28 mai 1941
Me voilà en France, à Calais. Je suis arrivée il y a une semaine avec Jessica, Mary et trois autres filles qui n'étaient pas dans les mêmes classes que moi mais qui suivaient elles aussi les cours infirmiers.
C'est Jessica qui nous a proposé de l'accompagner après avoir reçu une missive de la Croix Rouge. Ils avaient besoin de bras en renfort pour aider les soignants déjà présents qui sont débordés.
J'ai à peine eu le temps d'écrire à mes parents pour leur dire que j'allais partir et bien que j'aurais aimé avoir leur avis, je n'avais pas le temps de l'attendre, nous devions donner notre réponse à Jessica le soir-même.
Je lui ai demandé pourquoi elle m'avait choisie alors que je n'étais encore qu'une débutante.
- Vous êtes toutes les cinq de jeunes recrues. Mais vous êtes vaillantes, vous apprenez vite, vous travaillez dur et vous n'avez pas peur de mettre les mains dans le cambouis quand il le faut, a-t-elle répondu. Et de toute façon toutes les infirmières de longue date ont déjà été réquisitionnées, soit par les hôpitaux, soit pour partir à l'étranger soigner les soldats.
En résumé, il devait maintenant faire avec ce qu'ils avaient, c'est-à-dire des volontaires à peine formées qui apprendraient sur le terrain tout ce qu'elles n'avaient pas eues le temps d'apprendre en classe.
Nous sommes en zone occupée et pas les bienvenus. Cependant, un courrier spécial du Militärbefehlshaber de Bruxelles nous a permis d'accéder sans trop de problème à ce que nous pensions être un hôpital.
Nous avions toutes les cinq pensées que nous allions exercer dans un hôpital de campagne. C'est du moins ce qu'il semblait être écrit sur le papier : un ancien hôpital de campagne qui avait ensuite servi de clinique privée avant d'être transformé en une maison de soin.
Il y a bien des blessés de guerre en voie de guérison qui ont besoin de soin et d'assistance. Il y a aussi de nombreux enfants en bonne santé. Trente-quatre pour être exacte. Ainsi que huit juifs cachés dans le grenier.
Je ne suis pas censée le savoir, pour les juifs, mais lors d'une de mes explorations nocturne, je suis montée au grenier. La porte était verrouillée mais ça n'a pas refroidi ma curiosité. Je l'ai croché avec l'une des épingles plates qui retenait mes cheveux dans un chignon désordonné.
Lorsque le cliquetis familier de la serrure qui cède s'est fait entendre, j'ai souri triomphalement. Il y avait une dizaine de marche qui menait à une deuxième porte que je me suis afférée à crocheter elle-aussi. Quand elle s'est ouverte et que je suis rentrée dans le grenier, je n'ai pas eu le temps de m'habituer à l'obscurité de la pièce qu'un violent coup m'a projeté à terre.
C'était le père de l'une des deux familles cachées dans le grenier qui avait essayé de m'assommer avec un livre, un énorme pavé de plus de mille pages. Il s'en est fallu de peu pour qu'il me frappe une deuxième fois. C'est sa femme qui l'a retenu lorsqu'elle a reconnu la Croix que j'avais sur mes vêtements d'infirmières.
Je ne comprenais pas ce qu'ils se disaient entre eux. Ils parlaient un mélange de français et d'hébreux le tout beaucoup trop vite.
Finalement, c'est le second père de famille qui m'a demandé dans un anglais hésitant si j'étais l'une des petites anglaises envoyées par la Croix Rouge. J'ai fait oui de la tête, peinant à retrouver mes esprits.
Madame Helene, la femme du médecin qui a repris l'ancienne clinique et qui est aussi une infirmière a été alertée par tout le brouhaha à l'étage. Elle est arrivée plus vite qu'il ne m'avait fallu de temps pour crocheter les portes.
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Entre deux mondes - Tome 1
RomanceEntre l'Irlande et l'Ecosse, l'amour naissant de Catherine et Blaine se doit d'être secret. En effet, le père de Catherine s'est remarié avec la mère de Blaine et s'ils ne partagent pas le même sang, ils ont peur du scandale que cela pourrait provoq...