La jeune femme ne sait même où poser les yeux tant il y a des choses à regarder. D'un coté, elle voit ce qui ressemble à des boutiques et de l'autre, une fée agite ses ailes avant de s'élever dans les airs! Elle recule sous la surprise et sent Danielle qui lui tire un peu la main.
_ Je vous l'avais bien dit! C'est beau n'est-ce pas?
_ C'est magnifique, dit Théodora, presque inaudible.
_ Vous voulez une petite visite?, demande Oda.
« J'espère que ce n'est pas un rêve. Mais si s'en est un, je ne veux pas en sortir maintenant. »
Théodora est encore en train de déglutir devant cette vision irréelle et ses yeux ne cessent de cligner.
« C'est pas possible... incroyable ! Les fées existent ? »
_ A...Avec plaisir, nous...nous commençons par où, bégaye-t-elle encore sous le choc.
_ Par ceci, dit la grand-mère en désignant du regard une des boutiques devant elle.
Celle-ci est baignée par le soleil et la devanture est assez peu commune: une grosse dent sur chaque coté sur un bleu ciel, avec quelque chose d'écrit que Théodora ne comprends pas. Elle tente de le déchiffrer dans sa tête, son effort est si poussé que ses sourcils semblent s'abaisser jusqu'à son nez.
_ Vous ne parlez pas français, n'est-ce pas?, demande Oda amusée.
_ Malheureusement non, qu'est-ce qui est écrit ?
_ « Les dents fraîches de Francine », entrons, vous comprendrez mieux.
Elles passent toutes les trois la porte, et ce que voit la jeune mère lui en baisser sa mâchoire.
« Des dents, il y en a partout. Vraiment partout. »
En effet, sur une vingtaine d'étagères, plus d'une centaine de dents sont présentées individuellement. Même en vitrine, certaines sont même posées sur des présentoirs comme des pâtisseries de luxe. Deux jeunes femmes, enfin deux fées, l'une rousse affiche un grand sourire alors qu'elle s'occupe de la caisse et l'autre, brune ébène, semble s'ennuyer à conseiller les clients.
_ Elles vendent des dents ?, demande incrédule la jeune femme.
_ Oui, allez jetez un coup d'œil, n'hésitez pas.
Théodora lâche les mains de ses compagnes pour aller dans le rayon juste devant elle. Les dents y sont tout bonnement parfaites, blanches et brillantes comme neuves. Elle sent la présence d'Oda et de Danielle derrière elle. Mais un détail retient son intention.
« Elles sont toutes petites, on dirait des dents d'enfants. »
Une étiquette est attachée au bord de l'étagère. Quand elle la lit, l'esprit de Théodora est encore plus perplexe, avec d'ailleurs une pointe de peur.
Georges Harris, 8 ans
AE, EB
560 libellules
Comme si elle l'avait senti, Oda pose sa main dans le dos de Théodora, alors que celle-ci se redresse rapidement.
_ Ce sont des dents d'enfants?, demande la jeune mère, tremblante.
_ Oui mais je vous rassure, ce n'est pas ce que vous pensez. Ce sont les dents que les enfants perdent quand ils grandissent, vous savez ce que c'est comme vous avez vos filles.
L'esprit de Théodora semble s'illuminer.
_ Ce sont...elles?, dit la jeune femme en montrant les fées rousse et brune.
_ Oh non, pas du tout, répond Oda en riant, elles sont des vendeuses, c'est tout. Comme vous l'avez déjà compris, il n'y pas une mais plusieurs fées des dents que l'on appelle ici les Fournisseuses. Elles prennent la dent sous l'oreiller et viennent directement les déposer dans les magasins prévus à cette effet, ce sont les dentiéries.
_ Pourquoi les fées ont-elles besoin des dents?
Oda sourit légèrement avant de continuer son explication.
_ Et bien, il y a une chose que les humains ignorent sur les fées. C'est que celles-ci sont friandes de sucre et on en retrouve partout chez elles. Le résultat, vous devez le connaître, elles ont alors beaucoup de caries et leurs dents tombent. Elles utilisent alors celles des enfants pour les remplacer.
_ Mais comment elles font pour les mettre?
_ Elles les posent c'est tout, le corps féerique n'est pas comme celui d'un humain. La première chose, c'est que les fées et les féetauds ne souffrent pas. La seule arme qui peut leur être fatale, c'est d'utiliser des larmes de souffrance et il y a pire, celles d'un enfant. La deuxième chose c'est qu'ils ne mangent pas de viande, ils mangent uniquement des fruits, des légumes et surtout, ce qu'il y a en rapport avec des fleurs. Et enfin la dernière chose à retenir, c'est qu'ils sont aussi friands de sucre au point que leurs dents viennent à tomber. C'est pour ça qu'ils prennent alors ceux des enfants.
_ Oh, je n'avais jamais vu les fées de cette façon.
_ Ils sont très surprenants, vous verrez mais c'est un peuple très chaleureux.
_ Mais pourquoi est-ce écrit en français ici?
_ Et bien, vous voyez, les fées des dents ne se trouvent pas partout, notamment dans les pays francophones. C'est la petite souris qui s'occupe des dents des enfants, comme elle.
Oda désigne le comptoir où se trouve les deux fées mais une autre s'est ajoutée au duo. Elle porte une longue robe blanche avec un tablier gris. De dos, Théodora voit qu'elle a une chevelure mi-longue châtain mais ce qui la différencie des autres, ce sont ses deux grandes oreilles rondes et grises. Et quand celle-ci se retourne, elle peut voir des moustaches blanches au niveau de son nez.
_ C'est une fée française alors?, demande la jeune femme.
_ Une Fournisseuse française précisément. Sinon, les autres fées sont comme les vendeuses ici-présentes. Et comme en grande partie, cette boutique commerce avec les fournisseuses françaises, il a été choisi de prendre la langue de Molière. C'est ce qu'on appelle le CDOM.
_ Le CDOM ?
_ Le Commerce Dentaire d'Outre-Manche.
_ Oh je vois.
_ J'ai soif grand-mère, on peut y aller?, demande Danielle, trépignante d'impatience.
_ Oui ma chérie, allons-y.
Les trois femmes sortent de la dentiérie pour revenir dans la foule. Les passants portent les mêmes tenues qu'elle connaît mais d'autres semblent plus anciennes. Comme si elles appartenaient à un autre temps.
« On dirait des tenues médiévales. »
_ En effet, il faut savoir que la période médiévale a été la plus propice pour le peuple féerique. Les humains les aimaient et la religion chrétienne les laissaient tranquille. C'est à ce moment-là que sont arrivés les Marraines.
_ Les bonnes fées-marraines, comme dans les contes?
_ C'est cela. La plupart du temps, ce sont elles qui choisissent l'enfant qu'elles veulent protéger mais c'est souvent aussi le choix des parents. Leur mission est de protéger l'enfant, l'aider dans ses choix le long de sa vie, le réconforter quand il a le cœur brisé et aussi quand l'enfant en manifeste le souhait, faire la même chose pour ses descendants. Il est courant qu'une seule famille ai la même Marraine pendant plusieurs générations.
_ Plusieurs générations? Les fées sont immortelles?
_ Au point de vue des humains, on peut dire que cinq mille ans, c'est une éternité, lui sourit Oda.
« Cinq mille ans, pense Théodora en essayant d'intégrer cette information, cinq mille ans. »
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La Veuve et le Pianiste Tome 1, Bluewaffle House
FantasyDans le Londres victorien, la veuve Théodora et ses trois filles vivent dans un des quartiers les plus pauvres de la capitale. De plus, à l'approche de Noël, la jeune femme perd son travail suite à un coup monté. Mais un étrange hasard l'amène à Blu...