Un village trop tranquille

Chapitre 6: Les festivités en masse (Sandra, ses amis et Tom)

Nous n'avons pas bougé, nous sommes toujours regroupés, tétanisés et perdus, complétement. Le froid ronge nos os, voilà comment on va mourir. Ici, au milieu de nulle part, tout ça parce qu'on a séché les maths. Une belle fin pourrie. Et si Will a fait pareil ? Je veux dire, qu'il s'est aventuré dans un bois et n'a pas plus s'en sortir ? Le jeu du chat et de la souris.

« -Je suis tellement désolée, tellement... Comme d'habitude, j'ai fait n'importe quoi...dis-je alors que mes larmes commencent à couler.

-Arrête Sandra de raisonner comme ça, on t'a suivi, on est aussi fautifs que toi... puis on va s'en sortir, pas vrai ? répond Andrew en grand sage.

-Là c'est mal barré en plus il y a d'étranges bruits, ça craint... je ne veux pas mourir aussi jeune ! »

Andrew me prend dans ses bras pour me rassurer, me dire que tout va bien et qu'on va sortir de ce merdier, quoi qu'il en coute. Le plus important, c'est de rester soudé et ne pas paniquer. On se serre l'un contre l'autre avec Matthieu et Lizzie qui sont exactement dans le même état, terrorisés par la tournure des festivités.

Tom avance en essayant de voir aux alentours mais le brouillard brouille sa vue, ambiance mortifère. Lampe torche et arme de service, ça fait bon ménage. Il serre de plus en plus son arme dans sa main comme si sa vie en dépendait, quelque chose se trame dans l'ombre, son instinct lui dicte que les ténèbres ne sont là, encore quelques mètres, encore un petit effort avant le bouquet final.

« -Les enfants, vous m'entendez ??? »

Que dalle. Ce silence est à en devenir fou. Tant pis, il continue quand même à l'aveuglette. Il ne permettrait pas qu'un nouveau drame arrive, qui plus est par sa faute. Génial la responsabilité. Il a connu trop de drames, ça suffit, il faut stopper la machine infernale une bonne fois pour toutes. Stopper les familles en deuil, les cris, les larmes, les visites à la morgue. Stop, on met fin au jeu. On débranche la manette et on la fracasse au sol. Si seulement, on n'est pas dans un jeu vidéo mais dans la réalité.

Il finit par entendre des pas s'approchant de lui, de plus en plus proche. Automatiquement, Tom resserre son arme. Il sent que ça s'approche de lui, qu'on lui tourne autour, qu'on le nargue.

« -S'il y a quelqu'un, je vous conseille de reculer ou je tire ! »

En réponse, les pas inconnus s'intensifient comme une menace grondante et défiant l'autorité. Tom se retourne en entendant des pas plus distincts. Il pointe son arme mais à sa grande surprise, ce n'est pas ce qu'il pense, c'est juste un cerf qui passe par là, un animal majestueux qui lui a foutu une sacrée frayeur, lui qui s'imaginait déjà le pire.

« -Putain, j'ai eu peur... faut que je me ressaisisse, ça ne va vraiment plus... »

Il soupire de soulagement et reprend sa route, prudent et sur ses gardes. Comme à l'armée, quels souvenirs lointains. Le Tom d'aujourd'hui a bien changé, tous ses espoirs se sont envolés, il est devenu une autre personne, un autre homme. Jeune, il croyait encore à l'humanité, qu'il y avait quelque chose à faire. Maintenant après 30 ans à la Crim', les choses sont bien différentes, c'était une autre époque. La belle époque.

Alors qu'il marche de nouveau, des pas résonnent encore et encore, non loin de lui. Ne deviens pas fou, Tom. Reste avec nous et ça ira.

Pendant ce temps-là, l'attente est une sentence, j'ai l'impression d'attendre mon jugement, ma mise à mort. J'ai froid, je tremble, je pleure, je suis crevée, je n'en peux plus, je regrette tellement et amèrement. Quelle conne. On est tous pareils, aussi accablés et angoissés. La nuit est si obscure, si peu accueillante, si effrayante. On est au cœur de la peur, au cœur de cette forêt jonché d'obstacles et de mystères. La peur est humaine, je suis humaine, nous sommes humains. Je flippe carrément pour mon avenir, les prochaines minutes à venir vont être décisives.