CHAPITRE 26 - SKYLAR

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Je sors de ma contemplation en sentant une présence approcher.

— Bonjour, je peux vous aider ?

Une vendeuse.

Je me sens rougir d'embarras, et le temps semble s'être arrêté pour rendre le malaise plus long, plus palpable. J'ai un instant de réflexion avant de lui répondre. Je regarde l'étendue d'objets qui se présentent à moi.

Qu'est-ce que je veux ?

— Bonjour. Hum... oui. Je cherche un objet... de- d'une quinzaine... vingtaine de centimètres, je dirais. Plutôt épais...

Putain, est-ce que je suis vraiment en train de le décrire, là ?

Je flanche, le ton de ma voix diminue progressivement pour ne devenir qu'un souffle hésitant. Mais la vendeuse, elle, n'a pas l'air si gênée que ça – très à l'aise dans son travail.

— Une couleur en particulier ?

Je réfléchis. Mais pas longtemps.

— Plutôt réaliste, dans des tons roses.

Je n'arrive pas à croire que j'entretiens ce genre de conversation avec le plus grand sérieux. Je me mords la lèvre quand la vendeuse me demande de patienter et s'en va vers la réserve. Nerveuse, je regarde autour de moi ; Sarah et Kheliss se marrent devant les sextoys en forme de sexe d'extraterrestre. Mon pied bat la mesure jusqu'au retour de la vendeuse, tenant l'objet aux proportions visiblement conformes à mes descriptions.

J'entends siffler derrière moi.

— Woah. Pas mal ! Me taquine Kheliss.

— C'est un 15cm sur 4...

Je n'écoute plus la vendeuse. Les filles me fixent avec amusement et moi, je suis rouge comme une tomate. Je coupe la vendeuse.

— Ça va. C'est parfait. Je le prends.

Les filles ne cessent pas pouffer de rire tandis que je règle mon paquet – et quel paquet.

— Un 15cm, hein...

Kheliss me donne un coup de coude dans le flanc.

— Sur 4... Renchérit Sarah.

Je secoue la tête, exaspérée.

Et encore, c'est pas assez... Je devrais peut-être demander à le changer...

Je finis par rire avec elles.

Sur le chemin du retour, je reçois un message d'un numéro que je ne connais pas :

« Quel modèle ? »

Les battements de mon cœur s'accélèrent brusquement et mon bas-ventre se réveille soudain, se tordant d'une agréable façon.

Je réponds :

« Qui est-ce ? »

En fait, j'ai ma petite idée. Le téléphone vibre dans ma main :

« Tu sais qui je suis. »

C'est vrai.

Je balais la rue du regard, certaine qu'il m'épie en ce moment même. Ne voyant ni moto, ni silhouette suspecte, je retourne à son message :

« Comment tu as eu mon numéro ? »

Je tente de détourner la conversation, trop embarrassée pour répondre à sa question indiscrète.

« Comment est ton nouveau jouet ? »

Peine perdue, il veut sa réponse. Qu'est-ce que je croyais ? Un semblant de colère apparaît, agacée d'avoir été prise la main dans le sac.

« Ça ne te regarde pas ! »

« Cette bite en plastique ressemble à la mienne ?»

Je lis son message les yeux ronds, les joues écarlates.

« Je n'en sais rien ! »

Kheliss m'interpelle

— À qui tu parles ?

Je me tourne vers elle et son regard est autant malicieux qu'interrogateur.

Je reçois un autre message.

« Sale petite menteuse »

Ce n'est pas totalement un mensonge. Techniquement, je n'ai toujours qu'entraperçu la forme de son sexe, rien de bien détaillé.

Mon téléphone vibre, à nouveau.

«Je peux t'aider à retrouver la mémoire, si tu veux »

Je retiens un cri. Est-ce qu'il sait que je l'ai regardé se toucher ?

Impossible.

Après tout, j'ai plusieurs fois eu l'occasion d'en avoir un petit aperçu...

— Hum, je parle à ma mère. Je réponds à Kheliss.

Je balaie l'information d'un mouvement de main et retourne à ma conversation quand mon téléphone vibre une nouvelle fois :

« Elle est grosse ? »

Encore un :

« Elle est grande ? »

Puis un autre :

« Est-ce qu'elle te remplirait mieux que moi ? »

Je fixe les messages et les regarde défiler, impuissante, tandis qu'un mélange d'excitation et de malaise grandit en moi. Bientôt, je ne pourrai plus faire mine que tout va bien quand on aura l'impression que je me suis pissée dessus.

Il faut que je rentre.

Je salue les filles dans la précipitation, prétextant un appel urgent avec ma mère, et me dépêche de rentrer chez moi.

***

Le lendemain, je rentre des cours exténués. Je n'ai pris aucune notes, et me sens subitement coupable d'avoir pensé à lui toute la journée, de l'avoir fantasmé alors que certains étudiants - étudiantes - pleuraient la mort de Nate dans les couloirs de la fac. Je me suis sentie méchante. Vicieuse. Perverse. Coupable.

Saliver sur un éventuel meurtrier, je n'aurais jamais cru ça de moi. Je me surprends à penser au sextoy que j'ai rangé dans le tiroir de ma table de chevet.

En allumant le séjour, je sursaute.

Il se lève de mon canapé lorsqu'il m'aperçoit. Et bien que sa présence me fasse oublier tout ce qui se passe autour de moi, elle me rappelle aussi qu'un étudiant est décédé en sa présence... Les mots s'échappent de mes lèvres sans que je ne puisse les retenir :

— Tu l'as tué ?

UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant