XII - Fauve

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"Mais dans son regard à lui, dans son regard à lui il y avait une vraie détresse à te faire sauter le cœur
Une douleur que même lui devait pas évaluer complètement
On sentait bien qu'il en rajoutait des tonnes exprès, c'était gravé dans ses pupilles qu'il en chier à mort
Et qu'il sentait qu'il allait en baver encore
Il avait dû se faire cogner, maltraiter, même passer dessus si ça se trouve
Je me suis demandé si c'était pas un de ces ados qui servent de jouets à d'autres, plus forts ou plus vieux" - Fauve, Jennifer




    -Qu'est-ce que tu fais ?
    -Je réfléchis.
    -Ça t'arrive même ?
    -Oh, va t'faire, Océane.
    -A quoi tu réfléchis ?
    -Je m'disais simplement qu't'étais méga chiante.
    -Va t'faire foutre.
    -Chacun son tour.
    -Plus sérieusement, qu'est-ce qui peut bien te captiver au point que t'en oublies de manger ?

     Raphaël jeta un coup d'œil morne sur son assiette et constata sans surprise qu'elle était encore pleine. Il saisit sa fourchette en soupirant et la plongea dans sa purée. Il ne mangeait pas pas parce qu'il était dans ses pensées, il était dans ses pensées parce qu'il ne mangeait pas. Il n'avait pas envie de manger, il n'avait pas faim mais alors vraiment pas. En fait, rien que les odeurs des assiettes aux alentours lui donnaient envie de vomir.

     -Alors, reprit son amie, je peux savoir à quoi tu penses ?
    -Non.
    -Alex ?
    -Océane ! la rappela à l'ordre Raphaël.
    -Ça va, c'est bon, je m'incline. Mais manges un peu, ok ?
    -Oui, Maman, répondit-il sarcastiquement.

     Océane soupira et leva les yeux au ciel, et Raphaël pouvait bien dire ce qu'il voulait, il savait qu'elle voyait claire dans son jeu. Elle ne pouvait pas savoir exactement ce qu'il avait mais ça faisait deux jours qu'il ne mangeait plus rien du tout le midi, évidement que ça attirait son attention. Et c'était vrai qu'il ne prenait même plus la peine de faire semblant d'avoir encore de l'appétit.

    -T'aimes pas la purée ?
    -Dis pas n'importe quoi. J'ai juste pas faim aujourd'hui.
    -Comme hier. Et avant-hier. Et avant-avant-hier, ajouta Raphaël en son fort intérieur.
    -C'est parce que j'mange beaucoup l'matin.

     Même lui ne croyait pas à son propre mensonge. Océane ne fit néanmoins aucuns commentaires et il l'en remercia silencieusement.

    -Bon allez, soupira-t-il en écartant définitivement son plateau, débarrassons ces putain d'plateaux et retournons nous faire chier en cours.

.

    En classe, il fut encore moins attentif que d'habitude. Pour se distraire, il entreprit de mettre en application ses cours d'arts plastiques du collège : une feuille à carreaux, un point de fuite, un lit, une fenêtre ouverte... Il dessina, dessina, dessina.... Et ça l'occupait bien mieux que le prof devant lui.
    Quand la sonnerie retentit Raphaël  dut se résoudre à s'arrêter et à continuer dans le cours suivant. Il ajouta alors des rangements, un verre sur la commodes, une tâche de ce qui pourrait être du café, du sirop ou même du jus de fruits. Une feuille... pliée en deux, non en quatre. Une housse de couette défaite, le bout d'un autre lit, plus loin et.. Non : plus à gauche, le lit.
    Quand la sonnerie retentit une nouvelle fois, signifiant la fin de la journée, Raphaël releva lentement la tête et observa son dessin d'un œil critique. Une chambre d'adolescent avait prie vie sur le morceau de papier et il se rendit compte qu'il s'agissait de son ancienne chambre, celle qu'il avait partagé avec son frère avant d'emménager chez Mac. Pourquoi s'était-il remémoré cette pièce à cet instant ? Il n'en savait rien. Il hésitait à le jeter mais...

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant