La lune était éclairée et retenue prisonnières à la cime d'un arbre. L'immobilité liquide de la nuit environnante lui faisait ressentir une immense pitié pour lui-même.
- Stephen Crane
L'éclat de la lune m'avait poussée à sortir par ma fenêtre pour m'installer sur le toit du vieux bâtiment dans lequel je suis coincée depuis toutes ces années. Je fermais les yeux en comptant les bons souvenirs au milieu de ceux qui sont si amer. Ceux-là sont beaucoup plus nombreux. Ça ne va pas trop en réalité, mais j'essaye de ne pas calculer cette tristesse et ce ras-le-bol.Je ne comprends pas comment est-ce que mon cœur fonctionne. Il y avait des jours où je me disais que ce n'est rien, qu'il faut tenir et que d'un moment à l'autre, je sortirai de là. Mais le soir, je me retrouve encore une fois assise ici à fouiller dans ce tas de souvenirs moches, à fouiller dans ce linge sale.
J'ouvrais les yeux et fixais l'horizon noir, il me cache trop de choses, ces murs me privent de trop de choses. Est-ce que la lune voit mon regard crier à l'aide ? C'est la seule que je laisse m'envelopper, me regarder sans retenue.
Ces murs ? Ce Sont ceux d'un internat catholique. Ce sont des murs d'acier qui renferment des âmes torturées. Nos âmes impures jetées ici telle une carcasse qui a été dépouillée de sa dignité et de sa liberté. On ne doit pas s'endormir sans demander pardon pour nos pêchés ou plutôt, pour ce que nous sommes. On doit se flageller pour avoir été à un moment donné faible, perdu, sans repère.
On a osé un jour dévier du bon chemin. J'ai fait le tour du monde qui, pour moi, se résume à un vieux bâtiment et j'ai pu constater qu'il est bien moche. Il faut se faire pardonner, ils se présentent comme des sauveurs, ceux qui vont purifier notre âme, ce sont eux notre dernière chance. Mais le temps se fait long et lourd, il nous caresse l'échine comme le bout d'une lame qui demande trop de patience pour pouvoir soutenir la douleur aiguë. Et moi, je suis en fin de
vie. Ces murs me bouffent de l'intérieur et je mangue de patience. Je n'ai pas le temps pour que l'on me demande de patienter, pour que l'on me dise que la lame arrivera bientôt en bas de mon dos et que son trajet sera terminé.