Une Découverte Pouleversante

Jacquie était un éleveur dévoué. Chaque œuf qu’il voyait lui rappelait à quel point il était important pour lui de s’occuper de ses volailles. Il se réveillait tous les matins à 4h, lorsque ses poules étaient encore endormies, pour pouvoir récolter les œufs sans avoir à se faire picorer les mains ; elles étaient très protectrices envers leurs œufs non fécondés ! En effet, on pouvait voir très facilement que, même si les poules venaient à peine de pondre, elles tenaient plus à leur hypothétique enfant qu’à leur propre vie. C’était un peu la même chose avec Jacquie ; il aurait tout fait pour ses poules, comme si elles étaient les seules là pour lui.

Mais, malheureusement pour elle, l’éleveur avait une femme, Josiane. Et Jacquie, c’était un peu la poule de Josiane. Et Josiane était un peu la poule numéro deux de Jacquie. Parce que même si elle tenait énormément à lui, elle voyait bien que son mari ne s’occupait plus d’elle. Même plus de petit bisou le matin avant de partir. Il n’y avait plus que ses poules qui comptaient depuis qu’elle était partie à la retraite et que Jacquie devait travailler pour subvenir à leurs besoins. C’était d’ailleurs peut-être la preuve de son véritable amour pour Josiane, faire en sorte qu'ils ne meurent pas de faim. Parce qu'ils pourraient toujours manger des graines, mais ça ne doit pas être suffisant pour un être humain.

***

Il était 6h du matin quand Jacquie sorti de son sommeil en sursaut, ce qui était tout à fait inhabituel ; son réveil n’avait pas sonné et il fut réveillé par un coq cocoricotant face au lever du soleil. Il remarqua que Josiane n’était pas dans leur lit. Où pouvait-elle donc être ? Tant pis. Josiane était adulte et vaccinée, donc elle pouvait vivre sa vie, tant que ce n’était pas trop loin de lui et de ses poules. Jacquie s’habilla alors en vitesse avant de rejoindre le poulailler, où il fut alerté par de nombreux cocotements.

Lorsqu’il ouvrit la porte, une odeur métallique lui chatouilla les narines, et c’est avec effroi ses yeux se perdirent sur Josiane, étendue sur le sol, inconsciente et entourée de poules. Son pull en maille jaune poussin était troué par les coups de bec des meurtrières aux plumes tachées de sang. Le fermier se sentit aussitôt trahit par l'homicide volontaire non prémédité (ou prémédité) des amoures de sa vie.

À force de ruminer, Jacquie comprit la situation. Josiane, voulant renouer les liens avec son mari, souhaitait simplement l’aider en allant chercher les œufs. Peut-être que, pour la même raison, elle voulait mettre fin à leur courte existence, mais le fermier préférait de loin imaginer la première version. Surtout que rien ne pouvait pardonner un homicide volontaire aux yeux du poulailleur ! Quoiqu'il en soit, les poules devaient, au moment du drame, être réveillées. Jacquie, dévasté par la mort du deuxième amour de sa vie, s’allongea sur le sol recouvert de graines, et rejoint sa femme.

FIN