Chapitre 19

13 4 2
                                    

Soudain, une voix retentit de l'intérieur de la maison. C'est Oda qui rentre. Quand Théodora regarde à nouveau vers la fenêtre, l'homme a disparu.

« C'était sûrement mon imagination, se dit-elle en posant l'arrosoir à coté du dernier pot de fleurs, Oda me prendrait pour une folle si je lui disait qu'un homme se trouve... »

Quand elle relève la tête, Théodora voit que la fenêtre n'appartient pas au premier étage et encore moins au rez-de-chaussée.

« Y-a-t-il un autre étage ? Peut-être un grenier ? Mais ce n'est pas logique, il n'y a pas d'escaliers au premier étage. »

_ Oh bonjour, Théodora, dit Oda en venant dans le jardin, j'ai vu ce que vous avez fait au premier étage. C'est parfait, je savais que j'avais bien fait de vous avoir embauchée. Oh, le monde qu'il y avait au marché ce matin, ce n'était pas croyable, j'ai dû me perdre dans la cohue au moins une bonne dizaine de fois, dit-elle en souriant.

Mais sa nouvelle employée est toujours dans ses pensées et Oda semble le remarquer.

_ Théodora ? Vous allez bien ?, s'inquiète la vieille femme.

La jeune femme se ressaisit et adresse un sourire à sa patronne.

_ Oui oui, tout va bien. Veuillez m'excuser, j'étais perdue dans mes pensées.

_ ce n'est pas un problème, très cher, rêver n'est pas un crime, lui répond-elle en lui faisant un clin d'œil, mais à présent je vous suggère de continuer le ménage à l'intérieur de la maison, le froid est vraiment désagréable.

Théodora hoche la tête et rentre avec Oda, qui referme la double-porte derrière elle.

_ À présent, j'aimerai que vous passiez un autre coup de balayette dans le salon, juste derrière vous, en face de la salle de bal. Cela fait longtemps que nous n'avons reçu personne et il a besoin d'être dépoussiéré. Et vu sa taille, vous en aurez jusqu'à midi. Là vous vous arrêterez et vous mangerez avec nous.

Surprise, la jeune femme se tourne vivement vers Oda.

_ Avec vous ? Mais je ne suis qu'une domestique, je.. je n'en ai pas le droit.

_ Je sais que vous êtes habituée à obéir à certaines conditions et votre réaction est parfaitement normale mais je ne vais tout de même pas vous laisser manger toute seule dans la cuisine, je n'ai pas d'autres domestiques et rappelez-vous, je traite les domestiques comme s'ils étaient de la famille. J'espère que vous aimez le lapin aux herbes, parvient à entendre Théodora alors qu'Oda se dirige vers la cuisine.

_ Oui, répond la jeune femme assez fort pour que sa patronne l'entende. Cela fait bien longtemps qu'elle n'avait pas mangé de viande et même si elle n'avait pas encore adopté l'idée de manger avec son employeur, elle a a hâte d'en goûter à nouveau.

Mais durant tout le temps qu'elle a dépoussiéré la salon, ses pensées se sont sans cesse redirigés vers cet homme qu'elle a vu à la fenêtre. Si triste et si beau.

Même dans ses rêves les plus fous, Théodora n'aurait jamais pensé que son premier jour de travail serait aussi extraordinaire. Après avoir mangé un délicieux lapin aux herbes et une bonne tarte au citron, Oda lui a demandé de passer un coup de propre à la salle de bal. A la fin, le sol rutilait et la grand-mère en était très heureuse.

Alors qu'elle repart chez elle, à dix-huit heures, les lanternes des saules et les réverbères sont allumés. De plus, elle a apprit que le lapin est une femelle naine appelée Ashes et le petit écureuil, un petit mâle qui a pour nom Irish. La première appartient à Danielle et le second à Oda. Celle-ci lui a dit qu'elle les trouvés, blessés, dans la campagne irlandaise, vide de toute civilisation humaine et après les avoir soignés, ils l'ont plus jamais lâchés sauf un peu Ash pour venir dans les bras de sa petite fille, qu'elle a tout de suite adorée. La jeune employée les a croisés à plusieurs reprises et a même remarqué d'autres particularités sur ces animaux: Ash saute parfois de n'importe où pour s'écraser au sol et Irish, il se déplace parfois tellement vite que Théodora n'a pas le temps de le voir, mais sinon, ils sont aussi adorables que leurs maîtresses.

À présent, elle marche dans les rues de Londres pour arriver aux quartiers de Darkbird puis jusqu'à Penniless Street. Animées par la vie nocturne, celles-ci sont même encore plus belles avec les décorations de Noël. Dans ses bras, Théodora porte les restes du lapin et de la tarte au citron qu'Oda lui a donné. Elle lui a même dit que chaque soir, elle lui donnera assez à manger pour ses filles et elle-même le soir. Au début, la jeune femme a refusé cette marque de générosité à laquelle elle n'a jamais eu droit depuis que Ronald est décédé, mais, Oda a insisté suivi par Danielle et Théodora l'a finalement acceptée, ne voulant pas leur manquer de respect, ni les blesser. Mais quand elle pense aux sourires que ses filles vont afficher, cela lui réchauffe le cœur.

« Qu'est-ce que je ne ferais pas pour elles. Elles sont les raisons qui poussent mon cœur à continuer à battre. »

Tout d'un coup, au moment où elle pense à son cœur, ses pensées reviennent vers ce bel et mélancolique inconnu. Durant le reste de la journée, elle n'a pas entendu un autre de ses soupirs, si cela vient vraiment de lui et surtout, elle n'a pas osé en parler à Oda et encore moins à Danielle. Elle ne voudraient pas leur faire peur, qu'elles croient qu'elle est une illuminée. D'ailleurs, elle n'est même pas sure que cela soit réelle, et si elle avait tout imaginée ? Trouver ce travail est une occasion qui ne se présente qu'une seule fois dans la vie, voire pas du tout. Au moins, elle n'a pas été assez idiote pour refuser et elle ne compte pas tout perdre à cause d'un inconnu qui n'existe peut-être même pas, aussi charmant soit-il. Mais au fond d'elle, un certain espoir persiste.

« J'espère que je n'ai pas rêvé. »

Elle ignore si c'est pour prouver qu'elle n'est pas folle ou le fait qu'elle voudrait le rencontrer en personne. Si bien sûr, il existe vraiment.


La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle HouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant