chapitre 43

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La journée commençait bien, pensait Astoria en sortant de sa chambre. Depuis sa fenêtre elle avait pu admirer la grande étendue de neige, illuminée par un soleil éclatant. Yuma leur avait promis qu'il leur prêterait des luges et qu'ils iraient dévaler quelques collines. C'était leur dernier jour au château, leur départ étant planifié pour le lendemain matin. Astoria se rendit dans la salle à manger où se trouvaient encore sa mère et le roi. Depuis des jours, ils ne cessaient de parler d'accords commerciaux et autres. Astoria s'attabla à leurs côtés, et surprit un petit coup d'œil inquiet de sa mère.

- Qu'est-ce ce qu'il y a ?

- Hum.. Dracomir me mettait au courant des dernières nouvelles. Argus a tenté d'hypnotiser un garde hier soir. C'est sa seconde tentative. Nous allons le déplacer dans une prison de haute sécurité dans l'est du royaume.

- Et Acanthi devra l'accompagner n'est-ce pas ?

- Comme tu l'as toi-même dit, il n'est qu'une marionnette aux ordres d'Argus. Confirma Dracomir.

- Je sais. Mais je ne désespère pas de trouver une solution pour briser l'emprise d'Argus. S'il vous plaît, laissez-moi jusqu'à ce soir. Si après je n'ai pas trouvé, alors vous pourrez les emmener tous les deux. Supplia Astoria.

Sa mère accepta avec un sourire compatissant pour sa fille. Même Astoria ne se faisait pas d'illusions, à moins d'un miracle, Acanthi partirait le soir même.

***

Astoria s'installa sur son lit et fixa le plafond. Elle venait d'annoncer à Yuma et Zoé qu'elle ne comptait pas les accompagner faire de la luge. Si il ne lui restait qu'une journée avant qu'Acanthi s'en aille, alors elle devait rester près de lui. Allongée sur le dos, les paumes tournées vers le ciel, elle fit apparaître une petite tige dans sa main. La tige s'enroula le long de ses doigts puis grimpa vers le plafond. Des feuilles se déployèrent, des bourgeons apparurent et s'ouvrirent en de délicates fleurs rouges. La plante commença à se ratatiner, et aussi vite qu'elle avait poussé, elle mourut en un petit tas de cendres dans la paume d'Astoria.

- L'harmonie est dans l'équilibre. Sans mort, pas d'équilibre, et sans équilibre pas d'harmonie. dit-elle dans un souffle.

Elle avait une petite idée dans la tête, mais elle essayait de la repousser au loin. C'était un pari très risqué. Soit elle sauvait Acanthi, soit elle le perdait à jamais. Elle ferma les yeux et se concentra sur le chant des oiseaux au dehors. Bercée par le bruit, elle respira lentement et profondément, et quand elle se sentit totalement relaxée, elle se mit debout. Au fond elle savait bien ce qu'elle devait faire.

Astoria se tenait désormais devant la cellule d'Argus. Elle expliqua au garde en faction qu'elle avait simplement besoin de parler au prisonnier. Elle se contenterait de parler à travers la porte, le passage destiné à la nourriture ouvert, afin de laisser passer le son. Le garde s'éloigna de quelques mètres et elle toqua à la porte pour s'annoncer en bonne et dut forme.

- Argus ? Nous devons parler. C'est Astoria.

- Et quels intérêts j'aurais à parler avec toi ? Lui répondit une voix roc après quelques instants.

- Aucun intérêt pour toi. Mais tu n'as pas grand chose d'autre à faire que de m'écouter. Et c'est dans l'intérêt de ton fils.

- Parle.

- Vous allez être transféré dans une nouvelle prison. Là-bas, plus aucune chance pour vous de vous échapper. Vous allez finir votre misérable existence entre quatre murs. Mais Acanthi peut être épargné. Il a une longue et belle vie qui l'attend. Si tu ne le libères pas de ton emprise, tu le condamnes. Tu dois détruire ton emprise sur lui.

En disant la dernière phrase, la voie d'Astoria s'était faite suppliante. Elle attendit avec inquiétude la réponse.

Un rire brisa le silence.

- Et pourquoi je ferais une telle chose ?

- Parce que c'est ton fils. Au fond, tu dois vouloir son bien.

- C'est possible, mais le problème vois-tu, c'est que je ne ressens absolument plus rien. Je crois que si je devais, je pourrais même le tuer. Mais je ne le ferais pas. Parce qu'il te fera plus souffrir en vie que mort. Toute ta vie tu seras hantée par le souvenir de ce garçon innocent que tu as envoyé vivre et décrépir en prison. Et ça, c'est la plus belle des satisfactions.

Argus recommença à rire. Astoria fit signe au garde qu'elle avait terminé et tourna les talons.

- Bien.

***

Quand Astoria fut de nouveau devant la porte de la cellule, elle eu un moment d'appréhension. Derrière elle, elle sentait le regard brûlant de sa mère et du roi Desmodus. Elle leur avait demandé de l'accompagner, en leur expliquant qu'elle devait essayer quelque chose sur Argus. Un garde leur ouvrit la porte, et ils rentrèrent tous les trois. La cellule était sombre, la lumière ne passait que par une toute petite fenêtre en hauteur. Peu de risque d'évasion par là. Argus était allongé sur une couchette et Acanthi assis en tailleur au sol. Le coeur d'Astoria se serra. Elle faisait le bon choix.

En les voyant, Argus se leva.

- Assieds-toi tout de suite. Ordonna Astoria.

Il dû se rappeler la foi ou elle l'avait propulsé dans le mur, puisqu'il s'exécuta aussitôt.

- Je vais faire vite, du moins si tu ne me compliques pas la tâche. Sinon je pense pouvoir rendre le processus un peu plus douloureux que prévu.

- Qu'est-ce que tu vas me faire ? Grogna Argus.

- Tu le sauras bien assez vite.

Astoria ferma les yeux. Elle ne savait pas si elle allait réussir à faire ce qu'elle voulait. La seule fois ou elle l'avait fait, c'était accidentel et elle était dans une rage abominable. Elle fit le vide et commença à amasser une boule d'énergie. Elle fit remonter ses plus beaux souvenirs, les moments les plus incroyables de sa vie, mais aussi les plus durs. Elle sentait l'énergie pulser dans sa poitrine, fourmiller dans chaque cellule de son corps. Elle la projeta sur Argus avec toute sa puissance et toute sa concentration. Il s'effondra en hurlant, elle continua. La scène ne dura que quelques secondes, mais Astoria savait que ce qu'elle venait de faire subir à son pire ennemi la torturerait dans ses cauchemars pendant de longues années. Elle rouvrit les yeux pour voir Argus essayer de se redresser en s'appuyant contre le mur. Ses cheveux avaient perdu leur teinte rouge pour virer au gris.

- Qu'est-ce que tu m'as fait ?! Qu'est ce que tu m'as fait ?

En entendant ses hurlements, un garde ouvrit la porte et vint lui tenir les mains dans le dos.

- Tu le sais déjà. J'ai rendu justice à tes victimes passées, et j'ai épargné des souffrances à tes victimes futures. J'ai détruit toute trace de magie en toi. Plus jamais tu ne pourras en faire usage. Tu n'es plus une menace désormais.

Sous les injures d'Argus, Astoria se retourna avec appréhension. Acanthi était allongé au sol, les yeux fermés. Elle s'accroupit à ses côtés et posa une main sur sa poitrine. Sa respiration était faible, mais elle était là. Avec l'aide de sa mère, elles le déplacèrent sur son lit. Ses paupières s'agitèrent, puis s'ouvrirent. Ses yeux firent le tour de la pièce, puis se posèrent sur Astoria.

- Astoria ? Où je suis ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Astoria le prit dans ses bras et laissa couler quelques larmes de soulagement. Elle avait bien coupé le lien, et ça n'avait pas tué le garçon. Maintenant il était libre. Ils étaient libres.


Le royaume des elfes 1-AstoriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant