Chapitre 4

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Je m'installe à une table au fond de la classe, près du radiateur, bien qu'il ne fasse pas froid. La place du cancre, aurait dit mon père.
Je ne le lâche pas des yeux. Il m'intrigue comme personne jusque là. Il est indifférent au monde qui l'entoure, il ne répond pas aux regards inquisiteurs qu'on lui lance, et ne lève que brièvement les yeux vers le professeur lorsque celui-ci nous parle. Il est lui aussi assis au dernier rang, mais de l'autre côté de la classe. Je le regarde. Il ne me voit pas. Il ne voit personne. Je détourne le regard quand je l'aperçois tourner la tête dans ma direction, ou plutôt dans la direction de la fenêtre, à côté de moi. On peut toujours rêver. Vicky interrompt mes pensées en un claquement de doigts, littéralement. Elle agite ses mains fraîchement manucurées et munies de griffes, pardon, de faux-ongles.

- Pauvre fille, tu n'as toujours pas compris ? Tu n'intéresses personne ici.

Je la dévisage jusqu'à ce qu'elle se retourne pour se retrouver face à sa table. Il avait fallu que cette garce choisisse la place juste devant moi ! Elle a énormément changé. Son visage d'ange, entouré de délicats cheveux blond platine a laissé place à une apparence dure, presque méchante, et à un teint à la limite du orange, faute au maquillage. Même sa longue chevelure claire a fait ses bagages, pour des cheveux bruns coupés en un petit carré. Elle est toujours aussi belle, mais d'une beauté glaçante, qui fait froid dans le dos.

- Tu n'as aucune chance avec lui, crache-t-elle tout en regardant ses ongles avec intérêt.

Je n'y songe pas vraiment, à vrai dire. Ce garçon a l'air d'être bien en étant seul dans sa bulle, il ne remarquerait pas ma présence même si nous n'étions que tous les deux dans la salle. Pourquoi m'intéresserais-je à quelqu'un qui n'a même pas connaissance de mon existence ?

- Tu penses peut-être en avoir une ?

Ma répartie la surprend car je la vois redresser sa tête, stoppant sa profonde contemplation.

- Ma chérie, pas de secrets entre toi et moi, nous savons toutes les deux que ce n'est pas de cette façon que tu te feras remarquer, alors en effet, je pense avoir plus de chances que toi.

Cette fois-ci elle se retourne totalement vers moi. Elle me détaille de la tête aux pieds en effectuant un rictus dégoûté. Au fond de moi, je ne peux m'empêcher d'être vexée. Elle avait été ma meilleure amie, un jour. Enfin je le pensais, si ce que je vois maintenant est sa véritable personnalité, alors il y a de fortes chances qu'elle ait joué la comédie durant tout ce temps. Finalement, je ne sais pas ce que je préfère, qu'elle se soit foutu de ma gueule pendant plus de 2 ans ou qu'elle se soit mise à me détester du jour au lendemain pour avoir voulu me blesser à ce point. C'est déplaisant dans les deux cas.

Après de nombreux commentaires que j'ai décidé d'ignorer, elle se rassoit convenablement.

Le cours passe lentement. J'ai l'impression que le professeur parle une éternité dans une langue qui m'est inconnue, je n'arrive pas à me concentrer. Mes pensées ne cessent de dériver vers Julian, que j'observe du coin de l'œil de temps en temps. Il n'a pas l'air plus intéressé que moi non plus. Il fait tourner son stylo dans sa main droite tout en se tenant la tête avec la gauche.

- Luciana, je vous prierai de vous concentrer un peu plus et de lâcher votre camarade du regard. C'est par ici que ça se passe.

Je sens le rouge me monter aux joues instantanément. La moitié des élèves de la classe se retourne vers moi, Victoria en faisant évidemment partie. Je crois même que Julian a daigné m'accorder un regard afin de savoir de quelle idiote le professeur parlait. Moi qui comptait me faire discrète cette année je crois bien que je commence très mal.

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