41 : Seconde chance

338 33 1
                                    


Assis sur un banc, à quelques mètres à peine de sa destination, Yuto avait le regard perdu dans le vague. Il attendait depuis de longues minutes, si bien que la neige avait commencé à recouvrir sa casquette et sa veste en cuir. Il avait froid, il n'avait pas prévu de rester dehors après être sorti de sa voiture, il comptait aller toquer à cette fichue porte, l'ouvrir et se mettre au chaud sauf que voilà, Yuto était un lâche et il avait paniqué. Cette simple porte en bois lui avait semblé insurmontable, les joyeux cris qu'il percevait à l'intérieur lui avait lacéré les tympans et une terreur sourde avait saisi ses membres. Il ne pouvait pas faire ça, dix-huit mois après il n'était toujours pas en mesure de faire face aux conséquences de ses décisions.

Le Japonais tapota la visière de sa casquette pour en faire tomber l'amas poudreux et il se prit la tête entre les mains. Ces dernières étaient rougies par le froid, douloureuses aussi, mais pas assez pour qu'il se décide à lever ses fesses. Yuto se maudissait pour être incapable de faire un choix, ce n'était pourtant pas si difficile. Soit il se levait, retournait à sa voiture et allait fêter noël comme un con dans sa chambre d'hôtel, ce qui était pathétique mais lui permettait de continuer à se voiler la face. Soit il agissait comme un grand garçon, il allait frapper à la porte de son ami et répondait à son invitation, au passage il réglait également les non-dits avec son ex petit-ami qui serait sans aucun doute présent.

— Yuto ?

L'appelé ne releva pas tout de suite que c'était à lui que l'on s'adressait, mais lorsque la personne s'approcha pour soulever sa casquette il sursauta.

— Yuto ! Je me disais bien qu'il ne pouvait y avoir que toi pour être habillé comme au printemps alors qu'il fait moins dix dehors, rit chaleureusement le nouveau venu.

Le jeune homme sentit aussi l'un des nœuds qui nouaient son estomac se détendre et son visage se décrispa. Yanan ne semblait pas lui en vouloir, ou alors il jouait extrêmement bien la comédie et avait tout intérêt à se reconvertir en tant qu'acteur. Yuto resta incapable pendant un court instant de réagir, il ne savait pas s'il devait se jeter au cou de son ami ou au contraire lui demander d'arrêter de faire comme si rien ne s'était passé. Parce que Yuto le savait, à cause de lui une fissure s'était créé au sein de leur groupe si soudé d'amis et tout le monde le savait.

— Je...

Il se racla la gorge pour se redonner une contenance mais surtout le temps de se souvenir comment se servir de ses cordes vocales.

— Je suis désolé.

Ce n'était pas ce qu'il avait prévu de dire et, à la tête qu'il fit, il devina que ce n'était pas non plus ce que Yanan s'attendait à entendre. Son ami cessa d'arborer ce sourire un peu niais qui le suivait depuis aussi longtemps qu'ils se connaissaient et il passa une main sur sa nuque, gêné. Yuto baissa le regard, conscient d'avoir loupé une occasion de se taire.

— Pardon, j'aurais jamais dû venir.

Un soupir se fit entendre puis la grande carcasse de Yanan s'écrasa sur le banc à côté de lui. Le jeune homme se plaignit de la neige qui humidifia instantanément son pantalon et lui gela les fesses, avant de soupirer une nouvelle fois.

— T'as totalement le droit d'être là, Jinho t'a invité comme les autres et t'es notre ami. Je suis content de te voir, je commençais à me demander s'il ne t'était pas arrivé quelque chose. Personne n'a eu de nouvelles depuis plus d'un an et demi.

Le reproche n'était pas voilé, Yanan lui en voulait d'avoir fait le mort depuis autant de temps.

— Je ne savais pas comment réagir, je me suis senti si stupide que j'ai un peu pris le premier billet d'avion et je suis rentré au Japon.

K-OS [Commandes Fermées]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant