A la rescousse

La vieille maison semblait ne pas avoir vu âme qui vive depuis des années. Les quelques meubles restés là avaient accumulé une couche de poussière plus qu’indécente. Pourtant, les quelques fins filets de soleil qui parvenaient à passer au travers des vieux volets en bois lui donnait presque des airs de sanctuaire. Mais ce n’en était pas un et son dernier propriétaire croyait, que comme toute maison laissée à l’abandon, un jour ou l’autre quelqu’un finirait par tomber sous le « charme » des lieux. Mais ça, c’était il y a cent ans... 

Et puis, arriva Bob. Simple employé de bureau. Il n’avait pas les moyens de se payer une demeure toute neuve et s’était dit qu’avec beaucoup d’huile de coude et de temps, il pourrait faire de cet endroit son nid douillet.

Il s’était endetté pour plusieurs dizaines d’années pour cette bicoque, qu’il n’avait même pas visité, mais dont l’aspect extérieur l’avait charmé, et son imagination avait fait le reste.

Une semaine de congés en poche, il allait enfin pouvoir en découvrir l’intérieur et commencer à évaluer les travaux à entreprendre. Il sorti sa clé et, tremblant un peu, enfonça le massif objet en acier dans la serrure. Première satisfaction, la porte s’ouvrit très facilement. Et Bob ne fut pas déçu de ce qu’il allait découvrir ! Tout était exactement comme il l’avait imaginé : une maisonnette que n’aurait pas reniée Gepetto. Avec ses nombreux meubles en bois massif et cette cheminée, voilà qui laissait augurer de belles soirées au coin du feu.

S’extasier, c’est bien joli, mais il fallait maintenant se mettre au travail en commençant par un grand nettoyage. Bob ne ménagea pas sa peine toute la journée, si bien qu’alors que le soleil se couchait, la pièce du bas n’avait certes pas l’allure d’un palace, mais était devenue bien plus accueillante. Il se dit alors qu’il ferait de même le lendemain avec la chambre à l’étage et la salle de bain. Mais avant de partir, il tenait absolument, alors même que l’obscurité commençait à envahir les lieux, à ramoner un peu cette vieille, mais néanmoins belle, cheminée. Il avait prévu tout le nécessaire et bien étudié la marche à suivre. C’est donc d’un geste assuré qu’il enfonça son bâton de ramoneur dans l’antre de la cheminée et commença à faire un mouvement de bas en haut. Ca ne dura pas très longtemps car il se retrouva rapidement bloqué. Quelque chose semblait avoir obstrué le passage. Bien qu’un peu éreinté par cette longue journée, il ne voulait pas remettre au lendemain et insista de plus en plus. Et son obstination finit par payer puisque d’un coup, la chose qui l’empêchait d’avancer sembla se briser. Il retira son bâton et tout un tas de morceaux de verre ressemblant à des vitraux vinrent s’étaler par terre. Bob, étonné, se demanda bien comment des choses aussi fragiles avaient pu lui offrir autant de résistance.

Il ne put étaler sa réflexion bien longtemps car un bruit sourd se faisait maintenant entendre et qui semblait venir du conduit dont il venait de libérer l’accès. Prudent, il recula de quelques pas alors que le son lourd se rapprochait de plus en plus. Arriva alors un grand boum accompagné d’un énorme nuage de suie qui recouvrit tout dans la pièce. 

« Bon sang…, dit Bob en toussotant, me voilà condamné à tout recommencer ».

Alors que le nuage se dissipait peu à peu, il commença à distinguer ce qui semblait bien ressembler à une forme humaine. « Ce n’est pas possible, il ne pouvait pas y avoir quelqu’un de coincé dans ma cheminée ! » se lamenta-t-il.

Et pourtant, l’imposante forme, complètement couverte de suie et donc presque totalement noire, se mit elle aussi à toussoter d’une grosse voix.

« Excusez-moi… Mais que faisiez-vous dans ma cheminée Monsieur ? » Demanda Bob.

« Mais enfin, ça me paraît pour le moins évident… tousse, tousse » lui répondit le bonhomme.

« Évident ? Pour vous peut-être. Quoi qu’il en soit, vous avez l’air de n’avoir rien de cassé. Je vais vous laisser vous remettre de vos émotions et ensuite, il faudra rentrer chez vous Monsieur ».