CHAPITRE 18

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Cooper.

Nate Cooper est un connard. Et je lui ferai bientôt regretter de respirer le même air qu'elle.

J'ai réussi à me procurer un de ses prospectus qui annonce la soirée dont m'avait parlé une de ses copines. Kheliss, je crois. La fraternité des Pi Epsilon est de la pire espèce qui soit. J'ai entendu des histoires, lorsque j'étais encore au lycée, et je ne peux pas la laisser se jeter dans la gueule du loup comme ça. Nate Cooper était encore trop jeune pour l'université, à l'époque, mais on dit que les traditions se perpétuent, dans les fraternités.

Ces derniers jours, j'ai passé mes temps libres à la suivre – pour changer – jusqu'au jour J. Cooper était toujours dans ses pattes. Comme un chien en rut. Mais ça avait l'air de lui faire plaisir de parler à un type normal.

Un type qui parle.

J'ai laissé faire, parce que je sais que ça ne va pas durer.

Pour avoir accès à la soirée, le déguisement est obligatoire. Alors, je ne suis pas allé chercher bien loin. Je me suis procuré une combinaison à la Michael Myers et mon masque blanc habituel. Ce n'est pas le déguisement officiel, mais ça fera l'affaire.

Je sors de chez moi en claquant la porte, et dévale, comme à mon habitude, les escaliers trois par trois, avant d'enfourcher ma moto.

***

Il est vingt-deux heures.

La soirée bat déjà son plein. Mais elle n'est toujours pas là.

J'ai préféré attendre son arrivée à l'extérieur, un peu à l'écart de la foule, devant l'entrée de la grande bâtisse à la façade de temple grec. Les lettres Ψ et Υ sont gravées sur le tympan de la corniche, au-dessus de six colonnes ioniques.

Il y a déjà un monde fou, rien qu'à l'extérieur. Le brouhaha générale se mêle à la musique assourdissante qui s'échappe des enceintes, à l'intérieur du bâtiment. Beaucoup sont déjà saouls. Un couple est prêt à se sauter dessus dans les bosquets qui entourent le jardin jonché de verres en plastique et de bouteilles de bière. Les gens passent devant moi avec un regard curieux. Ça fait plusieurs longues minutes – heures – que j'attends ici, immobile. Ils doivent penser que je suis un figurant ou que je fais partie du décor.

Peu importe.

De la vapeur sort de mon masque à chacune de mes respirations. Il fait froid, mais je ne le sens pas vraiment. Quand je vois un pickup bleu qui m'est très familier, je sais que c'est elle. Elle se gare sur le trottoir, devant le manoir. Elle porte une longue cape rouge et une sorte de casquette « d'époque » blanche.

Je n'ai pas la référence de son costume. Je me surprends à penser à ce qui se cache en-dessous.

Khéliss sort du côté passager. Elle est déguisée en louve. Comme une des poupées de ma petite sœur. La troisième n'est pas là.

Elles se dirigent vers la maison. Je les suis.

UnHoly de Kim Petras et Sam Smith m'agresse les tympan en entrant dans le bâtiment. Je n'ai pas besoin de jouer des coudes pour me faire une place dans cette masse de gens. Comme Moïse face à la mer rouge, la foule se décale d'elle-même. Je surplombe la plupart d'entre eux de deux ou trois têtes. Je prends de la place. Je ne leur laisse pas vraiment le choix, s'ils ne veulent pas se faire écraser.

Je parcours la foule du regard à sa recherche. Je vois beaucoup de masques de Scream, de Michael Myers, des modèles semblables à ce qu'on retrouve dans American Nightmar, des Penny Wise, des Freddy Krueger et tous les clichés d'Halloween. Un type torse nu, debout sur une table, couvert de faux sang avec un maquillage du Joker, fait du playback avec Harley Quinn.

Je continue de parcourir la foule. Puis je la vois se chercher un verre dans la cuisine. Je la suis. En chemin, une sosie de Lady Gaga en sous-vêtements me barre la route en posant ses mains sur moi. Elle étale du faux sang sur ma combinaison bleu-grise. Elle se déhanche sur la musique en se frottant contre moi, son cul tentant de réveiller ce qui se trouve entre mes jambes. La ficelle entre ses fesses cache tout juste ce qu'il faudrait cacher. Voyant que je ne réagis pas, elle s'en va chercher une autre victime.

La foule s'excite et me bouscule en chantant à l'unisson le refrain de la chanson qui sort des enceintes.

Je continue ma route. Quand je l'atteins enfin, son amie choisit ce moment pour la tirer en direction de la piste de danse.

Merde.

Tant pis. Maintenant que je suis là, je me serre une canette de bière dans le frigo. Je soulève juste assez mon masque le temps de la boire cul sec, et la jette dans l'évier.

Je ne la quitte pas des yeux. Je la laisse s'amuser. Lorsque Psycho Killer de Talking Heads commence, je la rejoins et me glisse derrière elle.

C'est son amie qui me remarque en premier. Elle lui tapote l'épaule pour lui signifier de se retourner. Face à moi, ses yeux rencontrent mon buste, en premier. Elle a un léger mouvement de recul. Et son regard remonte lentement vers mon visage. Elle n'a pas l'air de me reconnaître. Je suis obligé de soulever légèrement sa casquette d'époque du bout du doigt pour lui dégager la vue. Puis, comme si une ampoule venait de s'allumer au-dessus de sa tête, ses yeux s'écarquillent. Je lis sur ses lèvres : « C'est quoi ce bordel ? »

Si surprise ?

Le coin de mes lèvres se soulève sous mon masque. C'est comme si elle le voyait: dans la seconde, ses traits passent de la surprise à la fureur. Je vois des flammes danser dans ses yeux.

Et je ferais mieux de courir.

UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant