For Ever

PROLOGUE

   J'avais 16 ans quand cet épisode s'est produit. Son corps sans vie était étalé sous mes yeux. J'arrivais à peine à respirer, et pour une raison que je n'arrive pas à exprimer, je suis restée debout devant elle, les yeux rivés sur la flaque de sang qu'elle avait laissé. C'est à ce moment que mon frère aîné est arrivé. Contrairement à moi, il n'a même pas réfléchi avant de saisir le téléphone pour appeler une ambulance, mais c'était trop tard, elle n'était plus là. Ma mère, la seule figure parentale qu'il me restait, avait décidé de s'ôter la vie. La police a fouillé la maison sans rien trouver qui puisse nous expliquer pourquoi elle avait décidé de mettre fin à ses jours, alors ils ont rapidement classé l'affaire. Quant à mon père, je ne l'ai jamais connu. Ma mère m'avait raconté qu'il était parti à l'annonce de sa grossesse, alors je n'ai jamais posé de questions.

   Quelques semaines après le décès de ma mère, mon oncle a obtenu ma garde. Mon frère était déjà assez grand pour avoir son propre logement alors je me suis retrouvée seule, sans repères. Les mois suivants ont été un véritable cauchemar ; je ne dormais plus,  je ne mangeais quasiment plus rien, et je passais tout mon temps à regarder la télévision. Je repassais en boucle le film que ma mère et moi regardions tous les samedis, sans exception : Titanic. Je me souviens très bien qu'elle pleurait toujours à la fin, même si elle la connaissait déjà par cœur ; ça me faisait rire.

   Aujourd'hui, le 6 octobre – 1 an pile après cet épisode tragique – j'ai décidé de me rendre au O'Nut Coffee. Ma mère avait l'habitude d'y aller après sa longue journée de travail ; elle l'adorait. Je me souviens qu'elle m'y avait emmené le jour de mes 5 ans ; j'avais pris un chocolat chaud supplément chantilly sur le dessus, c'était délicieux.

   Arrivée au café, je décide de m'asseoir dans un box côté fenêtre, j'adore regarder les paysages de Los Angeles ; et bien que j'y aie vécu toute ma vie, je découvre de nouvelles choses chaque jour. Quelques minutes plus tard, la voix du serveur m'arracha à ma rêverie :

      - Bonjour, que puis-je vous servir ?

      - Bonjour, heu... un chocolat chaud supplément chantilly s'il vous plaît.

      - D'accord, je reviens dans 5 min.

   Il m'adressa un léger sourire que j'ai essayé de lui rendre, mais revenir dans cet endroit s'est avéré plus dur que prévu.   

   Lorsqu'il est revenu avec ce que j'avais commandé, un garçon le bouscula, renversant l'entièreté de la boisson sur mon pantalon.

      - Sincèrement désolé, je ne vous ai pas vu... Je vais chercher de quoi essuyer tout ça.

   Je n'ai même pas écouté ses excuses, parce que j'ai couru jusqu'aux toilettes sans même réfléchir. Devant le miroir, des larmes dévalaient de mes joues, j'étais incontrôlable. Ce garçon venait de gâcher ma journée, et c'était irréversible. Alors que j'essayais de me calmer, la porte des toilettes s'ouvrit, laissant apparaître un garçon. Il était plutôt grand par rapport à moi. Ses cheveux étaient d'un blond doré et ses yeux d'un vert émeraude, le genre que tu ne peux pas oublier. Attendez... Ce n'est quand même pas le garçon qui vient de gâcher ma journée ? Et pourtant...

      - Salut... heu... Désolé pour l'incident... Je t'ai vu courir aux toilettes alors je t'ai suivi pour m'assurer que tu allais bien...

   Je voyais dans son regard une note de culpabilité, mais ça ne changeait rien à ce qui venait de se produire. Pourtant, pour je ne sais quelles raisons, mon regard ne voulait pas se détacher du sien.

      - Ne t'en fais pas, ce n'est rien. Je suis juste un peu... Un peu à cran ces derniers temps.

   Pendant une longue minute – qui me parut une éternité – il me fixait, sans rien dire. Puis il rompit le silence :

      - Est-ce que ça te dirait de venir t'asseoir avec moi ? Je veux dire, il faut que je me fasse pardonner l'incident de tout à l'heure, c'est moi qui offre.

   À ce moment, mon inconscient me disait de rentrer chez moi et de me blottir sous ma couette jusqu'à demain ; et pourtant, je l'ai suivi.