– VARMANTEUIL –
Le squat Alphecas se découpait contre l'éclat rosé du jour. Une fraîcheur aurorale recouvrait la structure décrépie. Les verrières, encore à l'ombre, demeuraient éteintes. Seul les cris des hirondelles virevoltants près des toits troublaient la quiétude de la matinée.
Familière des différents accès au colosse de béton, Kaya poussa une porte métallisée, puis traça sans la moindre hésitation son chemin à travers l'enfilade de couloirs, tunnels et escaliers. Les lieux, avec ses murs colorés de fresques et sa lumière circulant par les innombrables percées, avaient inscris sous sa peau un sentiment d'appartenance. Entre ses visites à Isaac et ses heures de danses sur les terrasses, la jeune femme ne comptait plus le temps qu'elle y avait passé ces dernières années.
Aujourd'hui cependant, c'était vers les sous-sols qu'elle se dirigeait, pour trouver le nid d'un groupe de Maraudeurs suspectés de contrevenir à la loi d'Alphecas. Connaissant les penchants noctambules de ces « familles de rue », elle savait qu'il s'agissait du meilleur moment pour les surprendre.
Parvenue devant l'atelier dans lequel ils avaient élu domicile, Kaya tambourina du plat de la main contre l'acier de la porte. Elle laissa s'écouler un silence, l'oreille tendue, avant de reprendre son tapage, jusqu'à ce qu'un adolescent dégingandé, crâne rasé sur les tempes et cheveux gras en bataille sur son front, fasse son apparition. La mine agressive, il cracha :
— Non mais ça va pas, sale c...!
Il tituba quand l'Aster le poussa en arrière pour forcer le passage. Une moiteur de sommeil aux relents de bières éventées et de nicotine régnait dans la pénombre du logement. Elle chercha à tâtons l'interrupteur pendant que le reste des occupants remuaient mollement sur leurs couches, troublés par le réveil brutal. Des protestations éclatèrent aussitôt que la lumière crue illumina l'espace.
Narines frémissantes, une fille tatouée s'arracha à son canapé délavé, se protégeant les yeux d'un bras, canif en main. Kaya l'étudia d'un coup d'œil, avant de diriger brièvement son attention sur le troisième d'entre-eux, à demi-redressé dans son sac de couchage. Ils correspondaient à la description que lui avaient fait Basile et Gale.
L'un d'eux arborait une méchante brûlure au poignet, nota-t-elle. Ce que ses frères avaient omis de lui mentionner. À moins qu'il ne l'ait récolté après leur accrochage.
L'hostilité du trio se mua en une prudence pleine d'anticipation quand leurs prunelles se furent assez acclimatées à l'éclairage pour reconnaître l'intruse. Bien que la jeune femme ne disposait pas de statut officiel au sein des Régulus, les occupants du squat la connaissaient comme une habituée du coin, et la savaient proche du dirigeant.
— Eh ! On est à jour sur le paiement de la taxe ! s'exclama la meneuse. Si c'est Isaac qui t'envoie...
— Je suis pas là pour ça, coupa Kaya en balayant l'espace du regard.
Ses soupçons s'étaient confirmés dès qu'elle était entrée. Plus sensible que la plupart des autres Asters à la présence de l'Éther, elle percevait ce que les Maraudeurs cachaient dans leur taudis.
Les revenus légaux de la Constellation provenaient pour la majeure partie de la marchandise unique dont ils faisaient commerce : les abraxas, des objets imbus de charmes, talismans et amulettes vendus au prix fort dans les boutiques de Varmanteuil. Les meilleurs orfèvres de Régulus avaient leurs ateliers au squat Alphecas, afin qu'Isaac puisse contrôler la confection et la qualité des articles.
VOUS LISEZ
𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVAS
FantasíaÀ Bryvas, les miracles sont trempés de sang. Ils sont appelés Asters : ceux capables de puiser dans l'Éther du monde. Dont le pouvoir irradie les ténèbres. Rassemblés en Constellations, ils se divisent la métropole en quatre territoires. Kaya est...