Un village trop tranquille

Chapitre 11: Joyeux Noël en avance! (Tom et la bande du 36)

Tom se retrouve dans un appartement moderne, sombre et silencieux. Il se retourne, aucun numéro sur la porte derrière lui. Et pourtant, ça lui semble parfaitement normal parce que cet endroit lui est familier, intime. Il allume la lumière : face à lui un petit couloir qui mène jusqu'à un immense salon avec des baies vitrées, panorama sur Paris enneigé. Sur la commode dans l'entrée, un calendrier : 24 décembre. Il suit le corridor et ses yeux se figent sur la terrasse devant lui, ce n'est pas la neige qui le surprend, c'est la découverte de l'Enfer même, sous ses yeux, à quelques mètres devant lui, une simple couche de verre en travers sa route.

L'inspecteur met sa tête sur ses mains et hurle de toutes ses tripes, de tout son cœur, de toute son âme, jamais il n'avait crié aussi fort, les larmes coulant automatiquement ensuite. Tom se précipite sur le balcon de l'appartement, il est déjà trop tard, il n'y a plus rien à faire, c'est foutu, tout est foutu, fichu. Les flocons s'égrènent et disparaissent. Le sang coule lentement sur le béton de la terrasse. La vision de l'horreur, la pire vision horrifique.

Pendant ce temps-là, les deux hommes quittent la maison du couple Beller, l'entrevue s'était terminée de manière plus calme, les parents ont fini par accepter de transporter la dépouille jusqu'à Paris afin d'opérer à davantage d'analyses pour en apprendre plus sur les circonstances de ce meurtre affreux, entre feuilles et sang. Ils saluent le couple et partent dans la nuit froide et austère.

« -Tom ? Tom ? Putain il est passé où ?

-Peut être au commissariat, il ne nous a pas attendus... suppose Nicolas.

-À mon avis, je ne pense pas vu dans lequel état il se trouve... »

Pas faux. L'inspecteur en chef a totalement raison. Pourtant Tom est le mec le plus dévoué au monde dans son boulot mais pas à cet instant précis, il est dans l'incapacité de faire quoi que ce soit de correct, son esprit lui joue des tours dans la pénombre. Les deux hommes cherchent leur coéquipier en parcourant les ruelles vides et sans vie du village tranquille, tout le monde dort à cette heure-ci, volets fermés. Sauf quelques courageux qui tiennent encore debout, comme eux.

Ils gueulent le nom de Tom dans les rues alors que la Lune guide leur pas pour éviter de se perdre dans la noirceur indélébile qui ne veut pas partir. Visiblement, Tom n'est pas là. Du moins il n'est plus là. Il est complètement ailleurs, dans une autre dimension, leur camarade plonge inlassablement dans le Styx, sa peau est couverte d'ecchymoses et il suffoque à petit feu.

Soudainement, Nicolas entend des cris perçants, provenant de l'auberge dans le village. Pas de doute. C'est Tom. Il le sent, il en est persuadé que c'est son pote qui s'égosille la voix, c'est comme s'il l'entendait mourir comme un vieux chien. Horrible comme son. Alors il se précipite sans tarder vers la porte de l'auberge.

« Nicolas, attends-moi, putain ! »

L'inspecteur en chef le suit, juste derrière. Nicolas rentre le premier en un éclair, il monte tout aussi vite les marches, essoufflé, le cœur à deux doigts de lâcher lors de ce sprint digne d'un marathon. Les cris continuent, si bien qu'ils sont à deux doigts de fendre les murs de l'auberge. C'est carrément flippant d'entendre ça. Des gens sont attroupés devant la chambre 213. Nicolas se fraye un passage parmi tout le monde. La porte est verrouillée de l'intérieur, impossible d'ouvrir.

« Tom ! C'est moi Nico ! Ouvre la porte, je ne te veux pas de mal, je veux juste t'aider ! »

Tambourinements contre la porte. Acharnement. Et pourtant ça n'y fait rien, Tom est plongé au cœur d'une impasse, pour lui, on est le 24 décembre, des années auparavant, dans son appartement parisien. On part de loin autrement dit. Une crise qui confond cauchemar et réalité. En même temps, depuis quelques temps, la réalité est devenue un cauchemar permanent, grandissant. C'est difficile de ne pas se perdre entre cette frontière invisible. Maintenant, Tom a clairement franchi la frontière et ça va être compliqué de le ramener.