Fall out

Chapitre 2

La fête bat son plein derrière la porte. Je stresse, je sais que je ne suis qu'une usurpatrice. Le valet dont je ne me souviens pas du prénom, m'observe. Il comptait m'annoncer, mais je l'ai retenu, à présent il attend que je sois prête à faire mon entrée. Il ne fait aucun commentaire. De toute façon que pourrait-il dire à la princesse ? Si j'avais été moi-même, il se serait empressé de me balancer dans la pièce sans prendre la peine de m'annoncer. Ce soir, on me regarde différemment. Je n'avais plus voulu jouer à ce jeu avec Ombeline depuis nos 6 ans et pour une bonne raison...

— Votre Altesse ?

Je le regarde et hoche finalement la tête. Il ouvre les deux grandes portes et clame haut et fort :

— Son Altesse Royale, la princesse Ombeline Clothilde de Lacroix d'Abrela.

Tous les yeux se tournent vers moi. J'aurais dû réfléchir à cette attention avant d'accepter, mais je voulais lui faire plaisir, comme d'habitude, et l'idée d'échanger nos rôles m'excitait... Ce n'est plus du tout le cas. Je me force à sourire. Je crains qu'ils ne reconnaissent pas le sourire de la princesse, qu'ils se questionnent. Ils sont tous trop loin pour observer mes yeux, avec mon loup doré sur le visage j'espère que personne n'y prêtera attention et surtout pas les personnes connaissant bien Ombeline. Je descends les quelques marches qui mènent à la salle de bal. Elle est si vaste que j'en vois à peine le bout une fois en bas. Le parquet a été ciré pour l'occasion et brille. Le lustre au milieu reluit, des milliers de bougies l'éclairent et les diamants réfléchissent cette lumière dans tous les sens. J'ai rarement l'occasion de participer à un bal en tant qu'invité et je pénètre rarement dans cette pièce. Je m'émerveille dès que je viens dans la salle de bal. Quand on voit le château et notamment la merveille qu'il représente, il est impossible de se dire que l'apocalypse a eu lieu il y a déjà 350 ans.

Avec ce bal, la famille royale lance les festivités pour la saison. Le temps s'est déjà réchauffé et tous les nobles reviennent au château de Requiem pour cette occasion. Abrela est magnifique en été, peu importe où l'on se trouve, mais Requiem a quelque chose de différent, quelque chose de magique qui donne envie de s'enivrer des odeurs de verdures, d'accueillir le soleil sur sa peau et de profiter des jardins du château ou des parcs de la ville.

Je déambule dans la salle en forçant mon sourire, j'essaie d'imiter au mieux Ombeline qui est un vrai rayon de soleil, quelque peu égocentrique... Dans mes souvenirs, je n'ai jamais été aussi souriante que la princesse. A peine quelques minutes et j'ai déjà mal aux joues, je ne comprends pas comment elle fait. Je me retrouve face à une table ou des coupes de champagne sont installées en pyramide. Je vérifie que personne ne me regarde et je détends enfin mes joues. Quelqu'un me touche légèrement le bras, je me retourne vers l'idiot qui a osé toucher la princesse. Je suis sur le point de lancer un commentaire cinglant comme l'aurait fait Ombeline, mais il me prend de court.

— Putain, qu'est-ce que tu fais là ?

— Fait attention à ton langage Esteban. Tu parles à la princesse.

— Bien sûr, tu penses que je n'arriverais pas à reconnaître ma sœur jumelle. C'est une très mauvaise idée que vous avez eue. Où est-elle ?

— À un rendez-vous. Mon frère lève ses yeux verts au plafond. Il sait que la princesse est une incorrigible aguicheuse. Et elle t'a demandé de prendre sa place à un bal masqué. C'est tout elle. Tu ne devais pas voir Bazan ce soir ?