Chapitre 24 - Au bord de la fontaine

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Tu - Umberto Tozzi

Je prends mon temps pour me rendre à ce rendez-vous imprévu.

Il fait bon ce soir dans les rues de mon quartier adoré de Borgo Pio. Le printemps est déjà là, bien qu'encore un peu timide. Les gens commencent doucement à quitter les terrasses. Je les observe en souriant malgré moi. Les serveurs fument leur cigarette de fin de service et me regardent passer. Ils se demandent peut-être qui je vais rejoindre ?

Le beau glacier du coin de la rue, il se peut que vous le connaissiez ! C'est un grand brun, avec une fossette au menton et un veste blanche immaculée. Vous n'avez pas pu le louper !

Il y a à peine quelques mois, j'aurais été au bord de la crise de panique, me demandant ce que j'allais bien pouvoir dire à cet inconnu. J'aurais eu peur qu'il me trouve idiote ou inintéressante. Je me serais fait des dizaines de scénarios dans ma tête, persuadée qu'il se moquerait de moi et qu'il regretterait sans doute de m'avoir invitée.

Aujourd'hui, je marche la tête haute. Je ne me demande même pas où cette soirée pourrait aboutir. L'essentiel se trouve dans la rencontre de l'autre et la découverte de sa personnalité. J'ai envie de jouer de mes charmes, de susciter de la surprise dans le reflet de ses pupilles lorsque je parle avec mon accent français assumé. J'ai envie de le séduire et de me sentir flattée.

La devanture de l'Arena del Gelato se dessine derrière les néons jaunes. Quelques personnes font encore la queue. Il s'agit visiblement d'une famille nombreuse dont je n'arrive pas à définir l'origine. Danois, Finlandais ? Du nord de l'Europe en tout cas.

J'attends patiemment sur le côté qu'ils terminent de passer leur commande. Lorsqu'ils sont finalement servis, c'est à mon tour d'entrer en scène.

Ciao ! je lance haut et fort, de ma voix la plus enjouée.

Lorsqu'il lève les yeux vers moi, mes joues s'empourprent instantanément. Je crois que je vais définitivement perdre à mon propre jeu.

Ciao, bella !

Il referme la porte derrière moi et tourne la clé. Voyant mon regard inquisiteur, il se justifie en me faisant la bise :

— Ne t'inquiète pas, j'ai fermé pour ne plus être dérangé. Sinon, il y a toujours des clients qui vont continuer à rentrer.

Je le regarde faire les gestes qu'il a l'air de connaître par cœur. Il range tous les appareils et ustensiles dont il se sert en faisant des allers-retours dans la réserve.

— Tu sais, je l'interromps poliment, si tu veux fermer la boutique tranquillement, je peux t'attendre dehors !

— Ne t'en fais pas, je n'en ai pas pour longtemps. Qu'est-ce que je vous sers, Signorina ? me propose-t-il, en ouvrant ses bras vers son étalage coloré.

— Rien, c'est gentil, je sors de table.

— Je te fais juste goûter ça alors !

Il me tend une cuillère, après avoir prélevé une petite quantité de glace. Je ne me fais pas prier. La couleur pastel, d'un joli ton orangé, m'indique déjà que le goût sera divin.

— C'est la saveur de la saison, me précise le glacier. Faite avec les pêches du jardin de mon père, récoltées à Napoli, puis arrosées au vin rouge du Vesuvio.

C'est surprenant, mais absolument exquis ! Avant que je ne pose la question qui me brûle les lèvres, mon interlocuteur y répond de lui-même :

— C'est nous qui faisons toute la fabrication, mes deux sœurs et moi. Et tous les produits que l'on utilise sont bio, bien sûr !

Ça ira mieux à RomeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant