CHAPITRE 36 - SKYLAR

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Je ne peux plus m'arrêter de lire ce message en boucle, la gorge sèche et la sensation d'avoir une tonne dans l'estomac.

C'est quoi ce bordel ?

Je lis le nom du profil Facebook pour la énième fois, n'en croyant pas mes yeux : ALEC GARCIA.

Ma langue est pâteuse lorsque je relis la première phrase de son message dans un souffle court :

« Bonjour Skylar. C'est papa »

Ça fait bien longtemps que ce mot ne fait plus partie de mon vocabulaire.

Mon cœur tonne violemment dans ma poitrine en pensant à tout ce que ce simple message implique.

Je tourne en rond dans ma chambre en me rongeant les sangs.

Est-ce que je devrais prévenir ma mère ?

Elle ne serait pas contente de le savoir en contact avec moi. Je ne l'ai plus revu depuis qu'il est parti, lorsque j'étais enfant.

Et si c'était juste une vaste blague ? Une plaisanterie d'une vieille connaissance ?

Ce serait si cruel.

Pourtant, ce nom est bien le sien.

Garcia.

J'ai pris celui de ma mère lorsqu'il est parti, mais j'ai déjà porté ce nom, un jour... C'est officiel, je reconnais ses traits déformés par le temps, aujourd'hui, lorsque je fouille sa page Facebook. J'ai vu ce visage, dans une version plus jeune, un nombre incalculable de fois sur les rares photos de lui que ma mère a gardé dans des albums souvenirs. Je me trouvais sur chacune d'elles ; elle n'a pas eu le courage de les jeter.

Tant mieux.

Il y a une époque, je les regardais sans cesse, pour ne pas oublier que j'ai eu un père, un jour. Je jalousais les enfants à l'école, quand leur papa venait les chercher après la classe.

Mes yeux s'embuent de larmes que je contrôle pas lorsque je parcours son profil.

Il n'y a pas grand-chose, hormis une photo de lui devant un barbecue, et une sorte de photo de famille. Une femme. Un bébé. Un petit garçon.

Il a refait sa vie.

C'est normal. Évident.

Alors, je ne comprends pas ce brutal pincement au cœur, que je ressens.

Excepté ces photos, je n'y trouve rien d'autre. Pas d'adresse, pas de numéro, pas de partage de publications... Son compte est très récent ; quelques semaines, tout au plus.

Le doute m'assaille.

Je me demande même s'il s'agit réellement de lui.

Pourquoi revenir ? Pourquoi maintenant ? Après tout ce temps ?

Sait-il que je suis ici, aux États-Unis, à Chicago ?

Je sais qu'il est originaire du Mexique, de par ses parents – mes grands-parents, donc –, et que je le suis moi-même de par son sang. Mais c'est d'ici qu'il vient ; Chicago. Il y est né et y a vécu toute sa vie avant de rencontrer ma mère lors de son voyage d'étude aux Etats-Unis, et de venir s'installer en France avec elle.

Et si ma mère lui avait dit que j'étais ici ?

Impossible.

Pour une raison qui m'échappe, me savoir en contact avec lui, lui hérisserait les poils. Elle le déteste et ne s'en est jamais caché. J'imagine que tous les exs ne peuvent plus se voir en peinture, après un divorce.

Je pince les lèvres et décide de ne pas répondre. Peut-être que si je l'ignore, il m'oubliera et disparaîtra.

Encore une fois.

Je verrouille mon téléphone dans un soupir tremblant et le balance sur mon lit, avant d'ouvrir mes placards. Je m'habille distraitement d'un jean et d'un pull fin, perdu dans mes pensées. Je garde ma serviette pour me sécher les cheveux en attendant que Delko sorte de la douche.

Je mourrais de faim il y a quelques minutes, mais ce message m'a coupé l'appétit. Mais, même après avoir pris la décision de l'oublier, il hante mon esprit et pique ma curiosité. Je ne peux m'empêcher de une charger une page Google en tapant son nom dans la barre de recherche.

Il n'y a pas grand-chose.

Je tombe évidemment sur le lien de son profil Facebook, des photos que j'ai déjà vues sur sa page, et une autre, plus officielle : c'est un portrait de lui lorsqu'il devait avoir une trentaine d'année, peut-être moins. Il est dans son uniforme de la U.S Army, et pose devant un drapeau américain, en arrière-plan, un sourire fière plaqué sur le visage.

Sans que je ne m'y attende, je sens ma gorge se nouer et je referme instantanément mon ordinateur en faisant claquer l'écran de panique, de colère, d'incompréhension et que sais-je encore...

Au même moment, mon téléphone vibre. Je l'attrape en pensant qu'il s'agit peut-être de ma mère, de Sarah ou de Khéliss.

Mais c'est un message Facebook :

« Peut-on se rencontrer ? »

***

J'ai cessé d'écouter le cours depuis que le professeur a ouvert la bouche.

Ce n'est pas comme ça que je vais réussir mon année...

Au lieu de quoi, je m'amuse à écrire distraitement son nom dans mon carnet de notes.

Delko.

Je l'encercle de petits cœurs rouges ridiculement puérils. Et lorsque j'ai terminé, je recommence. Au bout d'une heure de cours, j'ai quasiment recouvert une page entière. Un coup de coude me sort de ma torpeur. Je tourne la tête. Kheliss m'épie d'un drôle d'air en tentant de regarder ce que je note dans mon carnet depuis tout à l'heure. Je perds mon sourire – un sourire niais dont je n'avais même pas réalisé la présence – et ferme la page. Elle se renfrogne et je fais semblant de m'intéresser au cours.

***

Après les cours, les filles m'ont proposé d'aller en ville boire un verre. Mais j'ai refusé, préférant avancer sur notre travail de groupe pour me faire pardonner de les avoir abandonnées, au café.

Comme la bibliothèque est exceptionnellement fermée cette semaine pour travaux et aménagement, je me suis réfugiée dans un amphi, profitant de leur fermeture à vingt-trois heures.

Je m'installe sur un siège en hauteur, ouvre mon ordinateur et place mes écouteurs dans mes oreilles. La musique stimule mon cerveau et m'aide à travailler lorsque je suis seule.

Au bout d'une heure ou deux, j'ai réussi à nous avancer de quelques pages. Par habitude, j'enregistre le document et l'envoie par mail à Kheliss et Sarah pour qu'elles jettent un coup d'œil à notre avancé.

J'étire mon dos et mes bras avec un sourire satisfait. Je fais accidentellement craquer une vertèbre et grimace. Des frissons de dégoût me parcourent l'échine au son des os qui craquent, et redressent les poils sur ma nuque.

Beurk.

Je m'apprête à me remettre au travail, lorsque l'amphi plonge brusquement dans le noir.  Je sursaute de surprise en retirant un écouteur à la hâte, et abaisse l'écran de mon ordinateur. Je regarde autour de moi à la recherche d'un interrupteur, mais mes yeux ont du mal à s'habituer à l'obscurité soudaine.

Je vérifie l'heure sur l'écran de mon téléphone.

22h00.

Je fronce des sourcils.

La fac est censée être encore ouverte...

J'active la fonctionnalité lampe torche et commence à descendre les escaliers à pas de loup, en direction des interrupteurs.

***

Le père de Skylar fait son retour dans sa nouvelle vie d'adulte...
Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Et il semblerait qu'elle soit restée travailler jusqu'à l'heure de la fermeture !!!
Ou pas...

UNKNOWN : LE STALKER [SOUS CONTRAT CHEZ BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant