Chap 5: Maudites feuilles (Sandra, ses amis et Tom)

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L'inspecteur raccroche après son coup de fil, une équipe va arriver d'ici deux bonnes heures sur place. Génial, il fait déjà nuit, on ne voit plus rien à la ronde. Heureusement qu'il a tout prévu, il sort une lampe torche de sa poche et l'allume, ce sera déjà mieux ainsi. Sauf qu'il y a un autre problème...

« -Putain les enfants, où sont-ils ? »

Il regarde partout autour de lui mais rien, personne. Juste lui dans les abymes, vraiment une journée merveilleuse. Il nous appelle et commence à chercher en allant un peu partout, le souci, il fait nuit et c'est immense ici, des hectares et des hectares. Il se lance dans un marathon dans les bois alors qu'il entend des policiers non loin de là, armés de leur torche et de leur courage parce qu'il en faut clairement pour s'aventurer ici-bas, eux aussi on prit le train pour l'Enfer, bon voyage les amis...

On se réunit contre un tronc d'arbre, gelés et apeurés, Lizzie commence même à pleurer dans la foulée, nos nerfs explosent et s'éparpillent dans la pénombre. On prend nos téléphones pour nous éclairer mais pas de réseau, on ne peut contacter personne, on ne peut compter que sur nous-même. Et ça, c'est carrément flippant.

« -J'en étais sûr qu'on aurait dû ne pas y aller, on aurait dû rester en maths, bordel ! dit Matthieu, à bout.

-J'avoue ! Pourquoi on s'est aventurés ici ? Maintenant on va crever ici, comme des chiens ! répond Lizzie, à fleur de peau.

-Woo on se calme les gars, ce n'est pas comme ça qu'on va y arriver, au contraire donc on se calme ! dit Andrew, la sagesse du groupe.

-Se calmer ? Tu te fous de nous ? On est paumé dans des bois en pleine nuit, il faudrait qu'on reste calme ? répond Lizzie.

-...Désolée, c'est de ma faute, c'est moi qui vous ai embarqué là-dedans, maintenant on va mourir ici... dis-je, désespérée et coupable.

-Sandra, ce n'est rien, on a voulu venir aussi... répond Andrew.

-Non, je vous ai forcé la main, pardon... »

Ambiance chaotique au beau milieu de nulle part. Moral : ne sécher jamais les cours et aller en maths, c'est un conseil que je vous donne.

On s'assoit par terre et on attend inlassablement la venue de quelqu'un, un signe, quelque chose. Soudainement, on entend des pas lourds, proches de nous mais on ne voit rien, la vue est de moins en moins dégagée malgré la lumière de nos téléphones.

« -C'est quoi ça ?? demande Matthieu.

-Ce n'est rien, juste un animal... dit Andrew, peu convaincu de sa réponse.

-Non non ce n'est pas un animal... inspecteur ? » dis-je, hésitante.

Silence en guise de réponse. Cool, trop cool. Les pas continuent de se faire entendre, craquement de feuilles. Putain je n'en peux plus de ces feuilles, ça me donne le tournis à force, maudites feuilles... Soit on est tous paranos ce qui est probable vu la situation soit c'est anormal et que notre vie ne tient que à un fil, je préférerais donc être folle et ne pas avoir à faire à autre chose qui sorte de mon imagination.

Tom continue de marcher, toujours en train de nous chercher, franchement il aurait autre chose à foutre ces derniers jours que de chercher une bande de dégénérés comme nous mais il le fait, il s'y accroche. Hors de questions d'un autre drame, d'une autre malédiction. Ses hommes arrivent enfin à le rejoindre, soulagements pour tout le monde.

« -Inspecteur, bonté divine ! Alors qu'avez-vous trouvé ? demanda un flic.

-Rien de spécial à part une feuille en sang, j'attends l'équipe scientifique pour les analyser.

-Vous pouvez nous montrer ça ? »

Il hoche la tête et conduit toute la troupe au tas de feuilles en question, il oriente sa lampe de poche vers le sol et à sa grande surprise, plus rien. Plus aucunes feuilles, disparues. Il ouvre grand les yeux, il était pourtant sûr de les avoir trouvées ici.

« Je... elles étaient là, il y a quelques minutes »

Et pourtant, plus rien, envolées dans une danse sans fin, les maudites feuilles. Il secoue la tête, il n'est quand même pas taré à ce point, hein ? Ou il déraille complétement ? Il se redresse et tend son téléphone à ses associés, heureusement qu'il a pris des photos des feuilles en preuves, comme quoi il a encore toute sa tête.

« -Regardez, j'ai trouvé ça ! Elles étaient là, je vous jure ! »

Malgré la photo, beaucoup n'y croit pas. Etrange, vraiment. Comment elles avaient disparu en si peu de temps ? C'est techniquement impossible. A croire que Tom est bon pour l'hôpital psychiatrique, à moitié schizophrène avec un cerveau rouillé et disloqué, jamais de la vie ! Plutôt crever que de finir dans un tel endroit, il préfère nettement finir ses jours dans cette forêt peu rassurante et glacée.

L'inspecteur s'agite et regarde autour de lui, d'abord les gamins et ensuite ces maudites feuilles. Il n'a pas rêvé quand même !

« -Inspecteur, vous allez bien ? Vous semblez préoccupé... demanda un policier de son équipe sans calculer réellement le risque de cette question.

-Franchement, vous croyez que ça va, là ? J'ai l'air d'aller bien, sérieux ? Vous avez vu ma gueule ? Je n'ai pas dormi de la nuit, on a un gamin disparu depuis plusieurs jours et des gamins que je ne retrouve plus dans cette forêt alors je vous passe de vos questions à la con, ça m'arrangerait !

-Des gamins que vous ne retrouvez plus ?

-Oui ! Putain, je vous ai dit d'arrêter avec vos questions, mêlez-vous de vos affaires ! »

L'inspecteur Sarez pète un câble, littéralement. Le câble est rompu et explose à la gueule de quiconque qui s'approche. Tom se retourne et se remet en route pour éviter de nouveaux dégâts collatéraux.

Ce n'est pas la première fois que ça arrive ce genre de choses, une bombe à retardement, fragile et nerveuse. Il est réputé pour de nombreuses sorties de routes, de divagations, d'enfreindre les règles. Oui, un flic hors-la-loi, le comble. Du genre à rentrer par infraction chez quelqu'un pour les « besoins d'une enquête ». Vu que justice n'est pas rendue, il l'a fait elle-même en jouant le héros tourmenté. Ou à se balader avec son Sig Sauer dans la poche « juste au cas où ». A Paris, c'est un inspecteur renommé mais écarté depuis pas mal de temps, ça devient trop dangereux. Ecarté depuis un fameux jour où il a tout perdu. Où il aurait pu faire un carnage. Où il ne s'attendait pas à recevoir une balle en pleine tête de gros calibre, impossible de le rater, cette balle perdue s'est logée dans le creux de sa poitrine et ne le quitte plus, ça bloque l'hémorragie au moins.

Mais ça ne va pas tarder à se rouvrir, à ce qu'une brèche se forme et que le sang émane doucement de son cœur. Et seulement, là, alors, ce sera vraiment le début de l'Enfer...

Un village trop tranquilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant