Chapitre 13: Arlequin

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Asano se surprenait lui-même d'avoir résisté jusque ici sans lâcher une petite larme.
Encore à chaud, sa cheville lui tiraillait à peine. Et voilà désormais que sa jambe entière brûlait. Oh, marcher n'était pas impossible. Mais douloureux à souhait.
Il avait l'impression d'exagérer, là, à s'appuyer à tout ce qu'il trouvait afin de reprendre son souffle.
Il n'était pas au bord de la nausée, ni même de l'évanouissement, pourtant, sa poitrine lui tiraillait, contractant son estomac.
Sans doute n'était-ce que la peur de rentrer chez lui ce soir. En plus d'être en retard, il revenait boitillant. Qu'allait donc penser son paternel ?
Asano ne voulait pas y penser plus longtemps, au risque d'en être découragé.

Les allures de la ville nocturne ne lui inspiraient jamais confiance. Il y réfléchit un instant, se demandant si ce n'était pas finalement l'image que donnait les romans et les films. Peut-être n'était-ce pas si mal? Les gens sortaient bien la nuit, et ils avaient l'air heureux et en bonne santé. Tant mieux pour eux !

Pourtant, c'est au détour d'une rue, aussi cliché cela pouvait-il sonner, qu'il se tira de sa divagation. Plus loin, les pavés faisaient résonner de clairs coups de chocs. Ainsi que d'infimes sons de douleur. Ainsi que des injures.
Bien, il tombait bien.
S'il n'avait pas eût cette curiosité morbide comme tous les autres, il serait déjà parti bien loin.

C'est une couleur bien familière qui le tira de ses songes. Tout un univers auburn, aux touches de miel. Si ce regard lui attirait à l'ordinaire de la chaleur dans la poitrine, celle-ci, se comprima à la seule vue de ces mains tâchée de rouges.
Asano voulut prendre ses jambes à son cou, mais il n'eût le temps que de reculer d'un pas, avant qu'on ne le saisisse et qu'on ne le tire dans cette ruelle.

-Gianlu ! Lâche moi ! Tout de suite !

On lui intima de se taire, d'une main sur la bouche. Cette même main qui venait de détruire tous ces visages.
Aucun mot ne fut échangé entre eux, mais le roux craint de sentir la menace dans les iris de son ami.
Enfin, pouvait-il encore le qualifier de cette façon.
Sa poitrine se soulevait encore rapidement quand l'italien le relâcha. Bien qu'il avait changé d'expression, optant pour l'inquiétude à la place de cet air effrayant et violent, Asano mit une distance de quelques pas entre eux. Il ne pourrait pas lui échapper s'il décidait de le faire taire à nouveau, pour une longue durée. Mais il se sentait déjà plus en sécurité.
-Asano... Ne t'éloigne pas comme ça... Laisse moi t'expliquer

Le silence du délégué fut bien assez éloquent. Et pourtant, cela n'empêcha pas Gianlu de se rapprocher, et de lui prendre le poignet.
-Ta cheville... Il s'est passé quelque chose...? Quelqu'un t'as fait ça ?

Comment pouvait-il oser paraître si inquiet ? Se fit d'abord la réflexion Asano. Pourtant, les iris mitigées d'émotions de son ami lui firent se sentir coupable, de penser de lui ainsi.
-Je suis tombé... Mon père me tuera si je rentre dans cet état...

Silence. Asano papillonne des yeux, comme ne pouvant y croire.
-Pardon? Quoi ?
Gianlu lève les yeux au ciel, et retrouve son sourire charmeur qui lui allait si bien.
-J'ai dit "viens chez moi alors"
-Je ne peux pas...-
-Après ce que tu as vu ? Promis, je ne te ferais pas de mal... Je n'en ai jamais eu l'intention... Je veux juste t'assurer la sécurité, et une bonne nuit de repos, ça marche ? Tu pourras me poser les questions de ton choix !

-Tu vis réellement dans ce palace ? Et tu t'amuses à te battre dans la rue ? Par pitié, ne me dis pas que c'est simplement pour te défaire de ta vie lassante d'adolescent aisé qui s'ennuie.

Bonté divine, c'était simplement merveilleux comme maison. Si on pouvait l'appeler comme ça. Tout étant rayonnant, pimpant par chaque centimètre. L'entrée avait un double escalier ! Bon sang, il s'attendait à voir sortir un domestique de nul part pour appeler son ami "Maître", mais non, personne.
Gianlu l'emmena à travers le grand couloir, jusqu'à sa chambre, l'aidant à marcher comme il le pouvait.

-Ne t'inquiète pas pour mes parents, ils sont partis en dîner amoureux ce soir, ils ne poseront pas de questions
-Forcément, s'ils ne sont pas là...
La chambre de son hôte était... et bien, décevante. Il s'attendait au grand lit à baldaquin, au balcon à la baie vitrée, la salle de bain personnelle.
Bon, cette dernière était bien présente, mais la pièce de vie était si basique, un lit double, un bureau, quelques étagères pour les vêtements et les livres.

-Assieds toi sur le lit, je vais aller chercher de la bande et de l'alcool

Asano obéit et se retrouva donc seul, a observer ce qui l'entourait. Il n'eût pas réellement le temps de se faire quelque réflexion, Gianlu était déjà à genoux devant lui, pour lui retirer sa chaussure.
-Oh je peux le faire tu sais, ne t'embête pas ! En plus... Tes mains aussi sont blessées...
L'italien n'entendit rien, ayant pour seul projet de soigner son ami meurtri.
Asano soupira, avec une pointe d'amusement, et décidai de se laisser faire. Vint finalement le tour de Gianlu. Lorsque sa cheville fut en sécurité, bien entourée et maintenue par la bande, le roux força son ami à s'asseoir sur le lit pour désinfecter ses plaies superficielles. Mais tout de même, les phalanges étaient dures à cicatriser. Pour s'occuper, Asano lança la discussion, parlant de thèmes et d'autres. Et finalement, il se surprit à réaliser la fluidité de leur échange. C'était si naturel.

Au dépit de la promesse de Gianlu, Asano ne posa aucune question sur le début de soirée. Ce n'était ni le moment, ni son problème. Enfin, tout de même un peu. Mais il n'en avait pas envie. Un autre jour peut-être.
En tout cas, une seule question fut posée, lorsque le moment de dormir se présenta.
Il n'y avait qu'un seul lit. Il était assez grand oui. Asano n'avait pas l'habitude de dormir avec quelqu'un, et s'il faisait des choses étranges ? Qu'il ronflait, prenait toute la place ou volait la couverture ?
Gianlu parut lire dans son esprit, et le rassura. Au pire des cas, ce serait leur petit secret.
Et finalement, ce ton gentiment moqueur, peut-être bien charmeur, combla le manque d'assurance du jeune Gakushuu.
Cette nuit-là encore, ils parlèrent longtemps, avant de s'endormir chacun leur tour de leur côté.

{~Bakasutsuru~} Fanfiction Karma X ocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant