12.

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Devoir conjugal



— C'est quoi ces conneries ?

   — Je...

   —  ¡ CÁLLATE ! Sois un homme. ¿ Es así como actúa un hombre ? Je t'ai éduqué comme ça ? s'emporte quelqu'un dans le couloir.

   — Je suis un homme, le contredit la seconde voix masculine.

   Je me frotte les yeux en jetant un coup d'œil à mon cellulaire. Il est neuf heures. Je change ma position d'étoile et je me mets sur le dos.

   — ¿ Por qué tu esposa no duerme en tu cama ? Tu comptes faire ça longtemps ?

   La voix épaisse gronde plus fortement et se déplace, qui est-ce ? Ce ton, ce timbre, je le connais. Il faut que j'émerge encore un peu, je ne suis pas bien réveillée.

   — Tu...

   — Angel. Si j'apprends que tu dors seul une nuit de plus, je t'arrache les couilles à main nu.

   — Tu ne vas pas m'obliger ! s'impatiente mon conjoint en sifflant entre ses dents. Je n'ai rien demandé. Je ne veux pas...

   — Un mot de plus, le menace Cristobal – que je viens de reconnaitre, un mot de plus et je vais te montrer ce qu'est un homme. Tu es marié, ce n'est pas une simple alliance entre deux cartels. C'est pour la vie qu'elle se tiendra à tes côtés. Il faut que tu la traite comme une reine, que tu la chérisses et que tu perpétue notre lignée.

   — ... Il y a Sofia.

   J'ai raison ? J'ai raison !

   — Elkin a laissé une trace de son passage sur cette putain de terre et tu vas aussi le faire.

   Un silence de mort remplit les murs et je suis mal à l'aise. Si c'est Angel qui se fait réprimander, ça me concerne aussi. En soit, je n'ai pas choisi de faire chambre à part, on m'a offert cet endroit. Je sais très bien qu'un jour, je devrais donner la vie et d'ailleurs j'en ai envie. Cependant, la situation est particulière dans notre cas.

   — Elle en voulait une dizaine, de petits-enfants, précise mon beau-père d'une voix éteinte.

   — Tu ne peux pas jouer cette carte-là, papa. C'est injuste.

   — ... Et pourtant...

   Des pas s'éloignent, prennent les escaliers et je retiens ma respiration quand un poing s'abat contre le mur, mon mur. Je me redresse sur mes coudes, tendant l'oreille, Angel – je suppose – se bat avec les fondations et je me lève, me dirigeant vers la porte. Je tourne la poignée et le découvre, le front contre la peinture anthracite, les mains à plats dessus et le souffle court. Sa barbe a pris de l'épaisseur et son dégradé est fraichement rasé.

   Ses muscles tendent le tissu de sa chemise foncée et son postérieur moule son pantalon à la perfection. Deux voire trois boutons sont déboutonnés et son collier grain de café pend dans le vide. Son aura est sombre et semble le submerger. Il ne m'a pas entendu, j'en profite pour le contempler plus longuement. Ses longs cils sont recourbés, son nez concave frôle la cloison et ses lèvres ourlées sont pincées. Je fais un pas dans sa direction, la main tendue. Puis je me retiens.

   Est-ce que je dois intervenir ? Est-ce que je ne vais pas le brusquer ? L'énerver ?

   Pas le temps de plus réfléchir. Ses paupières s'ouvrent et ses perles jades m'étripent en une seconde. Ses traits tourmentés tentent de se montrer antipathique, ça ne fonctionne pas. Je vois bien qu'il souffre. Son cœur me parle et pleure tandis que son corps me ment en m'intimant de dégager.

Deal With Devil (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant