensait arranger un temps soit peu les choses, en venant ici, voilà que je me retrouve à jouer une partie de cache dans la maison de Dieu.

L'excitation me tord les tripes en entendant mes bottes claquer lourdement sur le sol en dalles de marbre à mesure que j'avance entre les rangs de banc, en direction de la nef. De part et d'autre, mon regard balance, à la recherche de son petit corps dissimulé entre les places assises. L'obscurité de la nuit n'y aide pas ; les vitraux laissent passer juste assez de luminosité extérieur pour discerner les ombres et les contours.

UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant