🟢 Alexandre Fournier #0

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Il devrait y avoir un signe distinctif quand on est destiné à devenir un héros. Je sais pas, par exemple une couleur de cheveux atypique, un prénom cool, des yeux verrons... Un truc qui fasse écho, pour qu'on se dise immédiatement "Ah, lui, c'est sûr qu'il va tous nous sauver."

Bon, sans que ça soit évident dès la naissance, sinon t'imagine l'enfance de merde ? "C'est la fin du monde, Daëron vient viiite !!! Ah, non, excuse-moi, c'était juste un orage. Bon, maintenant que tu es là, est-ce que tu peux me tuer cette araignée ? Et me masser les pieds ?" Et ceci, et cela. Sans parler des filles qui te courent après, la jalousie des gens normaux ou tout simplement la pression constante que tu as sur les épaules. L'enfer, quoi !

Non, ce qu'il faudrait, c'est un équilibre entre un peu de banalité (pour qu'on nous fiche la paix) et un peu d'originalité (pour qu'on soit un minimum crédible dans notre job de sauveur du monde). Parce que franchement, quand on s'appelle Alexandre, qu'on est petit et maigrichon, qu'on a le physique le plus banal au monde (sauf des oreilles décollées et les incisives trop longues) et qu'on nous annonce soudain qu'on va devoir sauver la planète, les gens qui y vivent et au passage, régler la faim dans le monde... Bah, ça fait tout drôle !

- Vous vous fichez de moi ? Ce n'est pas amusant du tout ! C'est quoi votre problème à la fin ?! Votre père vous battait quand vous étiez môme et vous vous vengez en pourrissant l'existence de dizaines de gamins, c'est ça ? Laissez-moi vivre, bordel.

D'un geste résigné, je sors mon carnet de correspondance avant qu'on me le demande et je le pose sur le bureau poussiéreux de mon très détestable professeur de maths. Je vais probablement être collé un mois entier et me faire virer du collège pour une semaine (et ce n'est pas Monsieur Sevestre qui va se gêner, croyez-moi), mais je m'en fiche.

Ce prof dépasse sérieusement les bornes, il est haï par tous les élèves à juste titre et il semble particulièrement occupé à faire de ma vie un enfer. Aujourd'hui, c'est la fois de trop et je craque. Mais sérieusement, comment voulez-vous rester calme quand un prof (celui qui passe ses journées à vous insulter en plus) déclare soudainement à la fin de son cours :

- Je ne vais pas m'étendre plus longtemps, tu es probablement le morveux le plus insupportable de tous les mollusques visqueux qui pullulent au Collège Victor Hugo, mais tu as été choisi par le Consulat pour devenir un Grand Mage. J'attends donc de toi une discipline de fer, un engagement personnel et une motivation sans faille. Des questions ?

Non mais c'est vrai, quoi ! Pour qui il se prend, au juste ? Il a avalé une moule pas fraîche au déjeuner ou quelque chose comme ça parce qu'on ne me l'avait jamais faite celle-là !

Félicitation Monsieur le Sadique, vous venez de faire preuve d'une inventivité jamais vu. 

- Tu commences très mal, à ce que je vois... Pas très étonnant venant de ta part, mais j'avais imaginé que tu ferai au moins semblant. Trop d'espoir, apparemment.

Ah, merde. J'ai oublié de préciser : il m'arrive parfois de penser tellement fort que je parle à voix haute. Une plaie, je vous assure. 

- Tu ne me laisses pas le choix... Regarde bien ce que je vais te montrer, je ne recommencerai pas juste parce que tu as la concentration d'un cornichon, alors ne cligne pas des yeux.

Et là, alors que je commençais sérieusement à m'énerver, un bruit sourd interrompt mes pensées et les bizarreries défilent sous mes yeux ébahis : une table lévite, un chaton apparaît de nulle part, de la pluie tombe à l'intérieur de la salle de classe, des voix surgissent de partout, un fantôme me traverse et une flamme manque de cramer mes cheveux noirs comme l'ébène. Le tout en moins de dix secondes, flippant. 

Et une dernière pensée alors que tout redevient normal autour de moi (et que je songe de plus en plus sérieusement à consulter un psy) : c'est qui ce type ?

C'est comme ça que tout a commencé...

22.01.2015

Le Loup, sa corne et trop de caféOù les histoires vivent. Découvrez maintenant