La voiture s'arrêta dans l'immense court, dont l'herbe jaunie et la terre desséchée s'envolaient en volutes de fumée. Un homme robuste sortit du côté conducteur, le visage souriant. Sa femme sortit à son tour tandis qu'il ouvrait la portière arrière. Un jeune garçon à l'air boudeur et au teint frais attendait que son père détache sa ceinture. Sa mère, Tiffaine, sourit tristement à son époux.
"Tu vas voir, Lilian, murmura-t-elle à son enfant. Tu vas adorer notre nouvelle maison !"
Le dénommé Lilian, désormais dans les bras de son père, refusa de lui accorder son sourire. Leurs pas résonnant sourdement contre le sol, ils gravirent les quelques marches qui les séparaient de la porte d'entrée.
Lilian observa la demeure immense. Le mur gris qui leur faisait face s'étendait bien trop vers le ciel à son goût. Il imagina les volets grincer lorsque son père les fermerait, cette nuit.
La pointe du toit piquait le soleil éblouissant, et Lilian plissa les yeux. Il apperçu une toute petite fenêtre ronde, fort sombre, la seule ne possédant pas de volets. Il semblait y avoir du mouvement dans la pièce.
"Tu me passes les clés, Marc ?"
Marc repositiona son fils dans ses bras pour accéder à sa poche. Avec quelque effort, il en extirpa un trousseau qui tinta étrangement dans le jardin silencieux.
Tiffaine inséra la clé dans la serrure, s'arrêta pour regarder sa famille d'un air joueur. Lilian la regarda dans les yeux. Sa mère savait que le jeune garçon raffolait de mystères et d'exploration, elle souhaitait transformer la découverte de la maison en un jeu.
Elle ouvrit la porte et s'effaça. L'entrée n'était autre qu'un long couloir aux murs décorés d'un papier peint démodé. Le père de famille entra, son fils toujours dans les bras, et mima la complainte d'un fantôme. Sa voix s'étouffa entre les murs, Lilian cacha son visage dans le t-shirt de son père.
Le reste de la demeure n'était guère plus accueillant. Le sol grinçait sous les pas des parents de Lilian, les pièces, nombreuses, étaient toutes remplies d'une décoration vieillotte.
Bientôt, Marc déposa son fils à terre, car ses bras faiblissaient. Lilian dû marcher, et subir les jeux de sa mère qui courait dans les couloirs et découvrait les pièces comme si mille trésors si cachaient. Finalement, face à son fils éternellement emretique à ses efforts, elle abandonna et marcha tranquillement aux côtés de son mari.
Toute la famille avait déjà visité les deux étages et Lilian croyait qu'ils en avait vraiment terminé, seulement une trappe dans le plafond d'un couloir l'intrigua.
"Papa... Et y a quoi, là-haut ?
-Ho, ce n'est que le grenier, mon chéri."
Mais Lilian voulait voir. Ils descendirent l'échelle et montèrent. Dans la pièce sombre, large et poussiéreuse, l'enfant retrouva la petite fenêtre ronde. Il s'avança.
Tiffaine et Marc observaient l'endroit en chuchotant sur la façon dont ils pourraient optimiser l'espace.
De la fenêtre, Lilian voyait la forêt d'en face s'allonger sur plusieurs kilomètres, ainsi que la route qui les avait menés jusqu'ici. Le soleil se cachait derrière les arbres hauts.
Tiffaine observa son enfant, elle émit l'hypothèse de transformer l'endroit en une salle de jeu.
Le petit garçon écoutait d'une oreille distraite la discussion de ses parents, lorsqu'il fut attiré par un objet dans le coin du grenier. Un grand drap gris et miteux cachait à moitié un mobilier, brillant, dans lequel Lilian pouvait voir se refléter ses yeux.
Ses parents, qui d'enthousiasmaient de leur idée, sentirent comme un frisson dans le dos. Ils cessèrent de parler. Les yeux perplexes de Marc cherchèrent le regard perdu de Tiffaine.
Soudain, un bruit profond et une bourrasque de vent agitèrent la pièce et les esprits.
Les parents cherchèrent désespérément leur petit garçon vers la fenêtre, il était en fait dans un coin de la pièce, un grand drap lourd dans ses petites mains. Lilian était parvenu à retirer le drap comme s'il s'agissait d'une fine couverture de soie. Un grand miroir s'étalait devant lui, vieux et cassé, mais d'une attraction puissante.
Il se faisait tard, la famille finissait son premier repas dans le salon de la maison. Lilian avait mangé avec appétit, sa perplexité semblait envolée. Lorsque ses parents le bordèrent pour la première fois dans sa nouvelle chambre, il demanda :
"Maman, papa, je pourrais retourner au grenier demain ?"
Les semaines qui suivirent furent calme. Les parents de Lilian s'accommodaient de leur maison en installant leurs effets personnels et s'appropriant chacune des nombreuses pièces.
Ils laissaient leur petit jouer autant qu'il le voulait, parfois dans sa chambre, parfois dans le salon, parfois dans le grenier. Et Lilian passait beaucoup de temps dans le grenier. Marc et Tiffaine ne s'en préoccupaient pas, l'endroit était grand et vide, parfait donc pour jouer. Et puis il y avait ce miroir qui ne cessait de fasciner l'enfant depuis qu'il en avait découvert l'existence.
Lilian ne pensait plus que par lui. Il racontait tout le temps à ses parents que le miroir était magique, mais se gardait bien d'expliquer pourquoi. Car s'était un secret que Lilian devait garder au prix de sa vie.
Il passait de plus en plus de temps au grenier. Il emmenait deux ou trois jouets dont il ne se servirait pas et montait les escaliers en faisant bien attention à ce que ses parents ne le suivent pas. Là, il s'acroupissait devant son reflet et parlait.
Lilian s'adressait à quelqu'un, il fixait ses propres yeux et racontait ses tristesses, ses peines, ses questionnements. Mais son secret ne s'arrêtait pas là. Non, le plus important, c'était ceux qui lui répondaient. En général, ils ne venaient pas tout de suite. Mais ils finissaient toujours par apparaître.
Un jour, Lilian s'était rendu comme à son habitude jusqu'au miroir, et il avait parlé. Il était très triste.
"Je me sens seul", bafouilla-t-il.
Aussitôt, le grenier s'assombrit, sembla se resserrer autour de l'enfant. Le miroir éclairait une faible parcelle du sol. L'ombre s'étira autour de lui, de fines pointes l'encerclèrent. Elles se décollèrent du sol, prirent consistance ; des mains crochues entouraient désormais Lilian. Il ne s'en préoccupait pas. Les ombres ne se reflétaient pas sur le miroir.
"J'ai un jeu pour toi, mon enfant."
La voix suave semblait provenir directement des ombres. Lilian écoutait attentivement, le regard fixe.
"Cela t'égayera. Tu ne te sentiras plus seul.
-Quel genre de jeu ?
-Nous allons... Fusionner.
-Fusionner...? La voix du garçon se fit plus hésitante.
-Oui. C'est amusant, tu verras. Et puis, de cette façon, je resterai toujours près de moi et tu n'auras plus à me rendre visite dans cet affreux grenier."
En effet, aussitôt, Lilian sentit comme une gêne. S'asseoir aussi longtemps sur le parquet grinçant lui donnait mal au dos, il faisait froid et le faible éclairage que lui offrait la fenêtre ronde lui faisait froid dans le dos. Tout en cette pièce le repoussait.
Alors Lilian accepta.
Le miroir se mit à trembler et à briller. La lumière éclairait le jeune garçon sans qu'aucune ombre ne se dresse derrière lui. Les mains étirèrent leurs griffes sombres, convergèrent vers l'enfant . Le rituel commença.
A suivre...
N.B. : Ce coup-ci, l'image vient de Pinterest : Broken veil de Danny Ingrassia sur ArtStation
Voilà voilà :)
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