CHAPITRE 34 - SKYLAR

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Le connard !

Il vient de me laisser en plan, débraillée, le cul à l'air, pour aller poursuivre je ne sais qui.

Je l'appelle, en vain. Plusieurs regards se tournent vers moi et je me recroqueville mentalement sur moi-même, prise de honte, les joues toujours en feu. J'ai la désagréable sensation que tout le monde sait ce que nous nous apprêtions à faire - et que j'ai un trou béant entre les jambes.

Je cours me cacher dans les toilettes pour femmes et m'enferme dans une cabine pour retirer mon collant complètement foutu et le balancer à la poubelle. Par reflexe, je tire la chasse avant de sortir, et croise le regard d'une femme qui se recoiffe devant le miroir au-dessus des éviers. Je fais mine de me laver les mains en tentant de paraître le plus normal possible et pas sexuellement frustrée.

Une fois seule, je m'appuie sur le rebord d'un lavabo et essaie de reprendre mes esprits. Je m'asperge le visage et la nuque d'eau fraîche et, lorsqu'enfin l'excitation semble s'être atténuée – et je pèse mes mots – je me sens prête à rejoindre Sarah et Kheliss à notre table.

Lorsqu'elles me voient approcher, elles ont toutes les deux la mine sombre d'interrogations. Je pince les lèvres et essaie de paraître détendue.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?!

— Où sont passés tes collants ? Me demande Kheliss.

— Quoi ?

Je fais la sourde oreille, alors que toutes deux fixent mes jambes nues d'un œil suspicieux.

— Vous vous êtes disputé ? Me questionne Sarah.

— Ton pote, il est parti en courant.

Je n'avais pas remarqué que j'étais aussi crispée jusqu'à ce que je sente mes épaules se détendre d'un coup. Je secoue la tête.

— Non. Il avait un truc urgent à faire, à ce qui paraît.

Je hausse des épaules. Je jette un regard à mes affaires éparpillées et me mords la lèvre.

— En fait, moi aussi je dois y aller.

Les filles s'insurgent presque.

— T'es sûre ?

— On n'a même pas terminé !

C'est nul de ma part de les abandonner en plein travail de groupe. Mais je n'ai plus de collant, ma culotte est mouillée, je suis frustrée, je suis affamée, et Delko me rejoindra bientôt ; il faut que je rentre. Kheliss semble capter mon regard démuni et m'offre un maigre sourire.

— Ok. On se refait ça une prochaine fois.

Je commence à ramasser mes affaires.

— C'est promis.

Je les embrasse de loin et sort du café aussi vite que la fait Delko quelques minutes plus tôt.

En direction de ma voiture, je jette des regards alentour en espérant le repérer quelque part. Sa moto est toujours là, stationnée devant la vitrine. Mais il semble avoir disparu.

Je fronce des sourcils.

Je sens le froid de novembre saisir violemment la peau découverte de mes cuisses, maintenant que mes collants gisent dans la poubelle. Je m'engouffre dans ma voiture et ma culotte souillée me fait grimacer.

Rapidement je démarre pour aller retrouver la chaleur salvatrice de mon appartement.

***

L'eau chaude paraît brûlante sur ma peau gelée, mais elle détend les muscles que le froid – et l'excitation – ont crispé. Je me nettoie de mes sécrétions, le clitoris encore sensible par la simple lecture de ses messages, dans les toilettes du café, mais j'arrive à l'ignorer. Je soupire d'aise en fermant les yeux, et un sourire niais étire mes lèvres lorsque l'image de Delko – et de tout ce qu'il me fait vivre depuis ces quelques semaines – s'imprime sous mes paupières.

Mon sourire s'évanouit quand j'en prends conscience.

Comment en est-on arrivé là ?

Et quel avenir pour... nous ?

Des interrogations se bousculent dans ma tête et, en vérité, elles m'angoissent.

Notre « relation » n'est pas ordinaire. Elle n'était même pas voulue. Loin d'être saine. Elle s'est faite d'une manière... Je ne saurais même pas nous qualifier.

Qui sommes-nous, l'un pour l'autre ?

Des connaissances ? des amis ? Un flirt ?

Je soupire. Je n'ai jamais su ce qu'il voulait de moi, à vrai dire. Pourquoi est-il apparu dans ma vie ? Comment ai-je laissé ça continuer, après tout ce qu'il s'est passé - ce qu'il a fait ?

On dit que toutes les personnes que l'on rencontre nous sont destinées, écrites quelque part, bien avant l'apparition de l'univers. Qu'ils nous servent de leçons ou de guides lorsqu'ils ne sont que de passage, ou qu'ils ne sont que les parties de soi dont on manquerait, lorsqu'ils sont là pour durer.

Il est arrivé comme un démon, me tourmentant jour et nuit, pour devenir un sorte d'ange gardien à la morale douteuse. Celui qui me protège, me... venge, en tuant.

Quelles leçons ? Quelles parties de moi, dans tout ça ?

Les visages de ceux qui ont fait les frais de sa folie s'imposent dans mon esprit, à cette pensée. Je ferme les yeux et secoue la tête pour les chasser.

Pour une raison qui m'échappe, mon cœur se serre à l'idée qu'il ne puisse être que de passage. Et je me déteste pour ça. Je me deteste de penser que ce qui est arrivé à ces hommes qui s'en sont pris à moi, était mérité. Sans que je n'ai aucune considération pour ces vies humaines violemment arrachées. Et je me deteste d'autant plus d'avoir aimé ça... Je ne voulais pas me l'avouer, parce que ça signifiait l'accepter définitivement dans ma vie, lui et ses dérives. Je voulais continuer à avoir peur, pour me conforter dans l'idée que rien de tout ça n'était normal et que j'étais assez lucide pour m'en rendre compte. Mais, aujourd'hui... Delko ne me fait plus peur. Plus autant qu'avant, du moins. Plus depuis que j'ai compris qu'il ne me voulait aucun mal.

A moins que ce ne soit qu'une façade ? A moins qu'un homme aussi dangereux et imprévisible que lui, se retourne un jour contre moi ?

Mais, il m'attire, alors même que ses traits et que sa voix me sont inconnus.

Tant de changement, tant d'imprévu, tant de vie perdue, pour n'être qu'un court instant de la mienne... Je ne peux pas l'accepter. J'aimerais que nous mettions des mots sur notre « relation ».

Tout est parti d'une bousculade devant une épicerie de nuit. Que lui est-il passé par la tête, à ce moment-là ? Un coup de foudre ?

Je lève les yeux au ciel face à cette déduction.

Ça suffit.

Je m'apprête à fermer les robinets lorsque j'entends une porte claquer. Je me fige en tendant l'oreille, malgré l'eau qui couvre habituellement le moindre petit bruit de mon appartement.

Est-ce lui ?

L'idée qu'il pourrait me rejoindre ne m'effleure pas l'esprit un seul instant. Pourtant, la porte de ma salle de bain ne reste pas fermée très longtemps. Le courant d'air frais qui s'ensuit, et contraste avec la vapeur chaude de ma douche, me fait violemment frissonner. Je l'entends qui se débarrasse de ses chaussures, de ses vêtements qu'il laisse tomber sur le sol dans un froissement de tissu, et je tressaille en le sentant pousser le rideau de douche pour se glisser dans mon dos.

Nu. A découvert. Sans masque.

Mon coeur pulse dans ma poitrine à une allure folle lorsque je le réalise. Il est là, lui, tout entier, à portée de main et quelques degrés derrière moi.

Instinctivement, je tente de me retourner.

UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant