Lorsque je ne suis pas en déplacement pour le travail, je fais des choses banales comme errer dans des centres commerciaux, juste pour me sentir normale. Bien que mon programme varie peu. Je vais courir, je vais à la salle de sport. C'est mon équilibre.
Je reçois mes missions sur mon téléphone via un fichier crypté à durée déterminée avant qu'il ne s'efface. Photo, date, heure, lieu, mode. La mission accomplie je reçois mon paiement en Bitcoins. C'est aussi simple que ça, aucune trace. Le tarif varie selon le client, la cible, les demandes particulières comme faire passer la mort pour un accident ou laisser un message, la difficulté à s'en approcher. J'ai un certain nombre de victimes à mon actif et comme je ne dépense rien, n'ayant besoin de rien, mon compte en banque est plutôt bien garni.
Comment est évaluée la mort de quelqu'un ? Je n'en sais rien. Je ne touche certainement qu'un pourcentage. Mes employeurs encaissent forcément bien plus, ce sont les affaires après tout. Je ne compte pas faire cela toute ma vie, un jour j'arrêterai. Récemment j'ai commencé à m'interroger. Des choses me parviennent, rien qui ne m'empêche de dormir. Je cherche sur internet pour identifier ce que c'est, mais une chose est sûre, ce ne sont pas des remords. Ceux que je tue le méritent, ce ne sont pas des gens biens. Comme je n'en suis pas non plus, quoique, sans me dédouaner, mes bonnes actions équilibrent le poids de mon âme sur la balance du jugement final, du moins je le pense.
Le jour où j'aurais des remords sera celui où je disparaîtrai du métier.
Ma nouvelle mission s'avérera payante, je dois éliminer toutes les personnes lors d'une réunion dans l'arrière-salle d'un restaurant, le montant payé est forfaitaire, 2 500 000. Le mode importe peu, tant qu'il ne reste personne en vie. Absolument personne.
Personnellement, ça ne me dérange pas. C'est un job comme un autre. Certains ramassent les poubelles pour nettoyer les rues, je fais pareil, je nettoie les rues.
Prévenant Sam que je pars sur la route, je lui laisse les clés de ma voiture et en loue une pour mon déplacement. Bien qu'elle refuse, j'insiste pour qu'elle la prenne pour rentrer le soir et qu'elle dorme chez moi, par sécurité. J'ai fait disparaître tout ce qui pourrait sembler étrange, comme mes armes, mes caméras filmant son appartement sont cachées dans une ouverture dans une cloison, un meuble cachant le tout. Sam est touchée, et devant mon insistance, accepte.
« Ce n'est pas une évolution dans notre relation », lui expliquais-je, « mais ça se fait entre amies, non ? Je n'ai jamais eu de copine qui soit restée dormir à la maison. »
Sam ne me contredit pas, me regarde en souriant.
« Normalement, tu devrais être présente aussi, pour dire que je suis restée dormir chez toi. C'est le principe de la soirée pyjama.
— Ahhhh. Soirée pyjama. On en fera une, tu m'expliqueras, d'accord ?
— Merci Tess », dit-elle en m'enlaçant, « avec tous tes défauts tu es rafraîchissante. »
Elle me fait du bien cette fille, pensais-je en fermant les yeux un instant, la serrant contre moi.
Je surveille le restaurant depuis bientôt dix heures. Quelque chose n'est pas normal. Je repère des ouvriers qui sont soit payés à l'heure vu qu'ils ne font pas grand-chose, soit ce sont des flics déguisés, voire le FBI même. Une femme passe avec sa poussette aux demi-heures. Un homme en costume, installé sur un banc lit son journal. Soit il est dislexique soit l'article est vraiment intéressant car il lit la même page de journal depuis plus d'une heure. Un couple fait des selfies et je me demande s'il y a encore de la place sur la carte mémoire de leur téléphone, au nombre de photographies qu'ils ont prises dans la dernière heure.
Tiens, revoilà la poussette.
L'endroit est sérieusement surveillé. Je me déplace, invisible, jusqu'à repérer le camion qui leur sert de poste de commandement. Une porte bouge légèrement dans un magasin aux vitrines recouvertes de papier brun. Le bout du canon d'une arme maintient un écart entre les deux portes.
Les renforts sont cachés ici.
Me déplaçant à nouveau, je me dirige vers l'arrière du restaurant, et le quai de livraison. Là aussi, des ouvriers sont autour d'une bouche d'égoût.
Je dois éliminer mes cibles ce soir. Heureusement pour moi, ils n'ont pas arrêté les livraisons au restaurant, et il n'y a aucune surveillance en hauteur, juste au ras de la rue. Quand je vois un camion reculer, je saisis ma seule chance, sautant comme un chat du toit du restaurant à celui du camion. J'attends à nouveau mon moment pour entrer discrètement dans le restaurant et j'attends mon heure. Quand les hommes dont j'ai reçu les photographies seront sur place, je ferai le ménage. J'en profite pour explorer les lieux, chercher une cachette ou une porte de sortie. N'en trouvant pas, je connais déjà mon option. Trouvant mon bonheur dans les paniers de linge sale, je me déguise, récupère quelques couteaux, un sourire satisfait lorsque j'éprouve le fil des lames avec le pouce. On peut toujours compter sur les cuisiniers pour avoir des couteaux bien aiguisés, mais ils n'ont aucun équilibre. Si je devais les lancer, avec l'énergie nécessaire, ils seraient quand même utiles.
Quelques futures victimes arrivent, l'une d'elles passe la tête dans la porte de la cuisine alors que je suis en train de couper des carottes et de les verser dans un chaudron, puis faisant de même avec des poireaux. Je ne suis qu'une employée, je suis invisible à ses yeux. Je fais semblant de ne pas le voir, et je continue de couper des légumes, épluchant des pommes de terre. La tête disparaît. L'heure tourne, j'entends du bruit dans la salle, je m'avance discrètement, et, repérant mes cibles principales, je retourne sur ma table pour essuyer mes couteaux, et les glisser dans mon dos. Je débloque la sécurité des deux glocks que j'ai récupéré sur les hommes qui avaient sonné à la porte un peu plus tôt, éliminés dès que je refermais derrière eux.
Glock en main, j'entre d'un seul coup en salle, tirant partout. Une balle par personne, tête ou ventre, afin d'être crédible pour mon alibi. Plaçant une arme dans la main d'un des hommes que j'ai tué un peu plus tôt, et me tirant dans le flanc, ne me causant qu'une blessure superficielle, puis continuant de tirer.
Tandis que le FBI force la porte d'entrée, je donne un violent coup de tête sur la table en inox, m'assommant à moitié. Je suis à genoux, agrippée à la table quand des agents arrivent dans la cuisine. Un agent plein de compassion m'assure que tout va bien aller. Je pleure, je geins et m'agrippe à sa main. Il m'assure que je ne vais pas mourir, et appelle les secours, remarquant le sang sur ma hanche. J'étais au mauvais endroit au mauvais moment. Victime collatérale d'un règlement de compte. Mes collègues cuisiniers, barman et serveurs n'ayant pas eu la même chance.
Je ferme les yeux un instant, l'entendant me demander de rester éveillé, mais je ne l'écoute pas. Reposant mes yeux un instant. C'est l'ambulance qui me réveille. J'attends qu'ils s'occupent un peu de ma blessure pour reprendre des forces et, une fois mon lit laissé sans surveillance pendant un simple instant dans le couloir de l'hôpital, je disparais dans la nuit. Ma blessure a été soignée. Je sais que ce n'est que superficiel, j'ai visé pour. Il ne me reste plus qu'à me changer, à m'assurer que je ne saigne plus et à rentrer chez moi.
Le carnage fait la une, et la disparition à l'hôpital du seul témoin inquiète les forces de l'ordre qui craignent que le tueur soit venu finir le travail.
Prenant un taxi qui me dépose à quelques rues, je sais que ma plaie saigne alors que je marche jusqu'à ma voiture car, par précaution je regarde régulièrement l'avant-bras que je maintiens sur ma blessure.
Merde !
Un détour s'impose.
Trouvant le nécessaire dans un petit magasin, je m'installe sur la banquette arrière de la voiture et je me sers de la caméra de mon téléphone pour constater les dégâts avant de nettoyer, désinfecter et recoudre la plaie, aussi proprement que je peux. Plus ou moins satisfaite, je presse une bande de gaze dessus avant de maintenir le tout sous une couche de ruban adhésif en toile. J'avale ensuite deux cachets d'acétaminophène avec une gorgée d'eau, pour prévenir la montée de fièvre qui ne tardera probablement pas. Éprouvant l'imperméabilité de mon pansement que je trouve confortable, je change de place et je me mets en route, tranquillement.
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Tueuse à gages
ActionTuer pour de l'argent... C'est un métier comme un autre, je suis comme les éboueurs, je nettoie les rues pour de l'argent. J'en vis bien, je n'ai pas d'états d'âmes. C'est mon travail, et je le fais bien. Sans attache, sans émotion. Ça, c'était avan...