🦋Chapitre 30 : Morpho didius

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La journée a été aussi merdique que les précédentes et, comme chaque soir, je me prépare mentalement à rentrer en enfer. Qu'est-ce qu'il va faire cette fois ? Que vais-je devoir faire pour plier à ses exigences ?

Je me suis même disputée avec Reeze à propos de mon père. Il n'arrête pas de me répéter que je suis aveugle, que mon père ne changera jamais. Il m'énerve ! Il ne comprend rien ! Il ne peut pas comprendre ! Papa est juste dans une mauvaise passe, il faut juste qu'il se reprenne.

Soudainement, la porte d'entrée s'ouvre devant moi. Mon géniteur me fait face, les yeux rouge écarlate, vêtu de son pyjama d'il y a une semaine. Presque par instinct, je ferme les yeux, prête à recevoir le premier coup qui ne vient pas.

— Qu'attends-tu dehors ? Entre, c'est aussi chez toi. Depuis quand attends-tu que je t'ouvre ?

Il se détourne pour aller s'installer sur son éternel canapé. Je rentre sans un mot, dépose mes baskets à l'entrée et avance jusqu'au salon. Personne n'y est. Où est-il ?

— À table, Vacío. Résonne une voix trop près de moi.

Je sursaute, plaquant mes bras devant mon visage tout en me tournant pour lui faire face. Rien ne vient alors je baisse les bras, méfiante.

Il tient deux cuillères dans sa main. Que va-t-il me trouver à faire pour s'amuser ? Il fait demi-tour pour rejoindre la table et poser les couverts entre nos verres et assiettes. Mon cœur tambourine dans mes oreilles lorsque mes yeux observent ce qu'il a préparé. La table est mise pour que l'on puisse dîner : du pain, une casserole remplie de pâtes, et une bouteille de soda. Il ne l'a plus fait depuis des années. Il s'assoit à son ancienne place, alors je fais de même, prudente.

— Comment s'est passée ta journée ?

Dois-je lui répondre ? Son regard plonge dans le mien et je n'ose pas l'ignorer. Ils sont aussi noirs que son âme.

— O-oui, su-super. Et la tienne ?

Un voile encore plus sombre s'abat dans ses pupilles, mais il n'en montre rien, attrapant la casserole pour me servir.

— Comment va ta brûlure ? Tu aurais dû faire attention et rattraper la casserole hier. Tu es vraiment maladroite.

Instinctivement, je lève ma main jusqu'à ma brûlure fraîche sur la nuque. Il m'a balancé la poêle à la tête lorsqu'il pensait que je voulais lui brûler la bouche avec la nourriture, mais je vais le laisser embellir la vérité, parce que c'est sûrement ce qu'il croit s'être passé. Je n'ai pas vécu ce moment de la même façon et mon père a toujours raison.

Une pression sur mon poignet me ramène à lui. Il vient d'attraper mon poignet pour y glisser un grand couteau.

— Putain, Vacío, fais un putain d'effort et concentre-toi ! Je t'ai dit de me couper du pain.

Il finit par me lâcher et mon bras reste en suspens dans l'air. Que dois-je couper ? Je cherche des yeux et tombe sur le pain. Je l'attrape et lui en coupe une tranche. Une fois fait, je goûte ses pâtes. Beaucoup trop salées, une grimace déforme mes traits sans que je ne puisse la retenir. Ce ne sont pas des pâtes au sel, mais du sel aux pâtes à ce stade !

— Qu'est-ce qui te fait grimacer, sale petite conne ?! Je vais t'apprendre à respecter mes plats !

Une sonnerie retentit dans la pièce, me réveillant en sursaut. Je suis dans ma nouvelle chambre et, Dieu merci, j'ai été réveillée avant que ce souvenir ne se ternisse. C'est le téléphone de Reeze qui sonne sur la table basse. Reeze qui n'est plus dans mon lit, et la place est froide.

Eclat d'espoir : Le combat pour l'espoir, jusqu'à la dernière pageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant