La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle House

Chapitre 24

L'aube se lève sur la capitale et quand Big Ben sonne sept heures, Londres se réveille dans la brume du matin. Les premiers et doux rayons du soleil traverse la fenêtre et Théodora sort doucement de son sommeil. Près d'elle, Elizabeth tient ses deux jeunes sœurs dans ses bras et les serrent le plus possible contre elle, comme si elle veut les protéger des terreurs de la nuit. Ne voulant pas les réveiller, la jeune mère se lève et s'habille vite avant de quitter l'appartement sans faire un bruit. Tout l'immeuble est encore endormi, un silence de cimetière règne autour d'elle. Quand elle sort dehors, le froid la saisit immédiatement par ses os et sa peau. Elle commence à marcher et ses mouvements réchauffent son corps petit à petit. Pour une fois, elle ne prête intention ni à la température, ni à la misère autour d'elle. Ces derniers ont été les plus incroyables de sa vie et elle ne veut plus penser aux horreurs du quotidien, c'est la première fois que même les rues lugubres du Londres matinal lui semble pleines de vie, plus belles et plus douces. Les gens commencent à sortir de chez eux et les routes gagnent en présence humaine. Greenwich Market se trouve à environ une demi-heure d'ici. Une promenade solitaire ne lui ferait pas de mal.

Au fur et à mesure qu'elle avance, le soleil d'hiver apparaît dans le ciel et les nuages ont une teinte plus claire.

Théodora ne tarde pas à arriver à Greenwich Market malgré le froid qui pèse sur ses épaules. L'entrée du grand marché se distingue par son arc de pierre sur ses deux piliers, comme coincée entre deux murs. Les gens vont et viennent autour d'elle et elle choisie de se noyer dans la foule. Tout le monde achète, marchande et vends de tous les cotés. Les marchés ne sont pas des stands mais sont encore au rez-de-chaussée des maisons qui forment l'allée où marche en ce moment Théodora. Ici, tout le monde se retrouve, la jeune femme croise autant d'hommes et femmes habillées élégamment que leurs homologues en haillons. Que ce soit des commerces d'épicerie, des boutiques d'habillage, des librairies ou des barbiers que l'on reconnaît par leur poteaux roulants en rayures bleues, blanches et rouges. La nostalgie gagne peu à peu la jeune femme.

« Ronald aimait beaucoup aller chez le barbier. Il disait qu'il n'y avait rien de plus excitant que d'avoir une lame sur la gorge et de savoir qu'au moindre faux pas, volontaire ou non, la vie s'arrêterait. »Théodora trouvait toujours son mari un peu fou et c'est une des choses qui faisaient qu'ils étaient meilleurs amis. Tandis que l'une avait les pieds sur terre, l'autre rêvait et était plus téméraire que deux personnes réunis. Il est vrai que malgré qu'elle était une fille sage, cela ne l'a pas empêcher de faire les quatre cent coups avec lui, quand c'était encore le temps de l'insouciance. Elle se rappelle la fois où ils se promenaient ici justement, à Greenwich Market. Ils se promenaient sagement dans l'allée lorsque Ronald fut prise d'une soudaine fringale. Malin qu'il était, il savait comment s'emparer d'une chose qu'il désirait et qu'il ne pouvait s'offrir mais cela ne faisait pas de lui un mauvais bougre: il donnait toujours une part de son butin à la petite fille qu'elle était. C'était pratiquement comme une règle chez lui et aussi une façon de s'excuser à ces yeux pour le larcin qu'il vient de commettre, sachant que ça pouvait la mettre dans l'embarras. Et elle trouvait toujours la force de lui pardonner mais elle ne comprenait pas pourquoi risquer de se faire incendier pour une futile pomme d'amour, alors qu'ils étaient interdit d'en manger.

La jeune mère sourit à cette pensée alors qu'elle entre dans la petite épicerie de Sandy's Shelves.

Une forme insolite attire son intention: une boîte métallique de guimauves recouvertes de chocolat de la marque Little Pink Sins, dont le logo est le titre est dans un cadre blanc décoré de points bruns.

A cette vue, son dernier souvenir avec Ronald à Greenwich Market se précise.