CHAPITRE 6 - UNKNOWN (Réécris et corrigé)

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Deux semaines.

Deux semaines que je ne l'ai plus approché, que je ne me suis plus introduit chez elle et que je n'ai plus senti son odeur, chaude et sucrée.

Après ce que je lui ai fait, je ne voulais pas la blesser ni l'effrayer davantage.

Ça n'a jamais été ce que je voulais.

Je n'ai fait qu'aggraver la situation, et je m'en veux encore aujourd'hui. Alors, je lui laisse du temps. Du temps pour mieux recommencer, faire les choses différemment.

Ces derniers jours, je me suis béni de m'être servi dans son panier à linge. Je fais attention à garder sa petite culotte intacte, à ne pas me mélanger à elle et à préserver son odeur.

Pour ne sentir qu'elle.

Je passe mes journées à explorer son profil sur les réseaux sociaux, à contempler chacune de ses photos, lire chacun de ses posts.

Chacun d'eux me donne un petit bout d'elle, ce qu'elle est, ce qu'elle aime. C'est comme l'inviter à dîner et l'écouter parler :

Elle me parle de ses randonnées entre amies et de son Golden Retriever, Spooky. Elle me parle de ses lectures à l'eau de rose, et du rock qui la fait vibrer. Elle me parle de ses péchés mignons et de ses plats préférés. Elle me parle de ses études de psychologie et de sa petite famille.

Sa mère est le centre de son monde, son père est absent – Jamais sur les photos, jamais aucun hommage aux anniversaires ou à la fête des pères.

Je fronce des sourcils.

Elle me parle du sport qu'elle commence tous les Janvier – la même nouvelle résolution chaque année qu'elle ne tient jamais. Elle n'en a pas besoin.

Bon sang, regardez-la !

Une taille marquée, des hanches larges, des cuisses pleines... Trop grosse pour être mince et trop mince pour être grosse.

Elle est parfaite.

Elle a publié une nouvelle photo.

Elle est dans un bar, accompagnée de ses deux nouvelles copines. Nouvelles, je le sais ; elles ont commencé à se fréquenter peu de temps après la rentrée universitaire.

Mon téléphone est chaud dans ma main à force de laisser l'application ouverte pendant des jours et à scroller sur son profil Instagram.

J'ai ma préférée.

C'est une photo d'elle sur une plage en Corse. J'ai vu cette photo un millier de fois ces derniers temps. Je la connais par cœur

Mes yeux s'attardent toujours un moment sur sa poitrine, ses tétons qui pointent à travers le tissu de son maillot de bain, sa peau bronzée, frissonnante, recouverte de petites gouttes, tout juste sortie de l'eau, et sur le papillon pendant à son nombril. Je rêve de l'avoir dans mes bras une seconde fois et de redessiner ses courbes entre mes mains calleuses.

Ce qu'elle me fait ressentir ; ça ne m'était encore jamais arrivé auparavant. Pas même au lycée, lorsqu'elles tombaient toutes à mes pieds. Elle me rend euphorique, stimule mes sens et excite mes neurones. Ça m'est tombé dessus comme une averse dans l'Équateur, dès l'instant où j'ai posé les yeux sur elle.

Fulgurant.

Elle me fait l'effet d'une drogue, et je ne peux pas me l'expliquer.

Je me suis perdue moi-même, lorsqu'elle m'a bousculé devant l'épicerie. Je ne me reconnais plus, depuis lors. Je ne peux pas m'empêcher de penser que ça avait été une erreur – que je n'aurai pas pu éviter, certes ; ce n'était qu'un accident. Mais je ne jure plus que par elle, tout à coup.

Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Je ne devrais pas avoir envie de la revoir. Je ne devrais pas ressentir le besoin de la toucher, de ne l'avoir rien que pour moi.

Si je m'autorisais un instant de bonheur, je la trahirait. Et lui aussi.

Sans eux, c'était vain.

Elle ne pourrait jamais être à moi.

Dans ma main, mon portable se verrouille et mon reflet apparaît sur l'écran noir. Je fixe la cicatrice hideuse et profonde qui traverse le côté gauche de mon visage. De la tempe, elle traverse mon œil jusqu'à la commissure de mes lèvres. Je devine aisément les traces de brûlure dans mon cou, que j'ai tant bien que mal tenté de recouvrir d'un tatouage à l'encre noir : une gueule béante aux dents acérées, d'où ressort une langue qui s'étend sur mon sternum. Sur mon bras gauche, d'autres brûlures se cachent sous des représentations de crânes. Ils s'accumulent en un tas compact et se condensent pour devenir une route goudronnée, sur mon avant-bras. Mon histoire se finit à mon poignet, dans un effet de fumée.

La plupart de mes tatouages ne servent qu'à cacher des cicatrices ; ils illustrent ce que je n'arrive plus à dire, et ce qui me torture intérieurement.

Mon air lubrique est rapidement remplacé par ce dégoût habituel de moi-même.

Non. Elle ne pourrait jamais être à moi.

***

Quand je réussi à déverrouiller sa porte d'entrée, je la pousse doucement et entre en silence en refermant la porte derrière moi. Son odeur de coco et de soleil me percute de plein fouet et réveille insatiablement mon entre-jambe.

Je perçois le son d'un jet d'eau en provenance de la salle de bain.

Elle se douche.

Je m'aventure dans le salon, d'un pas lent et mesuré. Même après toutes ces semaines, des cartons de déménagement jonchent encore le sol du séjour.

Je ralentis en passant près de l'îlot central. Un verre a été abandonné dans l'évier ; une trace de rouge à lèvre tâche le rebord. Je saisis le verre et bois la dernière gorgée d'eau, juste après elle, posant mes lèvres exactement à l'endroit où se trouvaient les siennes. J'efface sa trace avec ma langue, pour la goûter, et je tressaille dans mon pantalon.

C'est le moment qu'elle choisit pour couper l'eau de la douche et je me redresse, en alerte. Je repose discrètement le verre sur le plan de travail en tentant d'arranger à la hâte la proéminence qui déforme ma braguette.

Dans ma précipitation, mon bras percute le verre qui finit par s'éclater au sol dans un fracas presque assourdissant dans le silence religieux de la pièce.

Je me fige et déglutis en fermant les yeux. Impuissant, j'écoute le silence s'étirer dans la salle de bain. Suspect.

Putain de bordel de merde.

***

UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant