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Bridget était en retard. Elle avait fini plus tard que prévu ce soir au café ; gentille comme elle était, elle avait dépanné Zoey pour faire la fermeture afin que la rouge puisse rejoindre Marc à son entraînement de kendo. Et la voici qui slalomait actuellement entre les passants en cette veille de réveillon de Noël.
— Pourvu qu'il m'ait attendu, s'affolait-elle en se heurtant à multiples inconnus.
Elle demandait évidemment pardon à chaque collision, sa grande politesse l'en obligeait. À force de jouer des coudes, elle réussit enfin à se rapprocher du lieu de son rendez-vous, la fontaine au centre de la grande place de la ville. La timide étudiante était morte de stress. Comment avait-elle pu céder à Zoey le jour de son premier rendez-vous avec Sardon ? Elle qui avait attendu ça avec tant d'impatience ! Mais Bridget était gentille et attentionnée, elle ne voulait jamais décevoir ses amis, alors elle avait accepté de s'occuper de la fermeture pour elle. Et la voilà maintenant qui priait pour que son béguin de la fac n'en ait pas eu assez de l'attendre sous les flocons naissants. Il avait l'habitude de venir prendre un café dans le bâtiment où Bridget travaillait tous les jours sans exception. Selon lui, les cafés du café Mew Mew étaient la meilleure chose pour commencer une journée de travail. Au début, Bridget le servait comme un client normal, n'ayant pas vraiment fait le lien entre sa présence au café et à la fac. Puis, elle avait remarqué sa présence dans plusieurs de ses cours... et avait commencé à s'intéresser à lui. Il prenait souvent la parole en cours de littérature américaine, parfois sur la vie des auteurs, parfois sur des choses plus techniques comme certains procédés littéraires des différents époques étudiées. Ce qu'on pouvait dire, c'est qu'il se passionnait vraiment pour cette matière, et qu'il travaillait énormément chez lui pour réussir. Étant elle aussi une élève exceptionnelle, Bridget comprenait non sans mal son engouement pour ses études.
— Il est encore là ! s'exclama-t-elle avec soulagement en l'apercevant en loin, scrutant son téléphone portable.
Pile à ce moment-là, elle reçut un texto de sa part. Elle s'arrêta pour reprendre son souffle et sortit son mobile de sa poche, les mains tremblantes. Peut-être voulait-il annuler maintenant ? Peut-être était-il furieux d'avoir poireauté pendant vingt minutes dans le froid ?
De : Sardon Aujourd'hui à 19h51 Tout va bien ? Je t'attends à la fontaine. J'espère que tu n'as pas changé d'avis.
La jeune femme sourit devant tant d'attention. Elle était tellement stressée en sortant du café qu'elle n'avait même pas pris le temps de le prévenir de son retard et avait directement foncé à la fontaine. Et lui gardait sa gentillesse et s'inquiétait même pour elle. Elle se sentit rougir sous le froid. Elle était tellement heureuse d'avoir été vers lui ce jour-là à la fac. Sardon était à la bibliothèque à la recherche d'un livre conseillé par leur professeur la veille. Bridget l'avait entendu demander à l'accueil s'il était encore disponible. Ce fut avec une mine désolée que la jeune bibliothécaire lui avait répondu qu'il venait d'être emprunté par une étudiante aux cheveux verts qui se trouvait justement à la table juste en face. Intrigué, Sardon s'était retourné et avait croisé le regard gêné de Bridget, qui, malgré sa timidité, lui avait adressé un léger sourire. Le jeune homme avait alors remercié la femme à l'accueil avant de se diriger vers Bridget qui s'était sentie s'empourprer au fur et à mesure qu'il approchait.
— Je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un soit plus rapide que moi pour suivre les recommandations littéraires de M. Watson, lui lança-t-il en arrivant à sa table. — Il faut dire que son dernier cours était vraiment... passionnant, balbutia-t-elle de gêne. Mais je... euh... tiens, prends-le, ajouta-t-elle en lui tendant le livre. Tu as l'air de vraiment le vouloir. — Je me sentirais vraiment mal de te l'arracher, refusa-t-il en le rapprochant d'elle, sa main sur la sienne.
Bridget s'était sentie fondre sous ce contact brûlant. La main du garçon était d'une telle chaleur qu'elle en perdit toute contenance. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque Sardon s'était assis à ses côtés.
— Et si on le lisait à deux ? proposa-t-il. Enfin... uniquement si ça ne te dérange pas. Je ne voudrais pas m'imposer. Mais on pourrait discuter de notre lecture et comparer nos interprétations de l'histoire si le cœur t'en dit ? — Oh euh... oui, avec plaisir ! avait-elle accepté avec une voix bien trop aigüe, sous le coup de l'émotion.
Et ils avaient ainsi passé leur après-midi à la bibliothèque à lire et discuter sur cet ouvrage, recevant parfois des commentaires mécontents d'autres lecteurs qui trouvaient qu'ils faisant un peu trop de bruit à leur goût. Depuis, ils avaient commencé à s'installer l'un à côté de l'autre en cours, et ils s'étaient souvent retrouvés à la bibliothèque pour étudier ou tout simplement parler de leurs lectures communes. Chaque fois qu'elle partageait des choses avec lui, Bridget se sentait tellement légère qu'elle avait l'impression qu'elle pourrait prendre son envol à la moindre brise un peu trop forte. Et la voilà maintenant qui observait de loin celui qui avait eu le courage de lui demander un rendez-vous le vingt-trois Décembre pour aller boire un chocolat chaud, ailleurs que dans le café dans lequel Bridget travaillait et où ils se voyaient tous les matins. Dire que c'était à cause de Zoey qu'il s'était lancé ... Bridget s'était cachée en cuisine lorsqu'elle avait commencé à réaliser qu'elle tombait petit à petit amoureuse de ce beau jeune homme fou de littérature. Et Zoey, curieuse qu'elle était, l'avait mise dans l'embarras en lui disant bien fort que « le garçon dont elle ne cessait de parler » était là et qu'elle devait à tout prix « prendre soin de lui ». Bridget avait rarement été aussi gênée, elle qui était pourtant d'une timidité maladive. Forcée malgré elle à faire son entrée, elle était allée prendre la commande habituelle de Sardon, qui, amusé par la situation, lui avait proposé de prendre un café ensemble un soir ailleurs qu'ici où sa collègue ne pourrait pas la mettre dans l'embarras. Et voilà comment la verte en était arrivée là. Elle était tout de même reconnaissante envers Zoey, mais elle ne lui avouerait jamais. Elle lui avait tout de même fichu la honte, et ça, elle ne l'oublierait pas. Mais il fallait avouer que sans elle, elle ne serait probablement pas là dans le froid à observer ce beau jeune homme qui l'attendait avec impatience. Elle prit donc une grande inspiration pour se donner du courage et se dirigea finalement vers lui, après avoir tapé ces quelques mots sur son téléphone :
À : Sardon Aujourd'hui à 19h53 Regarde devant toi.
Il leva la tête de son téléphone juste à temps pour croiser le sourire timide de Bridget qui se trouvait maintenant face à lui. Il lui sourit à son tour, d'un sourire franc et sincère, avant de s'avancer vers elle.
— Content que tu sois venu, dit-il avec chaleur. Je pensais que tu allais me poser un lapin pour tout te dire. — Jamais de la vie ! s'exclama-t-elle aussitôt en rougissant. J'ai dû remplacer Zoey pour la fermeture et... j'ai oublié de te prévenir. Désolée, vraiment ... J'espère que tu ne m'en veux pas trop ? — Mais non, voyons, la rassura-t-il. Je suis bien trop soulagé que tu sois là. Alors, et si on le prenait ce café ailleurs que sous les yeux de ta collègue ?
Bridget sentit son cœur se réchauffer d'une chaleur agréable. La joie qu'elle ressentait était si immense qu'elle songeait maintenant à remercier Zoey une fois rentrée de son premier rendez-vous.
— Avec joie ! accepta-t-elle dans un grand sourire.
Honnêtement, pour un premier rendez-vous, celui-ci commençait plutôt bien, non ?
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