L'étreinte

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     Lové contre elle, le moment semblait léger, les battements de son coeur contre le mien rythmaient notre amour qui semblait infini, sans faille. Pourquoi en douter ? Cet instant dans le silence aurait dû se suffire à lui-même, se contenter du parfum de ses cheveux sur mon torse, de la chaleur de sa peau sur la mienne. Même l'obscurité aurait été acceptable jusqu'à cet instant où je brisai l'équilibre en demandant naïvement si elle m'aimait. Si j'avais douté de la réponse, je n'aurais pas posé la question. Le silence si paisible devint embarrassant. La lourdeur de ma question pesa sur mon coeur, et je sentis mon estomac se contracter. Elle se releva et s'assit à mes côtés, s'habilla et avant de me quitter me dit cette seule chose : tu dois me promettre que, si tu m'aimes vraiment, tu devras me le dire et me promettre de ne jamais renoncer à notre amour. J'allais parler et elle m'arrêta en posant ses lèvres sur les miennes. Ce baiser éteignit le flot de paroles inutiles qui serait sorti de ma bouche.

     Quelques jours plus tard, nous nous revîmes d'un amour charnel, les mots ne suffisaient pas à exprimer le plaisir d'être à l'autre, de s'abandonner, de se laisser partir en se donnant sans promesses. Enlacés, blottis dans la chaleur de l'autre, ma voix brisa le silence par des mots doux et caressants que je m'étais répété durant son absence. Cette fois, ces trois mots étaient pour elle, je les lui donnai pour continuer ce que mes mains avaient cesser de faire. Le plaisir fut décuplé. Ces  mots que je n'avais jamais prononcés, furent dit au creux de son oreille. Elle plongea son regard dans le mien, pénétrant mon âme, et me demanda de promettre de ne jamais y renoncer. Je promis.

    Quelques mois passèrent, je tenais ma promesse, je lui appartenais corps et âme, je lui avais donné mon corps et je lui aurais donné ma vie si elle me l'avait demandée. L'insouciance se dessinait sur mes traits, illuminé par cette ferveur que je lui vouais, tout à elle, j'entrai en religion, elle était ma reine, ma prêtresse, ma déesse. Je m'oubliais et lui consacrais mes pensées, mes caresses, mon temps, ma flamme. Mes nuits écourtées par tant d'ardeur à entretenir le brasier de notre passion, je brûlais de mille feux. Mes doigts nerveux encerclaient ses poignets, nos souffles haletaient, confondant nos respirations d'une même haleine.

    Quelques années passèrent, mes chairs émaciés ne laissaient apparaître que les os, les tendons saillants tenaient difficilement son corps plein de vie et d'amour, aspirant toute mon énergie. A bout de force, je voulus reprendre haleine, étendu sur le dos, les côtes se soulevèrent pour laisser passer l'air dans mes bronches, un râle sortit malgré moi de ma bouche grande ouverte, la bouche sèche, la langue pâteuse, elle se posa sur moi, chevauchant mon corps usé, amaigri, ses jambes glissèrent le long de mes jambes osseuses, ses hanches cambrées se posèrent sur mon bassin étroit, ses bras m'enlacèrent et glissèrent sur mes épaules noueuses, ses cheveux m'étouffèrent, sa bouche aspirant l'air de mes poumons, j'aspirais difficilement.

    J'avais promis de lui donner ma vie, je continuerai à l'aimer jusqu'à la mort prochaine. Tout mon être rempli d'amour, n'avait plus une once d'essence, vidé de toute vitalité, cette nuit sera la dernière mais j'aurai tenu ma promesse.

Terreurs nocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant