chapitre 71 : Call me Mister Carnage

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— Mais qu'est-ce qu'elle fout ? râla Francesca.

— Ça fait plus de trente minutes ! Elle aurait dû être là depuis longtemps ! compléta Marcella sur le même ton.

Les jumelles se tournèrent de concert vers Lissandro. Assis dans son fauteuil en maître dominant, les jambes croisées l'une sur l'autre, il fixait un point mort dans le vide, le poing collé à ses lèvres. En face de lui Gennaro semblait tout aussi calme. Le regard fixe, il attendait tout simplement sans piper mot. L'inertie totale dont ils faisaient preuve tous les deux, cette absence de réaction en vint à agaçer les jumelles. Marcella ne parvint pas à contenir son impatience. Inquiète, elle se planta devant Lissandro les mains sur les hanches et fit fi du regard amer qu'il lui jeta. Intrépide et pleine de courage, elle débita :

— Pourquoi tu te bouges pas le cul merde ! Il s'agit de ta femme et de tes gamins ! Il s'agit de ma belle-sœur !

Lissandro tiqua, agacé à son tour. S'il n'était pas aussi inquiet pour sa petite brune qu'il ne voyait pas revenir, il lui aurait rabattu son clapet façon Soldat.

Gennaro qui s'en aperçut attrapa délicatement sa nièce par le poignet et l'enjoigna à se poser à ses côtés, lui faisant comprendre de ne pas provoquer Lissandro. Marcella obéit de mauvaise grâce. Francesca, beaucoup plus réfléchie et posée que sa sœur, ne se risqua pas à adresser la parole à l'homme dangereux en face d'elle. Il lui foutait les jetons comme pas possible. De plus, elle voyait bien à quel point il était nerveux. Derrière le vert sauvage de son regard faussement passif, brillait une réelle envie de tuer alors elle préféra se tenir à carreaux et surtout le plus loin possible du mafieux.

Elle prit place au côté de sa sœur puis lui chuchota de se calmer.

— Calme toi. Ça ne sert à rien de se mettre dans des états pareils.

— Pardon, mais j'aimerais juste que l'autre là se bouge un peu comme il doit le faire chaque fois qu'il veut la bai--

Carina ! gronda Gennaro. Tu vas un peu loin. Ne l'insulte pas. Tu ne veux pas te frotter à lui, crois moi.

Marcella se renfrogna dans le canapé alors que Lissandro avait dirigé ses yeux vers elle, glissant sur sa silhouette attrayante le plus sévère de ses regards, mais aussi le plus meurtrier. Déboucler sa ceinture en cuir pour faire rougir férocement son petit cul moulé dans la petite jupe en jean qu'elle portait le titilla sévèrement, mais il s'abstint d'obéir à ses pulsions masochistes. Même s'il désirait le faire dans l'unique but de punir Marcella parce qu'elle venait tout bonnement de l'insulter, il était quasi certain que Giana lui ferait une crise de jalousie pour avoir osé fesser une autre qu'elle. Il n'avait pas besoin de tout saboter entre eux alors qu'ils se cherchaient encore tous les deux. Ils en étaient à trouver leur repaire dans cette relation pleine d'ambiguïté parfois ardente. Il ne se pardonnerait jamais de l'avoir blessé, elle, sa princesse encore si vulnérable et fragile émotionnellement. Pour les blessures béantes qu'elle portait encore dans son cœur meurtri, il n'avait pas le droit.

Lissandro ravala ses démons, les calma en leur promettant qu'ils pourraient se déchaîner lorsqu'il se trouverait en face de celui ou celle qui détenait Giana. Il réservait et contenait toute sa rage à ceux qui se risquaient à la toucher. Sans trop savoir pourquoi, Lissandro le préssentait au fond de lui que quelque chose lui était arrivé. C'était la même sensation de froid et de vide dans la poitrine qu'il y a quatre ans. La même douleur. Le même feu dévorant qui lui brûlait les tripes. La même rage qu'on ait pu enlever Giana à ce prédateur tapis en lui qui se mit à hurler à la mort. C'était la même putain de sensation, cette sempiternelle tristesse qui refroidissait tout en lui et arrivait en force. Ça brûlait. Ça gelait. C'était tout à la fois et décuplé fois mille parce qu'ils détenaient aussi ses enfants.

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant