Le baiser

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Les yeux écarquillés, je scrute le visage de Gulf contre le mien, sa bouche tendre et charnue se presse contre mes lèvres. Le sang bat furieusement dans mes tempes. J'ai le souffle coupé. Je n'arrive pas à enregistrer cette information. Son geste est impensable, dangereux et suicidaire.

Je dois l'empêcher d'entrer en contact avec moi, je dois le protéger. Mais mon corps n'est plus qu'une poupée de chiffon entre ses bras. Je veux le repousser, mais mes muscles ne m'obéissent plus. Tout ce que je peux faire est de serrer les lèvres en espérant qu'il ne force pas le passage, parce que s'il le fait, je ne pourrais pas l'arrêter...

Ses lèvres glissent avec douceur, essayant de capturer ma lèvre inférieure. Je résiste, contractant la mâchoire. En prenant son temps, il redessine le contour de ma bouche, du bout des lèvres, déposant de légers baisers sur mes commissures. Ses caresses sont enivrantes. Une douce chaleur envahit mes joues et se propage dans ma poitrine. Je me sens fondre, perdu dans son odeur masculine et entêtante. Mes paupières se ferment malgré moi et sans en avoir conscience, je relâche mes muscles contractés. Aussitôt, il aspire ma lèvre et la caresse doucement de sa langue chaude et humide.

C'est tellement bon.

Mon cerveau ne répond plus, je perds la notion du temps et du monde qui nous entoure.

Peu à peu, mes réserves, mes craintes laissent place à un besoin de répondre à ce baiser. Ses lèvres m'appellent, sa langue me réclame. Je ne peux pas les ignorer.

Alors, je cède.

Mes doigts quittent ses épaules, glissent jusqu'à son cou et remontent sur sa nuque pour s'enfouir dans ses cheveux. Je m'y agrippe, enroulant ses mèches douces et soyeuses entre mes doigts. Mon corps se presse contre le sien. Je sens sa chaleur irradier dans tout mon être. Chacune de mes cellules se réchauffe et vibre à son contact.

Et enfin, je l'embrasse, réellement.

Je penche la tête pour approfondir ce baiser qui devient ardent. Je goûte enfin ses lèvres parfaites, qui m'ont attiré depuis la première fois où mes yeux les ont découvertes. Je déguste sa bouche moelleuse et brûlante qui répond avec passion à mes sollicitations sensuelles.

Je suce son essence, me délecte de sa saveur qui ravit mes papilles. Il recule légèrement pour laisser échapper un gémissement langoureux qui me fait palpiter le ventre, avant de replonger sur ma bouche qu'il dévore avec délice. Sa langue part à l'assaut de la mienne, nos salives se mélangent, créant un cocktail savoureux et mortel. Le poison qui est lié à mes fluides le pénètre et va se propager dans son organisme. Je suis en train de le tuer. Je le repousse sèchement, pour rompre ce baiser maudit.

— Pourquoi... ?

Haletant, je peine à articuler, tant l'horreur de ce qui vient de se passer me serre la gorge. Je soude nos fronts, frottant mon visage contre le sien.

— Pourquoi tu as fait ça ? je gémis, à l'agonie, en serrant le col de sa chemise entre mes doigts.

Un sourire radieux s'épanouit sur ses traits.

— Nous n'avons pas beaucoup de temps, nous devons partir.

Il dépose un baiser léger sur mes lèvres et reprend :

— J'ai fait ça pour que tu me crois.

Il me caresse doucement le visage et plonge son regard éblouissant dans le mien.

— Tu ne risques plus rien, tu n'es pas contaminé.

Je recule la tête, d'un coup sec, le scrutant, interloqué.

— Quoi ? Ce n'est pas possible...

— Fais-moi confiance, Mew. Nous ne pouvons pas rester ici plus longtemps. Je t'expliquerai tout quand nous serons en sécurité.

Il attrape mon poignet et m'entraîne à sa suite. Je ne résiste pas, abasourdi par ce qu'il vient de me dire.

C'est impossible.

J'ai été en contact direct avec le virus. Mon test était positif. Je suis contaminé. Je n'ai pas le temps d'y réfléchir plus longtemps, car nous passons la porte de la cellule de confinement et déboulons dans le couloir. J'y découvre un garde, allongé sur le sol, assommé.

— Mais ? C'est toi qui... ? bafouillé-je, consterné, en désignant l'homme évanoui.

Il ne prend pas le temps de répondre et accélère le mouvement. Je le suis, tel un pantin, en jetant des regards anxieux sur la forme avachie sur le carrelage. Je ne comprends pas ce qui se passe. Nous descendons les escaliers quatre à quatre, comme si nous étions poursuivis. Peut-être le sommes-nous ? Mais qu'avons-nous fait de mal ? En pénétrant, comme deux furies, dans le sous-sol, nous tombons nez à nez avec un vigile armé. Gulf me lâche et lève les mains en l'air. Je me hâte de l'imiter.

— Halte-là ! Que faîtes-vous ici ? hurle le garde, nous mettant en joue, l'air patibulaire.

Gulf se décale lentement pour se positionner entre le garde et moi.

— Vous ne le reconnaissez pas ? lance-t-il d'une voix calme, alors que je tremble comme une feuille.

Le garde penche la tête pour m'observer, en resserrant sa poigne sur son arme. Gulf s'approche subrepticement du gorille, pendant que celui-ci me dévisage. Soudain, ses yeux s'écarquillent d'effroi et il fait un pas en arrière, réalisant que je suis le contaminé.

Tout se passe en un éclair. Gulf se projette sur l'homme, pose ses mains sur le fusil et, d'un mouvement rotatif souple, le désarme en utilisant son élan pour frapper violemment le visage du vigile avec la crosse. Mais ce n'est pas suffisant pour le mettre K.O. Il chancelle en arrière, secouant la tête pour reprendre ses esprits, mais Gulf ne lui en laisse pas la possibilité. Il envoie, avec puissance, l'arme dans l'estomac du garde, qui se plie en deux, le souffle coupé, avant que, d'un même mouvement vif, Gulf ne relève le fusil pour lui exploser le menton. L'homme est projeté en arrière avec violence et s'écrase au sol dans un bruit sourd.

Je suis tétanisé. Gulf ne perd pas une seconde, s'empare à nouveau de ma main et me tire derrière lui, sans sommation, jetant négligemment l'arme aux pieds de l'homme inconscient. Mon cerveau ne fonctionne plus correctement. Mes oreilles bourdonnent. L'adrénaline qui court dans mes veines fait apparaître des petits points noirs devant mes yeux. Je suffoque.

Qui est-il ?

Que se passe-t-il ?

La mort à fleur de peau - MewGulfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant