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Gaelle se tenait là. Dans ce qui ressemblait à un magasin ou à un musée de marionnette. C'était celles de son enfance. Celles qu'elle allait voir avec plaisir, criant quand l'ennemi de sa marionnette fétiche se trouvait derrière elle. Mais là. Maintenant. Celles-ci n'avaient plus rien d'amusant. 
L'amoncellement de ces yeux peints à la main et de ces faux sourires lui flanquait la chair de poule. 
Il y en avait, partout, des plinthes jusqu'au plafond. 
Les mêmes visages, les mêmes sourires. Ces murs l'oppressaient l'empêchant de respirer correctement. 
Le parquet moisi était à moitié brisé par endroit. Un vieux comptoir trônait sur le côté droit de la pièce.

Gaelle déplaça sa lampe torche de part et d'autre de la pièce, mais ne vit pas Troy. Elle était pourtant arrivée au point de rassemblement. C'était maintenant que leurs amis devaient se réunir pour boire et festoyer comme ils se l'étaient dit. Où étaient-ils tous ? 
Tamar était morte.



Gaelle avança au milieu de la pièce, le cœur tambourinant, menaçant de sortir de sa poitrine. 
 — Troy ? appela-t-elle d'une voix tremblante. 
 Aucun retour. 
 Elle prit son portable pour lui envoyer un SMS quand elle tomba sur les derniers messages de ses followers présents sur le direct qui tournait encore. 



 — Es-tu seule Gaelle ? 

— C'est les marionnettes d'ignobles non ? 

— Ouais, c'est les spectacles d'enfants.

— Ma petite sœur aime trop ça.

— Ouais, mais là c'est creepy gars.

— Es-tu seule Gaelle ?
continua Child_of_the_night

— Lui c'est un fou.

— Mais il fait partie du truc meuf, t'as pas compris ? 

— Es-tu seule Gaelle ?

 Gaelle scruta son portable, tremblante. Child_of_the_night, encore. 

Pourquoi continuait-il de la harceler ? Elle se décida à aller regarder son profil. Rien. Il n'y avait rien. Pas de photo de profil, pas de photos sur son feed. Pas de story. Il n'avait aucun abonné. Mais un seul abonnement. Gaelle. 
Une sueur froide descendit le long de sa nuque. 


 — T'es qui putain ?! 

— De qui tu parles meuf ? 

— Child_of_the_night ?! Tu es qui ? Tu veux quoi ? 

— Je peux te montrer si tu veux...
 

Une demande de partage de direct lui était aussitôt envoyée. Elle refusa. Par principe. Elle n'allait quand même pas partager sa célébrité avec cette personne. 
 

— Non, mais t'es gonflé ! Tu veux partager le direct, on se connait pas. 

— Moi je te connais.
— Espace de taré. Je vais te bloquer. 

— Je te reproposerai plus tard Gaelle. Et je t'assure que tu diras oui. 

 

Au moment où elle s'apprêta à bloquer le compte de ce dernier, le volet claqua ce qui la fit sursauter. 
 

— Troy !? T'es là !? C'est Gaelle ! Je suis arrivée en premier j'crois. 
 

Toujours aucune réponse. 
 Elle était parvenue au bon endroit. Elle aurait dû trouver Troy ici, mais aussi Lina, et Clément. Or, elle n'entendit rien. Pas une seule respiration. Pas un simple bruit d'humain. Seul le parquet craquait sous ses pieds. Elle ressortit le plan, tout en tenant sa lampe torche dans la bouche.
Elle n'allait pas lâcher son portable alors que le nombre de spectateurs ne faisait qu'augmenter. 1000. Ils étaient plus de 1000 à regarder son direct. 
Elle prit donc la carte, maintenant trempée, de sa poche. Il dégoulinait de rouge, mais l'encre paraissait encore visible. Elle vérifia, en posant ce dernier sur le comptoir, les restes du cercle qui lui avait permis de venir ici. Elle avait dû s'appuyer sur un dispositif particulier, car lorsqu'elle se pencha en avant, quelques lumières s'allumèrent et une musique jouée à l'orgue de barbarie résonna autour d'elle.
Elle se retourna, prise de panique. 

Certaines marionnettes animées par des fils reliés au plafond s'étaient mises à dériver d'un côté puis de l'autre. 
 

La cité morteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant