Chapitre 18.2 - rework

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Wassalie

Nous marchons en silence, contemplant les étagères et les ouvrages présents par dizaine de milliers. Je me sens apaisée en présence d'Egon, dans ce lieu intemporel recelant les secrets du monde. Il s'arrête alors que nous atteignons le fond d'une allée, à l'abris des regards.

- J'espère ne pas vous avoir incommodée hier soir, me dit-il en se plaçant face à moi, si près que je peux sentir son souffle sur ma nuque.

Je le contemple et, instinctivement, mes yeux dévient vers ses lèvres.

- Non, Egon. En réalité, c'est moi qui suis confuse. J'espère ne pas vous avoir blessé.

- N'ayez crainte, me rassure-t-il. Je n'ai jamais rencontré de femmes comme vous.

- Comme moi ?

- Vous me subjuguez, j'en ai peur, avoue-t-il sous le ton de la plaisanterie.

- Je vous assure qu'il n'y a pas de quoi !

- Vous vous trompez. J'espère qu'un jour vous pourrez vous voir comme je vous vois.

Il rive ses yeux dans les miens. Le temps semble s'être arrêté. J'ai la gorge sèche. Je n'entends plus que les battements de mon cœur.

- Majesté ?

Un érudit vient nous rejoindre, brisant la magie du moment. Je ne sais pas si je dois me sentir frustrée ou soulagée...

- Nous allons fermer la bibliothèque, nous annonce-t-il.

- Bien, nous partons.

Je soupire. Nous quittons la bibliothèque sans un mot. Egon me raccompagne jusqu'à la grande arche où les deux gardes m'attendent.

- J'ai encore une tonne de documents à lire et à signer pour demain, me confie-t-il. Peut-être pourriez-vous... me tenir compagnie, Wassalie ?

- Moi ? Je ne vais pas vous déranger ?

- Me déconcentrer peut-être mais... Un peu de compagnie ne me ferait pas de mal. Qu'en dites-vous ?

- Et bien... Pourquoi pas ?

- J'ai quelques ouvrages qui pourraient vous intéresser dans mon bureau. Et un fauteuil confortable au coin de la cheminée, ajoute-t-il.

- Dans ce cas, je n'ai aucune raison de refuser !

Je rougis et détourne le regard tandis que nous traversons plusieurs couloirs pour arriver au bureau du Prince, suivis par les deux gardes. Egon déverrouille la porte à l'aide d'une clé avant de m'inviter à entrer.

Il se dirige vers le bureau et allume plusieurs bougies pour éclairer la pièce. L'endroit est accueillant et chaleureux, comme lui. Son bureau est au centre, face à la cheminée. Un fauteuil en velours est tourné vers le feu, des livres éparpillés un peu partout au sol. Une table basse couverte de galets est placée juste à côté. Une grande fenêtre offre une vue imprenable sur les jardins plongés dans la pénombre nocturne. Une odeur de pin flotte dans l'air.

- Ne faites pas attention au désordre, s'excuse-t-il. Cet endroit est le seul où je m'autorise à ne pas être parfait.

- Vous n'avez pas vu le chalet dans lequel je vis, je plaisante pour le mettre à l'aise.

- En effet. Vous vivez vraiment seule là-bas ?

- Oui, avec Nakpa.

Le petit renard vient se frotter contre les mollets du Prince pour lui signifier sa présence. Il se penche et attrape l'animal dans ses bras pour lui gratter le dos.

- J'ai du mal à imaginer comment vous avez pu survivre seule dans cet endroit.

- J'aime la montagne, je lui explique. La forêt. Et la solitude. J'avoue que les hivers sont rudes mais... Je m'y sens bien. C'est chez moi.

Il ne répond rien, songeur. Il ramasse un livre et me lui tend.

- Je vous conseille celui-ci. C'est un recueil de poésie que j'affectionne particulièrement. Je pense qu'il vous plaira.

Je saisis l'ouvrage, caressant le cuir lisse de la couverture. Je m'installe dans le fauteuil en face du feu tandis qu'Egon s'assoit derrière son bureau.

- Comment est-ce, la vie de Prince ? je lui demande.

- Bien plus barbant que ce que l'on peut imaginer, il répond spontanément. On pourrait croire que je suis le mieux loti du monde alors que je n'ai rien à envier, croyez-moi. Mais je ne me plaindrais pas. J'ai un toit sur la tête et de la nourriture dans mon assiette tous les jours.

- Si vous aviez pu choisir comment vivre votre vie, qu'auriez-vous fait ?

Je l'entends rire dans mon dos.

- Je crois que j'aurais été barde.

- Barde ? je m'exclame, surprise.

- Oui. J'aime assez l'idée de voyager et de conter des poèmes et des histoires. Peut-être en aurais-je écrit moi-même.

- Votre Majesté serait-elle donc une artiste ?

- En quelque sorte, plaisante-t-il. Je n'ai hélas pas le temps d'exercer tous mes talents. Et je ne suis pas certain que cela plairait à mon père...

Je ris avant d'ouvrir la première page du recueil.

- Et vous ? me questionne-t-il. Quelle vie vous ferait donc rêver ?

Je fronce les sourcils. Je ne me suis jamais vraiment posé la question.

- J'aurais aimé avoir une famille auprès de moi. Vivre simplement. Mais dans la paix et la sécurité d'un foyer.

Je ne me suis même pas rendu compte que j'ai pensé à voix haute. Je me sens mortifiée. Cependant, le Prince n'émet aucun commentaire. Il déplace des documents et attrape sa plume, plongeant dans son travail.

- La proposition de mon père... Vous comptez y réfléchir sérieusement ? reprend-il. Ce dont vous rêvez... Vous pourriez l'avoir. Ici. Vous pourriez repartir de zéro.

Je fronce les sourcils. Bien sûr que je pourrais rester. Être guérisseuse royale, ce n'est pas rien ! Je pourrais avoir une vie confortable au palais. Mais je suis... ce que je suis. Et le pouvoir qui sommeille en moi finirait par me trahir à un moment. Je ne suis en sécurité nulle part.

Je ne parviens pas à répondre. Car, à lui, je n'ai pas envie de mentir. Egon n'insiste pas et se remet dans ses dossiers pendant que je parcours avec émerveillement le recueil qu'il m'a prêté. Cette poésie est vraiment profonde et belle. Cela parle de paysages merveilleux, de créatures oniriques et d'amour véritable.

Je ne rends même pas compte que je sombre alors que le livre m'échappe des mains et que mes paupières, trop lourdes, se ferment.

Je ne rends même pas compte que je sombre alors que le livre m'échappe des mains et que mes paupières, trop lourdes, se ferment

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EROBYE - Tome 1 : Le MiracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant