La tour de l'abandon.

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Nous sommes le 31 octobre 1700 à Paris.

Habituellement, chaque matin les cloches de l'église avoisinante sonnaient, ce qui était le premier avertissement des enfants sur l'heure du réveil. Le deuxième, étant celui des bonnes soeurs, qui viennent les secouer s'ils sont réticents à aller se débarbouiller, mais ce matin, tout est différent.
Aucune soeurs ne vient, les couloirs c'est le silence complet, pas de craquements de parquet, pas de fenêtres qui s'ouvrent brutalement.

Les enfants aux nombres de vingt dorment paisiblement.
C'est bien plus tard que l'un des plus petits commence lentement à se réveiller.
Il va taper sur l'épaule d'un des plus grands qui dort encore à point fermé.

- Laisse-moi dormir Louis, répond Jules mauvaisement en se retournant.
- Mais il est tard Jules ! S'inquiet-il.
Jules prend tout de même part aux paroles du petit garçon appeuré de la situation, à son tour il ouvre les yeux, il constate que c'est très étrange, dehors il fait encore nuit, un calme pesant plane autour de lui. Il se lève pour se rendre à la fenêtre, il fait nuit noir, pas d'étoile, et un silence règne à l'extérieur.
- Suis-moi reprit-il en prenant la main de Louis dans la sienne pour traverser la chambre de l'orphelinat et se rendre dans le couloir.
Jules est âgé de quatorze-ans, c'est l'un des enfants les plus âgés, il n'a jamais été adopté, les familles qui venaient rendre visite aux enfants pour une éventuelle adoption reculait de trois pas en le voyant, pourtant, son visage était resplendissant. Personne n'a jamais compris pourquoi.

- Qu'est-ce-qui se passe Jules ? Demande Louis de plus en plus inquiet par l'oppression qui règne autour d'eux.
- Je ne sais pas répond-il, mais motivé à bien le découvrir.
Ils descendent le grand escalier de l'orphelinat, en face se trouve l'énorme porte d'entrée tout en bois, le sol est de la pierre ternis par le manque d'entretien, les lumières sont éteintes mais surtout, personne à l'accueil.
Un soupçon de panique naît en lui. Ils partent en direction du bureau de la directrice, celui-ci est vide...ou est-elle ?

Il décide de remonter les marches à toute vitesse lâchant la main du petit Louis pour aller plus vite sans prendre le temps de l'attendre, essoufflé, il arrive au dortoir et sonne l'alarme en criant, réveillant instantanément tous les enfants, sont âge lui permet d'avoir un peu d'autorité mais surtout son côté bagarreur à ne pas vouloir l'embêter.
Les enfants accusent la nouvelle, certains sont contents d'entendrent que les adultes ont tous disparus et les plus petits s'en inquiètent.
Après quelques échanges sur quoi faire ils décident de sortir du bâtiment, mais une fois en bas les portes sont scellées, la panique prend le dessus sur un certain nombre d'entre eux.
- Calmez-vous s'écria Jules afin que la petite foule soit attentive, nous allons trouver un moyen de sortir, nous allons faire deux groupes, à ma droite ceux qui veulent fouiller de fond en comble le lieu et à ma gauche ceux qui ont trop peurs pour bouger et agir.
Le groupe se scinde en deux mais tous les plus petits vont se cacher derrière Jules et le suivront coûte que coûte.
Des bruits de gouttes retentissent, des portes qui claquent aussi.
Le groupe de Jules descend au sous-sol, les tuyaux d'eau sont à deux doigts de céder, voilà d'où viennent les bruits, ils se sentent un peu rassuré.
- Je pense que les adultes ont dut le voir et sont partis chercher de l'aide. Il sait inlassablement qu'il ment, qu'il en a aucune idée mais veut tout faire pour essayer de garder le calme au maximum.

Quelques heures défilent à l'idée de trouver le moindre indice, les enfants de l'orphelinat de la tour de l'abandon commencent à avoir vraiment faim, le dernier repas du soir n'était pas très copieux, aujourd'hui, pas de déjeuner et nous venons de dépasser les 14 heures.

L'après-midi ils s'occupent a fouiller dans les cuisines cherchant à se restaurer, mais à part de l'eau et du vieux pain rassis, rien d'autre ne pourra les rassasier.

Une petit voix douce, féminine et légère se fait entendre, Jules se braque immédiatement. Il se retourne vers ses camarades et leur en demande le sens, très vite il comprend qu'il est le seul à l'avoir entendu.
Quelques secondes plus tard ça recommence, il avance en direction de la voix ensorceleuse. Au bout du sous-sol, rien, le mur, un mur de pierre et terre battue, sombre et rien d'autre, il pose sa main dessus, c'est froid et humide, la voix se fait entendre une nouvelle fois.
Les autres enfants l'acclament de questions, n'ayant aucune idée de ce qu'il est en train de faire, il leur demande le silence. La voix s'éteint. Il demande confirmation aux autres s'ils n'ont toujours pas entendu, et non, rien.

Ils repartent et remontent à l'étage, or, celui au-dessus de leur tête vient de craquer, les plus jeunes agrippent leurs petites mains aux vêtements souillés de Jules.
- Chut ! Exclame Jules.
- Vous croyez qu'ils sont ou ? Vous voulez jouer avec moi ? Dit la voix de petite fille en riant.

Dans cet orphelinat mis à part les soeurs et la directrice il n'y a pas de filles, et les autres ont toutes un certain âge, cette voix est celle d'une fillette.
- Qui es-tu ? Demande Jules inquiet.
- Moi ? Répond la voix fluette.
- Oui, toi ! Montre-toi.
- Tu ne me reconnais pas ?

Jules veut voir à qui il s'adresse et prend le deuxième escalier qui monte à l'étage, mais en haut, personne. Il ne comprend pas et s'assied sur les marches, la tête dans ses mains.
- Pourquoi est-ce que tu me cherches vu que tu ne veux pas jouer avec moi ?
- Ou tu es ? Interroge l'adolescent.
- Si je te le dis, tu viens jouer avec moi ?
- Oui ! Ment Jules une seconde fois.
- Pourquoi tu ments ? Ça fait 14 ans que tu m'as en face de toi et jamais tu n'as joué avec moi, je ne sais même pas si tu sais que je suis là.
Jules est persuadé de ne jamais avoir vu de fillettes en face de lui mis à part les quelques fois lorsqu'il sort faire les courses comme corvées avec une bonne soeur.
- A qui est-ce que tu parles Jules ? Demande le petit Louis.
- Justement ! Je ne sais pas répond Jules sèchement.
Mais il se questionne quand même, il réfléchit, se pose mille questions, puis se lève et retourne dans le dortoir, en levant les yeux vers l'armoire, il voit une poupée, une poupée fille, il s'approche.
- Ça ne peut pas être toi...
Pas de réponse, il est confus et perdu. Il retourne s'asseoir dans son lit, patientant jusqu'à la prochaine idée qui lui traversera l'esprit.
Un certain nombre d'heures plus tard la voix se fait entendre une nouvelle fois, c'est en sursaut qu'il quitte ses songes.
- Mon heure de vengeance à sonnée, tu ne m'as jamais aimé, jamais écouté, tu vas payer.
En regardant tout autour de lui il est seul, il se lève et part à la recherche des autres enfants de l'orphelinat, mais ce fut en vain. Tout le monde a disparu, il se met à hurler de peur et de détresse lorsque la porte d'entrée se fait défoncer par la police.
- Attrapez-le !
Ne lui laissant même pas le temps de s'exprimer et encore moins de fuir, deux policiers s'emparent de lui.
Il finira sa vie dans un hôpital psychiatrique accusé de nombreux meurtres, les corps des bonnes soeurs, de la directrice et des enfants ont tous été retrouvés sans vie, dans le sous-sol, là, ou tout a commencé.

La tour de l'abandonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant