La petite vie de Mamie Granny est surprenante : calme et douce le jour, plus intrépide la nuit.
Chaque matin, elle se lève de bonne humeur, fait sa toilette, ne touche pas au petit déjeuner.
Selon le jour de la semaine, elle se rend au marché acheter des fruits frais, ou s'occupe de ses fleurs qui s'épanouissent sans qu'elle n'ait besoin de leur acheter d'engrais.
À 11h elle rentre préparer le repas, jamais avec de la viande. Puis, à midi, elle s'installe seule à la petite table ronde du salon — ou à la petite table ronde du jardin quand le temps le lui permet — et avale lentement son repas.
L'après-midi entier est consacré au repos.
Le soir, Mamie Granny lit, prépare son repas, mange. Puis Mamie Granny va se coucher. Elle laisse la porte de sa chambre ouverte, pose précautionneusement ses chaussons devant son lit.
Mamie Granny dort, mais pas pour bien longtemps. Lorsque ses yeux s'ouvrent, laissant entrevoir une lueur rouge, sa vie nocturne commence. Elle sort de son lit, ses pieds se posent tout à fait à l'endroit où se trouvent ses chaussons. Elle traverse la chambre, passe la porte, marche lentement à travers le salon.
Elle arrive à la cuisine. Se dirige jusqu'à la porte de la cave. Les escaliers sont étroits, il fait nuit noire mais Mamie Granny descend sans hésiter.
Dans la cave, on ne voit rien, à part son regard vitreux. Ses pieds contre le sol se font à peine entendre, sa respiration rauque semble venir de tous les côtés. Puis, il n'y a plus un bruit, les yeux de mamie Granny se ferment, une lumière aveuglante, blanche et froide surgit d'un coup.
Le visage blafard, la bouche tordue, les yeux exorbités, elle observe le frigo, ouvert, dont la lumière agressive éclaire à peine la pièce. Son souffle s'envole en nuages de buée, de sa bouche jusqu'au visage en face d'elle, qui la regarde, horrifié.
La peau grise, les yeux gelés et exorbités, le nez, la bouche, le menton mutilés. Pas de corps. Pas de buste. À peine la moitié du cou.
Mamie Granny s'effondre sur ses genoux, le regard fixé sur le frigo, un filet de bave s'échappe de ses lèvres.
D'un coup elle se jette dans le réfrigérateur, tend ses mains vers les membres découpés et déchire la chair de ses ongles.
Elle y plonge le visage, dévore tout férocement comme un lion dangereux et affamé. Son visage à elle n'est plus que sang et chair. Mamie Granny se redresse, la respiration rauque et accélérée, ses yeux vitreux observent le frigo vide.
Demain, Mamie Granny devra briser sa routine...
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